Rougeole : Les compteurs se stabilisent, mais la menace persiste

Au Maroc, la rougeole continue de se propager, mais pas au rythme des dernières semaines. Après un attentisme, dont les conséquences furent désastreuses, la tutelle a déployé des mesures d’urgence qui portent leurs fruits.

Après l’explosion des compteurs épidémiologiques ces dernières semaines, le Maroc connaît enfin une légère baisse des cas de rougeole, qui fait rage non seulement au Royaume, mais dans toute la région. Selon les données du ministère de la Santé et de la Protection sociale, la semaine dernière s’est soldée par 2.863 nouveaux cas et 8 décès dus aux complications de la maladie.  Il s’agit donc d’une diminution de 14,9% par rapport à la semaine d’avant. La région de Rabat-Salé-Kénitra arrive en tête avec 807 cas et 2 décès, suivie de Casablanca-Settat avec 558 cas et 2 décès, puis Tanger-Tétouan-Al Hoceïma avec 441 cas et un décès.

 Les régions de Fès-Meknès, l’Oriental et Marrakech-Safi enregistrent également des chiffres importants, avec respectivement 401, 241 et 220 cas. Une baisse significative du rythme de propagation de la maladie a été constatée dans certaines régions, avec une diminution de 52,2% des cas à Drâa-Tafilalet, 42,5% à Fès-Meknès et 20,8% à Béni Mellal-Khénifra.
 
Rattrapage de la tutelle
 
Après avoir longtemps botté en touche, le ministère de tutelle a déployé un plan national de veille et de riposte, fort d’une campagne de rattrapage qui a officiellement débuté le 3 février 2025 dans les établissements scolaires. Le renforcement du dispositif de surveillance cible surtout les enfants âgés de 5 à 18 ans. L’objectif est de garantir que toutes les doses prévues par le calendrier vaccinal national ont bien été administrées et d’atteindre une couverture vaccinale d’au moins 95%. Les enfants demeurent une priorité, alerte Tayeb Hamdi, médecin et expert en politiques et systèmes de santé. «Un enfant qui a reçu deux doses de vaccin contre la rougeole est protégé à vie», explique le médecin, précisant qu’une personne non-vaccinée ou partiellement vaccinée reste exposée à la contamination, voire au décès, selon l’immunité de chacun.

 Il y a exactement un mois, quand cette question de rougeole n’était pas encore pleinement assumée par la tutelle, Mouad Merabet, coordonnateur du Centre national des opérations d’urgence de santé publique, nous déclarait qu’aujourd’hui les parents «vaccinent de moins en moins leurs enfants», soulignant qu’un tel comportement risque de causer des scénarios épidémiologiques graves. Seule la reprise de la vaccination permet de prévenir une extension de la maladie à grande échelle, a-t-il insisté, notant que le virus actuel est très transmissible, d’où l’importance des vaccins qui sont, selon lui, extrêmement efficaces et sûrs.

 Cela dit, la vérification du statut vaccinal se fait, selon le plan national, directement dans les établissements scolaires pour les enfants scolarisés. Quant aux enfants non scolarisés de 5 à 18 ans et ceux de moins de 5 ans, le suivi est assuré dans les centres de santé. Les vaccins sont administrés dans les écoles et les centres de soins de santé primaire, avec l’accord préalable des parents ou tuteurs. À cet effet, des fiches d’approbation ont été distribuées, conformément à une circulaire conjointe des ministères de l’Éducation nationale et de la Santé, appelant à vérifier les carnets de vaccination et à recueillir l’autorisation parentale pour la vaccination en milieu scolaire si nécessaire. En début février, les statuts de près de 9 millions d’enfants ont été vérifiés, sachant que la population cible est estimée à plus de 10.5 millions.
 
L’épidémie dépasse les frontières
 
L’épidémie de rougeole au Maroc a franchi les frontières, touchant également l’Europe. L’Espagne a annoncé, mardi, avoir enregistré des cas importés depuis le Royaume. Selon les autorités sanitaires espagnoles, la hausse des infections est liée à l’importation du virus depuis des pays en pleine flambée épidémique, principalement le Maroc et la Roumanie. Jacobo Mendioroz, directeur général adjoint chargé de la surveillance et de la réponse aux urgences sanitaires en Catalogne, a précisé que 34% des cas confirmés en Espagne cette année sont dus à des infections importées. En France, qui a tiré la sonnette d’alarme bien avant, entre le 1er janvier et le 20 février, 13 cas de rougeole importés ou liés à un séjour au Maroc ont été signalés dans plusieurs régions, portant le total à 39 cas.

Parmi eux, 12 concernent des enfants de moins de 5 ans et 20 des jeunes adultes. 23 personnes touchées n’étaient pas vaccinées alors que les neuf restants ignoraient leur statut vaccinal. La situation reste préoccupante à l’Hexagone, puisque 26 des 39 cas ont nécessité une hospitalisation, dont 11 rien qu’en janvier 2025. Face à cette recrudescence, Santé publique France rappelle l’importance de vérifier son statut vaccinal avant tout voyage, en particulier vers les zones à forte endémicité comme le Maroc. Notons par ailleurs que le vaccin contre la rougeole affiche une efficacité supérieure à 95% après deux doses. Pour les nourrissons, une première injection peut être réalisée dès l’âge de 6 mois en cas de déplacement, avec un rattrapage vaccinal à compléter par la suite. De même, les personnes non protégées nées avant 1980 sont encouragées à recevoir une dose du vaccin ROR avant leur départ.
 

3 questions à Jaâfar Heikel, épidémiologiste et expert en économie de la Santé
« Le vaccino-scepticisme post-Covid joue un rôle dans la propagation de la rougeole »
 

Comment évaluez-vous la situation épidémiologique dans un contexte de propagation de la rougeole ?

 

Les autorités sanitaires sont en état de vigilance accrue, non pas seulement cette année, mais depuis la fin de la pandémie de Covid-19. Partout dans le monde, on observe une augmentation de 20 à 25 % du nombre de nouveaux cas de rougeole et d’autres maladies infectieuses. Ce phénomène mondial s’inscrit aussi dans le contexte marocain, notamment en raison d’une montée du vaccino-scepticisme post-Covid. Or, le vaccin contre la rougeole est très efficace. Toutefois, nous avons constaté que de nombreuses personnes ne vaccinent plus leurs enfants, ce qui a conduit à une hausse alarmante des cas. Nous sommes passés de seulement 3 cas au début à plus de 25.000 aujourd’hui. Cette situation s’explique par une baisse du taux de vaccination. Autrefois, 97 % des enfants marocains étaient vaccinés contre les maladies infectieuses, dont la rougeole. Aujourd’hui, ce chiffre est tombé à environ 83 %. Cette réduction d’une dizaine de points se traduit directement par une recrudescence des cas.

 

En cas de détection d’un cas positif, quelles sont les mesures à adopter ?

 

Les médecins au Maroc connaissent bien la rougeole et savent comment réagir. Il est essentiel d’isoler le patient, de veiller à son hydratation et d’administrer les traitements symptomatiques appropriés. Les antibiotiques ne sont prescrits qu’en cas de complications infectieuses.

 

Y a-t-il une différence de prise en charge entre les enfants et les adultes ?

 

Non, car la rougeole est une maladie extrêmement contagieuse, encore plus que le Covid-19. Une personne infectée peut contaminer au moins neuf individus non vaccinés, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes. La meilleure protection reste la vaccination. Ce vaccin, utilisé depuis 60 ans, est très fiable. Il est crucial de recevoir deux doses, espacées d’au moins un mois, pour assurer une protection quasi-totale et durable.

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