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Casablanca: Derb Ghallef, une mue entre mémoire et modernité

Au cœur de la Métropole, Derb Ghallef s’apprête à vivre sa plus grande mue. Alors que les bulldozers grondent, une question plane au-dessus des allées surpeuplées: comment moderniser l’âme rebelle de ce lieu légendaire sans la faire disparaître ? 



A Casablanca où les klaxons se mêlent aux appels des marchands ambulants, le marché de Derb Ghallef est sur le lit chirurgical pour recevoir son tant attendu coup de bistouri. Ce colosse de tôle et de néons, dont les entrailles bruissent depuis 1922 au rythme des transactions informelles, va enfin recevoir son lifting le plus spectaculaire, comme une renaissance menée tambour battant par les autorités locales.

Les étals et l’air saturé de poussière et d’effluves de câbles qui caractérisent ce sanctuaire du commerce parallèle s’apprêtent à se dissiper, laissant place à une brise de modernité. La mairie et l’arrondissement de Maârif, architectes de cette transformation, promettent un miracle : celui de préserver l’âme rebelle de ce lieu mythique tout en le propulsant dans le XXIème siècle. Il s’agit, grosso modo, d’une promesse aussi audacieuse que le marchandage qui s’y pratique quotidiennement.

Ceci dit, exit le temps infini où les visiteurs devaient se faufiler dans un dédale de ruelles tortueuses, où les toits de fortune en tôle ondulée gémissaient sous les assauts du vent, où les échoppes s’entassaient comme des dominos. Le nouveau visage de Derb Ghallef se dessine déjà grâce à des boutiques modernes s’élevant sur deux niveaux, une galerie commerciale où le sol ne sera plus un patchwork de flaques boueuses et de câbles dénudés. 

Mais, comme nous l’avions déjà annoncé sur les colonnes de L’Opinion, derrière cette façade rutilante, les commerçants, véritables artères de ce corps commercial, se sont vus contraints à un exil vertical, prisonniers des étages supérieurs d’un bâtiment qui les a longuement étouffés de son décor aux airs de modernisme. Ce qui devait être une migration temporaire d’un mois s’est transformé en un purgatoire de quinze lunes, pendant lesquelles leurs espoirs se sont effilochés comme les câbles USB qu’ils vendent.

Les doléances se sont, hélas, succédé sur les bureaux administratifs et chaque lettre raconte l’Histoire d’un commerce qui suffoque dans les hauteurs où les clients, tels des oiseaux rares, ne s’aventurent plus. Les dettes se sont accumulées comme des composants électroniques défectueux, tandis que les commerçants, funambules économiques, tentent de maintenir leur équilibre sur le fil tendu de leur survie.

Dans ce temple centenaire de l’électronique, où chaque mètre carré raconte un chapitre du train-train quotidien des lieux, l’incertitude n’a que trop plané, tel un nuage d’orage. Les occupants, gardiens d’un savoir-faire centenaire, luttent, jusqu’à l’écriture de ces lignes, pour ne pas devenir les fossiles d’une époque révolue. Leurs voix s’élèvent vers le Wali, portant l’écho d’une tradition commerciale qui refuse de s’éteindre dans le vrombissement de la modernisation.

Alors que le soleil couchant teinte de corail les façades défraîchies de Derb Ghallef, une question reste suspendue dans l’air chargé d’espoir et d’appréhension : les autorités sauront-elles préserver l’âme de ce lieu emblématique tout en le propulsant vers l’avenir comme ce qui est en phase d’être réalisé au niveau de la Souika de Rabat ? Wait and see…

Houda BELABD

Se transformer ou disparaître…

Réputé pour ses trésors d’électronique, ses vêtements à prix modestes et son tumulte désordonné, Derb Ghallef n’est pas qu’un simple marché. C’est une mémoire vivante, une enclave où les destins s’entrelacent, où l’économie informelle rencontre l’ingéniosité populaire. Mais sous le poids des plans de restructuration urbaine, c’est une bataille entre patrimoine et progrès qui s’engage. Les habitués s’inquiètent : « Où iront les petits commerçants ? Les discussions animées autour d’un café au coin d’une échoppe ? Le chaos familier qui, paradoxalement, fait tout le charme du lieu ? ». Si certains y voient une opportunité de renouveau et d’organisation, d’autres redoutent la perte de cette âme rebelle qui a toujours défié l’ordre établi. Alors que la poussière des travaux s’apprête à se mêler aux souvenirs des générations, une autre question se pose : quel sera le visage de Derb Ghallef demain ? Une légende remodelée ou une Histoire balayée ?

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