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Céréales marocaines: Une opportunité pour l’Espagne, un casse-tête pour ses agriculteurs

Les importations espagnoles de céréales marocaines ont bondi de 625% en 2024, illustrant la volonté de l’Espagne de diversifier ses sources d’approvisionnement pour contenir la hausse des prix.

Les importations espagnoles de céréales en provenance du Maroc ont connu une envolée spectaculaire en 2024, avec une hausse de 625% par rapport à l’année précédente. Un bond qui illustre, à la fois, l’évolution des flux commerciaux agricoles entre les deux rives de la Méditerranée et les pressions économiques croissantes sur les agriculteurs espagnols, lesquels font face à la chute des prix locaux.

Selon des données officielles du ministère espagnol de l’Économie et du Commerce, la valeur des céréales marocaines importées par l’Espagne a atteint près de 1,5 million d’euros en 2024, contre seulement 205.000 euros en 2023. En termes de volume, les exportations marocaines vers l’Espagne sont passées de 240.000 kilogrammes à 1,87 million de kilogrammes, soit une augmentation vertigineuse de 680% en une seule année.
 

Un levier pour contenir les prix locaux

Cette explosion des importations marocaines s’inscrit dans une stratégie espagnole plus large visant à diversifier les sources d’approvisionnement en céréales et faire baisser les prix sur le marché intérieur.

Confrontée à la flambée des coûts agricoles et à l’inflation alimentaire, l’Espagne a intensifié ses achats non seulement auprès du Maroc, mais aussi de l’Ukraine, qui reste son principal fournisseur. En 2023, les importations espagnoles de céréales ukrainiennes ont atteint 8,4 millions de tonnes, et près de 6,5 millions de tonnes rien qu’au premier semestre 2024.

Si cette ouverture accrue aux céréales étrangères a permis de stabiliser les prix pour les consommateurs, elle exerce une pression considérable sur les agriculteurs espagnols. Selon l’Organisation agricole « Unión de Uniones », les producteurs locaux ont été contraints de réduire leurs prix de vente de 45% depuis mai 2022, fragilisant davantage un secteur déjà éprouvé par la hausse des coûts de production.
 

Entre opportunité commerciale et crise agricole interne

Côté marocain, cette percée sur le marché espagnol intervient dans un contexte paradoxal. Une note conjoncturelle publiée par la Direction des Études et des Prévisions Financières (DEPF) au Maroc a en effet révélé une chute de 43% de la production céréalière au cours de la campagne agricole 2023-2024, principalement en raison de la rareté des ressources hydriques.

Face à cette baisse de production nationale, le Maroc a dû compenser par une augmentation massive de ses propres importations, notamment en provenance de Russie. En août 2024, le Royaume a ainsi importé 740.000 tonnes de céréales russes, représentant 37,6% des exportations totales de la Russie pour ce mois. Une dynamique qui a fait du Maroc le premier client de la région russe de Rostov, un bassin majeur d’exportation agricole.

Cette montée en puissance des échanges céréaliers entre le Maroc et l’Espagne reflète une interdépendance agricole croissante, dictée par la recherche de sécurité alimentaire dans un contexte marqué par la volatilité climatique et les tensions géopolitiques perturbant les marchés mondiaux. Cependant, cette dynamique expose à la fois les agriculteurs marocains et espagnols à une volatilité accrue des prix et à une concurrence exacerbée, dans un marché où l’équilibre entre production locale et flux d’importations devient de plus en plus fragile.

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