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Cessez-le-feu à Gaza : Tout ça Pour ça ! [INTÉGRAL]

​Après 15 mois de bombardements qui ont causé des dizaines de milliers de morts dans le territoire palestinien, un cessez-le-feu est enfin entré en vigueur à Gaza, permettant à des milliers de déplacés de regagner leurs foyers. Alors que le bilan des dégâts est alarmant et que la pérennité de la trêve reste incertaine, la communauté internationale s’efforce d’apaiser les tensions. Éclairage.

Dimanche 19 janvier à 9h15 GMT, des milliers de déplacés palestiniens, chargés de leurs affaires, ont emprunté les routes jonchées de destructions pour regagner leurs foyers, au Nord ou au Sud de la bande de Gaza dévastée. Ils ont profité du cessez-le-feu, entré en vigueur avec trois heures de retard, entre les forces israéliennes et le Hamas. Un accord qui prévoit, dans une première phase de six semaines, l’arrêt des hostilités et la libération de 33 otages retenus à Gaza en échange de 737 prisonniers palestiniens détenus par Israël.
 
Si cette trêve suscite l’espoir d’une paix durable dans le territoire palestinien, elle ne laisse place à aucune euphorie tant les incertitudes quant à sa pérennité demeurent importantes, surtout que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a averti que son armée pourrait reprendre les armes. Dans cette même perspective, le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a mis en garde, dimanche, quelques heures seulement après le début de la trêve, contre une persistance de «l’instabilité régionale» si le Hamas reste au pouvoir à Gaza. «Si le Hamas reste au pouvoir, l’instabilité régionale qu’il provoque risque de perdurer. Il n’y a pas d’avenir de paix, de stabilité et de sécurité pour les deux parties si le Hamas reste au pouvoir dans la bande de Gaza», a-t-il tranché lors d’une conférence de presse. Pour leur part, les dirigeants du Hamas ont affirmé à plusieurs reprises qu’ils seraient disposés à confier la gestion des affaires civiles de Gaza à une entité palestinienne et qu’ils n’avaient aucune intention de gouverner la bande de Gaza après le conflit.
 
Le président palestinien Mahmoud Abbas a rassuré, lui, que l’Autorité palestinienne est prête à «assumer pleinement ses responsabilités» dans la bande de Gaza, réaffirmant «l’autorité légale et politique de l’Etat de Palestine sur ce territoire». Parmi ces responsabilités, la présidence a cité dans un communiqué le retour des déplacés, la fourniture de services de base, la gestion des points de passage et la reconstruction du territoire dévasté par plus de 15 mois de guerre.
 
Ceci dit et quelle que soit l’identité de ceux qui prendront les rênes du pouvoir, ils ne gouverneront que sur un champ de ruines, tant le bilan des dégâts matériels et humains est catastrophique.
 
Bilan sanguinaire
 
Car oui, les statistiques confirment la mort de plus de 46.913 personnes à Gaza, dont un enfant sur quatre, et plus de 110.450 personnes ont été blessées à divers degrés de gravité, selon le ministère de la Santé. Israël compte de son côté 1.200 morts et plus de 5.400 blessés, tandis que 250 personnes ont été capturées et transférées dans la bande de Gaza après l’offensive du Hamas en octobre 2023. Par ailleurs, pas moins de 1,9 million de Gazaouis ont été contraints de fuir plusieurs fois à l’intérieur de la bande de Gaza, vivant comme réfugiés dans plusieurs camps et dont 96% sont confrontés à une crise de famine. Le nombre de travailleurs humanitaires tués a en outre atteint 371, selon des sources de l’ONU, alors qu’en Cisjordanie, le nombre de Palestiniens tués par Israël a atteint 813, selon la même source. Côté infrastructures, quelque 50% des hôpitaux de la bande de Gaza «fonctionnent partiellement», alors que plus de 12.000 patients ont un besoin urgent de quitter Gaza pour se faire soigner.
 
Le patrimoine historique et architectural des villes de Gaza, de Beit Hanoun, de Deir el-Balah, de Khan Younès et de Rafah, a également été transformé en ruines. L’UNESCO travaille en ce moment sur une évaluation préliminaire à distance des dommages causés aux biens culturels grâce aux images satellites et aux analyses fournies par UNOSAT, le centre satellitaire des Nations Unies. Les données préliminaires laissent entendre qu’entre octobre 2023 et octobre 2024, les dégâts constatés concernent 75 sites : 48 bâtiments historiques ou artistiques, 10 sites religieux, 7 sites archéologiques, 6 monuments, 3 dépôts de biens culturels et 1 musée. Pour ne prendre que l’exemple de la mosquée Omari, qui s’étend sur une superficie de 4.100 m2, elle a été «totalement rasée», témoigne à la presse HamdanTaha, coordinateur du projet d’Histoire et de patrimoine de la Palestine.
 
Rabat appelle à la «paix sincère»
 
Le Maroc, dont le Souverain, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, préside le Comité Al-Qods, a appelé «toutes les parties palestiniennes et israéliennes à donner une chance à la paix et à démontrer un engagement sincère et constructif, loin de toutes considérations conjoncturelles ou opportunistes». Dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, le Royaume insiste sur le fait que l’accord entre les deux parties soit pleinement respecté, et qu’il permette l’arrêt des attaques contre les civils, le retour des déplacés et l’accès fluide à une aide humanitaire en quantités suffisantes.
 
Comme l’a souligné le Souverain, notamment dans Son Message au dernier Sommet arabe, il est fondamental d’éviter de sortir d’une crise pour entrer dans une autre. La diplomatie marocaine poursuit que l’accord de cessez-le-feu devrait ouvrir la voie à un vrai processus de paix, permettant l’établissement d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967 avec Al-Qods Est comme capitale, vivant côte-à-côte et en paix avec Israël.

 

​3 questions à Mohammed Badine El Yattioui : «Il va y avoir des complications pour la durabilité de cette trêve»
Plusieurs analystes et observateurs mettent en doute la durabilité de ce cessez-le-feu entre le Hamas et Israël. Quel est votre avis sur cette trêve ?
 
– Il va y avoir des complications pour la durabilité de cette trêve et pour plusieurs raisons. Il faut retenir que le cabinet israélien est divisé car l’opposition, notamment l’extrême droite, veut maintenir la guerre contre Hamas. La trêve a été adoptée suite aux pressions de Donald Trump, après plusieurs tentatives vaines de Joe Biden. Trump a tout fait pour obtenir le cessez-le-feu, et a fini par l’avoir avant son investiture. Une fois investi, Trump passera à la deuxième phase de son plan pour instaurer la trêve, et tout dépendra des garanties de la Maison Blanche pour que Netanyahou ne refuse pas le plan. Ensuite, Netanyahou souhaite toujours attaquer les installations nucléaires de l’Iran, et pour ce faire, il a besoin du soutien technique et diplomatique de Trump. Un tel scénario enflammerait encore une fois la région. Sur la question que l’on doit se poser : pourquoi Netanyahou a accepté cette fois-ci la trêve qu’il avait refusée auparavant à Biden ?, d’après moi, Netanyahou a accepté la trêve parce qu’il a reçu de Trump des garanties, soit sur la Cisjordanie ou bien sur une attaque contre l’Iran.

Il est à noter en outre que Hamas a perdu tant de combattants durant cette guerre, cependant il a pu recruter parmi la jeunesse palestinienne, ce qui laisse dire qu’une trêve durable demeure un scénario très difficile à réaliser.

Avec l’arrivée de Trump à la Maison Blanche et l’adoption du cessez-le-feu entre le Hamas et l’Israël, un nouveau paradigme sur cette région s’annonce, à quoi doit-on s’attendre ?

 
– Avant l’arrivée de Trump, on observe un nouveau paradigme en train d’avoir lieu, avec la chute de Bachar Al Assad en Syrie et l’affaiblissement du Hezbollah et du Hamas, on s’attend à une reprise des accords d’Abraham lancés par Donald Trump durant son premier mandat, avec, cette fois-ci, la normalisation par l’Arabie Saoudite. Sur ce sujet, Mohammad Ben Salman a été clair en posant comme condition sine qua non la création d’un Etat Palestinien. Il reste à voir si Trump va pousser les Saoudiens à normaliser avec l’Israël sans cette condition de création d’un Etat palestinien, surtout que l’Iran, en cas d’attaque de ses installations nucléaires, tentera certainement d’attaquer les installations pétrolières des pays du Golfe. Dans un tel scénario, l’Administration américaine proposera de défendre les pays du Golfe comme moyen d’amener ces derniers à normaliser avec l’Israël.
 

Comment peut-on envisager l’éventuelle reconstruction de Gaza ?

– La reconstruction de Gaza devra passer par les financements internationaux, en l’occurrence de certaines organisations internationales et de certains États, comme les pays du Golfe.
 
Cependant, il pourrait y avoir un blocage du fait que chaque Etat du Golfe veut imposer une personnalité de son choix à la tête de l’Autorité palestinienne.
 
A titre d’exemple, les Émiratis soutiennent Mohamed Dahlane, lequel a des gros problèmes avec Fatah et Hamas, les Saoudiens adoptent un positionnement très critique sur le Hamas et soutiennent désormais de moins en moins Mahmoud Abbas, le Qatar a toujours soutenu le Hamas et accueilli les responsables de sa branche politique à Doha. Tous ces éléments devront impacter le financement de la reconstruction de Gaza. À ceux-ci, s’ajoutera la volonté de l’Administration américaine de Trump, qui aura certainement une personnalité à placer à la tête de l’Autorité palestinienne.  En bref, le financement de la reconstruction devra passer par les voies diplomatiques de l’Autorité palestinienne, et la Communauté internationale devra faire face aux enjeux politiques de cette étape.

ONU : Les premiers camions d’aide entrent à Gaza
Les premiers camions d’aide humanitaire sont entrés dans Gaza quelques minutes après le début du cessez-le-feu conclu entre Israël et le Hamas, a indiqué dimanche un responsable de l’ONU pour les territoires palestiniens sur le réseau social X. «Un cessez-le-feu est finalement entré en vigueur à Gaza à 11h15 ce dimanche. Les premiers camions de ravitaillement ont commencé à entrer à peine 15 minutes plus tard», soit 09h30 GMT, a écrit Jonathan Whittall, responsable par intérim de l’agence des urgences humanitaires de l’ONU (OCHA) pour les territoires palestiniens occupés. Plusieurs Etats, dirigeants et personnalités éminentes appellent au maintien de la paix, notamment le pape François qui a appelé dimanche au «respect immédiat» du cessez-le-feu à Gaza, et à un renforcement de l’aide humanitaire ainsi qu’au retour des otages. «Les Israéliens et les Palestiniens ont besoin de signes clairs d’espoir. J’espère que les autorités politiques des deux pays, avec l’aide de la communauté internationale, parviendront à la solution juste de deux États», a encore déclaré le pape, ajoutant : «Que chacun dise oui au dialogue, oui à la réconciliation, oui à la paix».

​Israël : Raids meurtriers avant la trêve
Quelques heures avant l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, l’armée israélienne aurait intensifié ses bombardements aériens et d’artillerie sur plusieurs zones de la bande de Gaza. Selon des médias, dont l’agence de presse turque Anadolu présente sur place, des témoins oculaires ont rapporté que les quartiers d’Al-Sitafawi et d’Al-Karama, situés au Nord-Ouest de la ville de Gaza, ainsi que les zones orientales du camp de Jabalia, auraient été la cible de violents bombardements d’artillerie. Des véhicules militaires israéliens auraient également ouvert le feu sur des maisons et des terrains au Sud du quartier d’Al-Zaytoun, dans la même ville. 
 
Les mêmes témoins font état de frappes contre des maisons et des quartiers résidentiels au Nord du camp de Nuseirat (centre), à l’Est de Rafah (Sud) et dans le gouvernorat du Nord, où d’énormes explosions auraient été entendues. 
 
Un chasseur israélien aurait également bombardé un entrepôt de réfrigérateurs électriques près des usines Al-Salam à Deir Al-Balah, au centre de la bande de Gaza, provoquant des incendies et des dégâts matériels, tandis que la marine israélienne tirait en direction des plages du gouvernorat central. La ville d’Abasan, à l’Est de Khan Younès, au Sud de la bande de Gaza, aurait, quant à elle, été frappée par une attaque aérienne, accompagnée de tirs d’artillerie et de véhicules militaires à la périphérie Est de la ville.
 

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