Chef d’entreprise, responsables de secteurs publics ou privés, dirigeants d’organisations à but lucratif ou non, la plupart de mes anciens étudiants – aujourd’hui eux-mêmes responsables, managers, consultants ou décideurs – sont présents sur le réseau LinkedIn. Vous pouvez librement les interroger sur l’efficacité, la pertinence, et l’application réelle des méthodes que je leur ai transmises. Ces méthodes sont issues de mes travaux de recherche appliquée, élaborés, testés et mis en œuvre depuis plus de 40 ans dans des environnements économiques variés, en Europe, au Maroc, en Afrique et en Chine.
Ma thèse de doctorat en sciences économiques, soutenue à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, portait sur une question qui reste d’actualité : Pourquoi les investissements massifs dans les technologies numériques et l’IA n’engendrent-ils pas automatiquement des gains de productivité mesurables ? Inspiré par les travaux de Robert Solow, j’ai analysé comment les organisations peuvent investir lourdement en technologies sans en retirer une amélioration effective de leurs performances, faute d’intégration cohérente dans leurs processus, leur culture et leur stratégie globale.
Dans la continuité de ces travaux, j’ai soutenu en 2005 mon Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) à l’Université Toulouse 1 Capitole, en sciences de management, stratégie et numérique . J’y ai développé une approche systémique concrète : le modèle OSVAM (Objectifs – Système – Valeur – Alignement – Mesure). Ce modèle propose de ne plus considérer le numérique comme un simple levier technologique, mais comme un facteur intégré aux objectifs stratégiques, au système organisationnel, à la création de valeur durable, à l’alignement des acteurs, et à une évaluation rigoureuse des résultats.
Depuis plusieurs années, le Maroc investit massivement dans des initiatives numériques ambitieuses telles que Maroc Digital, Génération Entrepreneurs ou IA Maroc. Cependant, le lien entre ces projets et des gains réels de productivité reste ténu. La majorité des entreprises marocaines sont des TPE/PME, familiales ou peu structurées, dont la digitalisation reste superficielle. Les projets numériques publics visent souvent à « moderniser » ou à « innover » sans mesurer l’impact sur la création de valeur économique ou sociale. Comme en France selon la Cour des comptes, la productivité n’est pas un objectif explicite dans la plupart des démarches numériques. Résultat : le paradoxe persiste et risque de s’amplifier.
L’IA peut théoriquement améliorer l’automatisation, la personnalisation des services, et la fluidité administrative. Mais sans gouvernance claire ni maturité numérique suffisante, l’IA risque de produire des effets vitrine, un accroissement des inégalités numériques, et une dépendance accrue à des technologies étrangères opaques. Au Maroc, le défi est de transformer l’IA en un levier inclusif et productif, pas en simple ornement technologique.
Les concepts, cadres théoriques et méthodes pratiques que j’ai développés dans mes recherches ont été systématiquement enseignés à mes étudiants : marocains, français, chinois et internationaux, dans de grandes écoles de management et à l’Université de Technologie de Compiègne, intégrée à Sorbonne Université. Aujourd’hui, mes anciens étudiants, devenus consultants, managers et responsables, continuent d’appliquer ces méthodes OSVAM dans les grandes entreprises technologiques mondiales (GAFAM), dans les cabinets de conseil de référence (Deloitte, BCG, Capgemini, Accenture, PwC), et dans des projets de transformation numérique complexes sur plusieurs continents. L’efficacité de mes cadres d’analyse n’est pas seulement théorique : elle est attestée par les réussites concrètes de ceux qui les appliquent.
Pour surmonter le paradoxe de la productivité et tirer pleinement parti de ses investissements numériques, le Maroc doit fixer la productivité comme objectif stratégique explicite dans tous les projets numériques. Il est également nécessaire d’adopter une évaluation systémique et multicritères incluant l’efficacité, l’efficience, la valeur sociale et l’impact environnemental. L’accompagnement des TPE/PME doit aller au-delà des aides techniques en proposant de véritables diagnostics stratégiques. Le pays gagnerait à développer une IA frugale, éthique et contextuelle, adaptée aux besoins réels de l’agriculture, de la santé, de l’administration territoriale ou de l’artisanat. Enfin, il est crucial de former les décideurs publics et privés à la gouvernance de la valeur numérique.
Le numérique et l’IA ne doivent pas être des fins en soi. Ils doivent être des instruments puissants au service d’une transformation systémique, inclusive et durable. Seule une pensée systémique, appliquée au contexte marocain, permettra de convertir l’ambition numérique en une productivité réelle, partagée et porteuse d’avenir. Forts des enseignements de mes recherches et de quarante années d’expérience professionnelle, je suis convaincu que le Maroc peut devenir un modèle de transformation numérique intelligente et souveraine, à condition d’aligner ses projets technologiques avec ses finalités économiques, sociales et culturelles profondes.