Investissements : Rabat et Paris unissent leurs forces contre le stress hydrique

Méga-station de dessalement à Rabat, appui budgétaire à la gestion intégrée des ressources hydriques, échanges d’expertise et de bonnes pratiques, Rabat et Paris portent la coopération dans le domaine de l’eau au niveau supérieur.

Dans la foulée des accords signés à l’occasion de la visite d’Etat du Président français, Emmanuel Macron, à Rabat, une partie conséquente des protocoles a été dédiée à l’eau, étant donné la situation hydrique critique par laquelle passe le Royaume. L’objectif étant de consolider la politique hydrique engagée par le Maroc qui, d’ailleurs, a été fortement applaudie par Macron lors de son discours au Parlement. «Je crois que peu de pays ont relevé cette question avec autant d’ardeur et d’innovation», a-t-il déclaré, notant la «fierté» de la France d’être un partenaire du Maroc dans cette politique inédite. «Le Maroc à ce titre a beaucoup à apprendre au reste du monde, et c’est pourquoi je souhaite que les autoroutes de l’eau soient au coeur du One Water Summit qui sera organisé en fin d’année et que nous puissions vous accompagner sur ce chemin d’adaptation et de souveraineté inédit», a poursuivi le président. 

A ce titre, un Protocole d’entente dans le domaine de l’eau a été signé par le ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, le ministre délégué auprès de la ministre de l’Économie et des Finances, chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, le Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, Thani Mohamed-Soilihi, et le Directeur général de l’Agence française de développement (AFD), Rémy Rioux. Selon cet accord, les parties envisagent la formulation d’un nouveau programme d’appui à la Stratégie Nationale de l’Eau, qui pourrait s’articuler autour d’un appui budgétaire visant à renforcer la gestion intégrée des ressources en eau. L’AFD s’engage à entamer les démarches nécessaires de sorte à mobiliser le montant de 100 millions d’euros pour ce programme.
 

La plus grande station de dessalement en Afrique
Toujours dans le cadre de la lutte contre le stress hydrique, le géant français Veolia a également signé un protocole d’accord avec le Maroc en vue d’y développer un projet de dessalement d’eau de mer à Rabat. «Les besoins en eau de près de 9,3 millions d’habitants» seraient couverts par l’usine qui pourrait sortir de terre en vertu de cet accord, souligne le groupe qui présente le projet comme le plus grand d’Afrique et le deuxième plus grand au monde. L’usine, qui devrait produire 822.000 m3 d’eau potable par jour, soit 300 millions de m3 par an, permettrait d’approvisionner les régions de Rabat-Salé-Kénitra et de Fès-Meknès, «particulièrement touchées par la sécheresse». «Nous sommes pleinement conscients de l’urgence de la situation et fiers de contribuer à ce projet majeur, qui renforcera la résilience hydrique du pays», a déclaré Estelle Brachlianoff, directrice générale de Veolia, qui promet «le prix de l’eau le plus compétitif sur l’ensemble du cycle de vie de l’installation», laquelle pourra être alimentée en électricité décarbonée, principalement issue de sources renouvelables.

Situé à proximité de Rabat sur la côte atlantique, le projet, qui sera structuré en tant que partenariat public-privé, comprendra la construction, le financement et l’exploitation de l’usine durant 35 ans. Si l’enveloppe globale d’investissement n’a pas encore été dévoilée,  le géant de l’eau et des déchets avait annoncé, en mai dernier, un montant de 300 millions d’euros pour une usine, aux Émirats Arabes Unis, d’une capacité de production équivalente.

Il est à noter qu’outre les mega-stations, le groupe français dispose également de dispositifs plug-and-play de nanofiltration et d’osmose inverse, dont le «Le Barrel», qui est un réservoir sous pression rassemblant plusieurs éléments d’osmose inverse (OI) ou de nanofiltration (NF), conçu comme un système prêt à fonctionner. Selon le groupe, ces unités garantissent la production d’eau douce conforme à toutes les normes de qualité concernant l’eau dessalée pour les marchés municipaux et industriels. Il est aussi adapté à la réutilisation des eaux usées et aux applications d’osmose inverse basse pression. Sa conception modulaire en fait un système très évolutif, assurant des capacities allant de 400 à 50.000 mètres cubes par jour et par unité. L’utilisation de ce dispositif n’est, toutefois, pas encore annoncée pour le Maroc.

Ceci dit, les différentes stations de dessalement en cours de construction devraient fournir, dans leur ensemble, plus de 1,7 milliard de m3 par an et couvrir plus de la moitié des besoins du pays en eau potable à l’horizon 2030. 

3 questions à Ayoub Guerir, Expert en eau, climat et développement durable : «Il faut évaluer l’impact de la nouvelle station de Rabat, en se basant sur l’expérience de Casablanca»
Quel est l’apport du soutien financier de la France pour la Stratégie Nationale de l’Eau ?

Dans un contexte de stress hydrique aigu, le Maroc s’efforce de multiplier les investissements colossaux dans le domaine de l’eau pour faire face à la raréfaction des ressources hydriques, un défi majeur pour le pays aujourd’hui. Cela est particulièrement dû à la succession d’années de sécheresse, à la surexploitation des nappes phréatiques et à l’augmentation des besoins en eau pour l’irrigation. Cependant, la réalisation de ces investissements, souvent coûteux, nécessite une collaboration fructueuse avec les partenaires internationaux. La contribution de la France, en tant que premier partenaire du Maroc, permettra d’accélérer la mise en œuvre des projets hydriques lancés par le Royaume, notamment les stations de dessalement d’eau de mer. Elle permettra également de soutenir le Maroc dans sa transition de la gestion traditionnelle de l’eau vers une gestion plus efficace, en utilisant des technologies modernes.
 

Comment la construction de la station de dessalement de l’eau de mer à Rabat permettra-t-elle d’alléger la pression sur les ressources hydriques de la ville ?

Le Maroc s’emploie à équiper toutes les grandes villes du Royaume d’une station de dessalement de l’eau de mer afin de réduire la pression sur les bassins hydrauliques, qui souffrent d’une insuffisance des ressources en raison du déficit pluviométrique. En effet, les besoins de Rabat en eau potable sont estimés à 45,2 millions de mètres cubes par an, selon les dernières données du ministère de l’Eau. Cette nouvelle station s’ajoute au projet Royal de raccordement des bassins de Sebou et de Bouregreg. Elle permettra d’approvisionner en eau Rabat et ses environs, en prévision des risques de sécheresse qui pourraient affecter les bassins, jusque-là généreux.
 

Quels sont les enjeux de ce projet à la lumière des projets en cours, notamment l’autoroute de l’eau ?

Il reste essentiel de s’attaquer aux enjeux environnementaux associés à cette structure, en particulier le traitement durable et écologique des sels produits lors du dessalement de l’eau de mer. Ces sels, s’ils ne sont pas gérés correctement, peuvent entraîner une salinisation des sols et des eaux souterraines, compromettant ainsi la fertilité des terres agricoles. 
De plus, l’utilisation de l’eau dessalée pour l’irrigation peut avoir des effets négatifs sur la qualité des cultures et le rendement des surfaces agricoles après des années. D’où l’enjeu de mesurer l’impact de ce projet en se basant sur l’expérience de Casablanca dans ce sens.

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