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L’Approche Systémique : La Seule Voie pour une Intelligence Artificielle Souveraine et Performante au Maroc

Introduction  

L’intelligence artificielle (IA) n’est pas une simple avancée technologique, mais un phénomène global qui influence l’économie, la société et la culture. Son développement et son intégration nécessitent une approche systémique, car elle ne peut être pensée indépendamment des infrastructures numériques, des compétences humaines et des régulations économiques.  

Le Maroc, comme tout pays émergent, doit faire face à un double défi :  

1. Développer ses propres capacités en IA (endogène) pour éviter une dépendance totale aux technologies étrangères.  
2. S’insérer intelligemment dans l’écosystème mondial de l’IA (exogène) en tirant parti des opportunités offertes par la coopération et l’innovation internationale.  
Un système ouvert, complexe et interactif, comme l’IA, ne peut être maîtrisé qu’avec une vision globale et interdisciplinaire. L’approche systémique n’est pas seulement une option, c’est la seule solution pour que le Maroc devienne un acteur majeur et souverain dans l’ère numérique.  
 

1. L’IA Comme Système Ouvert, Complexe et Interactif  
L’IA ne fonctionne pas en silo. Elle interagit en permanence avec les infrastructures technologiques, les modèles économiques, les régulations politiques et les comportements sociaux.  

1.1. Pourquoi un système ouvert ?  

L’IA ne peut être confinée à un cadre national strict. Elle repose sur des flux de données internationaux, des plateformes cloud mondiales et des modèles d’apprentissage développés à l’échelle globale. Cependant, cela pose un défi de souveraineté numérique, car les technologies dominantes sont entre les mains des grandes entreprises américaines et chinoises.  

1.2. Pourquoi un système complexe ?  

Le développement de l’IA implique une interaction entre plusieurs domaines :  
– Technologie : Algorithmes, infrastructure cloud, cybersécurité.  
– Économie : Marchés de l’IA, nouveaux modèles d’affaires, impact sur l’emploi.  
– Société : Acceptabilité sociale, transformation des compétences, inclusion numérique.  

Aucune de ces dimensions ne peut être ignorée, sous peine de créer un déséquilibre : une IA trop technocentrée risque de ne pas être adoptée, tandis qu’une IA sans base économique viable ne sera pas pérenne.  

1.3. Pourquoi un système interactif ?  

L’IA évolue en fonction des retours d’expérience et des ajustements en temps réel. Par exemple :  
– Les entreprises qui adoptent l’IA modifient leurs modes de production, ce qui change la demande en compétences sur le marché du travail.  
– Les régulations internationales influencent les stratégies locales, ce qui oblige les gouvernements à adapter leurs politiques.  
Le Maroc ne peut donc pas aborder l’IA comme une technologie statique. Il doit intégrer des mécanismes d’adaptation et d’amélioration continue pour éviter d’être dépendant de choix technologiques dépassés.  
 

2. La Partie Endogène du Système : Développer une IA Nationale et Souveraine  
La partie endogène du système représente tout ce que le Maroc peut produire et contrôler lui-même pour bâtir un écosystème IA solide.  

2.1. Infrastructures Technologiques  

– Déploiement de data centers souverains pour sécuriser les données sensibles.  
– Développement de plateformes cloud nationales pour héberger des applications IA locales.  

2.2. Capital Humain et Recherche  

– Former une nouvelle génération d’ingénieurs en IA, mais aussi d’économistes et de sociologues spécialisés dans l’IA.  
– Créer des pôles d’innovation en IA, intégrant universités, startups et entreprises pour favoriser la recherche appliquée.  

2.3. Régulation et Gouvernance  

– Établir une stratégie nationale pour l’IA, définissant les domaines prioritaires (santé, agriculture, finance, etc.).  
– Encadrer l’utilisation des données, pour éviter que les ressources numériques marocaines ne soient exploitées sans contrôle.  
L’endogénéité du système est la clé de l’indépendance technologique du Maroc. Mais une IA purement nationale est impossible : elle doit aussi interagir avec l’environnement international.  
 

3. La Partie Exogène du Système : Tirer Parti des Opportunités Mondiales Sans Perdre sa Souveraineté  
La partie exogène du système représente tout ce qui provient de l’extérieur et influence le développement de l’IA au Maroc.  

3.1. Dépendance aux Technologies Étrangères  

– Les modèles d’IA les plus avancés sont développés par les GAFAM et les BATX.  
– Le Maroc doit choisir entre acheter des solutions étrangères ou développer ses propres modèles.  

3.2. Régulation et Géopolitique de l’IA  

– L’Union Européenne impose des règles strictes sur l’éthique et la transparence des IA.  
– Les États-Unis et la Chine investissent massivement dans l’IA militaire et stratégique.  

3.3. Coopération Internationale et Positionnement Africain  

– En Afrique, l’IA est un levier pour accélérer le développement économique et améliorer les services publics.  
– Le Maroc peut devenir un hub de l’IA en Afrique, en proposant des solutions adaptées aux réalités locales du continent.  
 

4. Conclusion : L’Approche Systémique, Une Nécessité Absolue  
Depuis l’avènement de ChatGPT, nous assistons à une prolifération de conférences et débats sur l’IA au Maroc, souvent menés par des spécialistes issus d’un seul domaine (informatique, économie ou gestion), sans approche interdisciplinaire. Or, l’IA ne peut être comprise et exploitée efficacement que par des experts ayant une formation et une expérience multidisciplinaire.  

Les ressources humaines nécessaires pour mettre en œuvre la stratégie « Maroc Digital 2030 » ne doivent pas seulement être des informaticiens ou des économistes, mais des professionnels ayant une compréhension transversale de l’IA, une capacité d’analyse interdisciplinaire et une expérience internationale.  

C’est à cette condition que le Maroc pourra structurer un écosystème IA robuste, compétitif et souverain, et éviter de devenir un simple utilisateur passif des technologies développées ailleurs.

* Dr. Az-Eddine Bennani est ingénieur en informatique, titulaire d’un MBA de Chicago, docteur en sciences économiques de la Sorbonne, et expert en management stratégique, gouvernance digitale et intelligence artificielle. Avec plus de 40 ans d’expérience en France, au Maroc et à l’international, il a été ingénieur système, consultant et manager chez Hewlett-Packard en France, en Europe et au MEA, a été professeur-chercheur à La Sorbonne Universités/UTC et à NEOMA Business School, et est actuellement professeur associé à l’Université Al Akhawayn.
 

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