Dans un environnement économique mondial en pleine recomposition, où les matières premières critiques sont devenues des actifs géostratégiques majeurs, le Maroc émerge comme un acteur économique central de la transition énergétique. Doté d’un sous-sol riche en minerais stratégiques, d’un positionnement géographique clé aux portes de l’Europe, de l’Afrique et de l’Atlantique, et d’un climat d’investissement relativement stable, le Royaume s’inscrit au cœur des chaînes d’approvisionnement mondiales de l’industrie bas carbone. Son ambition est claire : devenir un hub économique régional et continental pour l’extraction, la transformation et l’exportation des minerais de transition, en tirant parti de partenariats différenciés avec la Chine et l’Union européenne, deux pôles industriels aux logiques complémentaires.
Selon les dernières données du ministère de la Transition énergétique, le secteur minier représente 10 % du PIB marocain, environ 25 % de ses exportations, et emploie plus de 49 000 personnes. Cette contribution devrait augmenter, alors que la demande mondiale pour les minerais critiques devrait être multipliée par 4 à 6 d’ici 2040, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Cette dynamique offre au Maroc une fenêtre d’opportunité pour accélérer son développement industriel, capter des IDE de qualité, et consolider sa balance commerciale.
À l’est, la Chine déploie sa puissance d’investissement via l’Initiative « la Ceinture et la Route ». Elle offre au Maroc un accès rapide à des financements pour les infrastructures minières et industrielles, une expertise technique dans le raffinage et une intégration dans ses propres chaînes d’approvisionnement mondiales. Plusieurs entreprises chinoises sont désormais actives dans le secteur extractif marocain, mais aussi dans la fabrication de composants électroniques ou de batteries.
Cette bipolarité géoéconomique permet au Maroc de ne pas se retrouver dépendant d’un seul bloc, de renforcer son attractivité pour les investisseurs, et de jouer un rôle de « pivot stratégique » dans la compétition économique mondiale autour des minerais de la transition.
Une task force commune pour coordonner les investissements et les normes ; Des zones industrielles spécialisées, notamment autour des ports de Tanger Med et Nador West Med ; Un pacte de durabilité unifié, basé sur les standards ESG internationaux ; Des corridors logistiques intégrés, reliant les sites miniers aux terminaux portuaires ; Des dispositifs de développement des compétences locales, pour ancrer les chaînes de valeur dans le tissu socio-économique marocain.
infrastructures vertes et souveraineté technologique
En parallèle, le Maroc développe une infrastructure énergétique alignée avec les objectifs de neutralité carbone : centrale solaire Noor (580 MW), parc éolien de Tarfaya (300 MW), projets de dessalement à énergie verte, interconnexions électriques avec l’Espagne et le Royaume-Uni, etc. Ces projets renforcent la compétitivité des filières électro-intensives et réduisent le coût énergétique pour les industriels.
L’émergence d’un écosystème intégré, alliant extraction, transformation, innovation, exportation et durabilité, place le Maroc sur la trajectoire d’une souveraineté industrielle verte, capable de résister aux chocs géopolitiques et aux ruptures de chaînes d’approvisionnement.
L’objectif est de positionner le Maroc comme fournisseur principal d’hydrogène vert pour l’Europe, qui pourrait représenter 10 à 15 % de sa consommation future selon Hydrogen Europe. Des projets de pipeline et de terminaux d’exportation sont à l’étude, avec Tanger Med comme point névralgique.
L’hydrogène vert, en tant que nouveau vecteur énergétique mondial, pourrait ainsi devenir un pilier des exportations marocaines et un accélérateur de l’intégration énergétique euro-africaine.
Si le Maroc parvient à consolider ses réformes structurelles (code minier, fiscalité verte, innovation locale) et à assurer une gouvernance transparente et inclusive, il est appelé à devenir une plateforme industrielle verte majeure pour le XXIe siècle, capable d’influencer la recomposition économique du Sud global et de contribuer activement à l’autonomie stratégique de l’Europe.