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MAGAZINE : Belaid Bouimid, la culture est du sport

Parti dans la nuit du 23 au 24 septembre à 73 ans, le journaliste faisait partie des derniers témoins de la scène d’or sportive et culturelle du Maroc. Il emporte dans sa besace des kilomètres d’écrits et de caricatures en dehors de ceux que nous connaissons. Il était bon, généreux et amoureux de la vie.

Cherchez à droite, essayez à gauche, consultez le centre, vous ne trouvez qu’un homme à l’esprit fragmenté, riche d’une culture qui englobe l’incompréhension la plus féconde. Il est cet homme qui aime tout et déteste le reste. Un grand cœur qui loge le sens du verbe à proximité du fracas de la discussion. Doux est son parcours jonché d’embuches, fine est sa philosophie garnie de lendemains meilleurs. Dans les années 1980, il déflore le monde de la presse en embrassant plusieurs titres, en fleurtant avec Al Bayane de Ali Yata, étant un fidèle du fils Nadir duquel il emprunte le prénom pour en auréoler son rejeton. Discret hors plume, Belaid frappe à mains nues dès qu’il noircit sa feuille blanche du temps où le stylo est encore roi. Et puis, il y a ces fins instruments qui accompagnent sa fertile imagination, ceux qui lui permettent de s’exprimer par le trait, par cette claque qui s’intitule « caricature ». Un garçon pluriel à l’efficacité singulière. Un amoureux de la lecture, un liseur. Il rejoint ses nombreux amis partis avant lui, leur criant au faciès : « Le camarade président est là pour vous accompagner, pour vous faire baigner dans ses eaux brûlantes. » Depuis que l’éveil est père de toutes les exactions, l’intelligence se fait disparate, ce que la belle âme de Bouimid nourrit sans décompter. Il prend finalement la tangente, fermant la porte en douceur.

 

Infractions intellectuelles
 
Belaid Bouimid caresse la vie, serre les mains sans savoir que quelques-unes d’entre elles ont de solides revers. A Al Bayane d’abord et plus tard à Radio Mars qui lui montrent la porte de sortie avec la délicatesse de fossoyeurs à la vie destinée inévitablement à l’extinction. Mais le journaliste n’en a que faire de ces infractions intellectuelles. Il avance tête haute, multipliant les interventions devant des parterres qui mâchent et avalent ses paroles. Aimé moyennement par ses confrères de la presse sportive (puisqu’il maitrise l’arabe et le français avec une trouble aisance ? Il est un temps président de l’Union africaine des journalistes sportifs), il s’ennuie moins dans l’espace culturel et artistique où il brille par son érudition. Ami inconsolable de Tayeb Saddidi à qui il chaparde le prénom pour l’offrir à son autre fils, Belaid est déjà l’ami de plusieurs autres artistes. Et pas seulement. Le jour où je me suis permis de le présenter à Essaouira au conseiller royal André Azoulay, celui-ci me répond avec un regard reprochant : « Mais je connais Ssi Belaid depuis des décennies ! » C’était à l’époque où on officiait tous les deux sur les ondes de cette radio généreusement financée par la femme politique Mbarka Bouaida. Mais Bouimid ne connait pas de freins et fonce sans rétroviseur vers ce qui le maintient en action : le sport, la culture, la caricature. Et ses correspondances ne sont pas à négliger. Malade, il n’y fait pas défaut. Cette force, cet amour de la vie de celui qu’il avoue sans le crier à son épouse Aïcha font de lui un être à la vulnérabilité attachante. Sa famille qu’il n’évoque que rarement est son équilibre. Ses amis qu’il perd au fil des enterrements sont certes son univers immédiat, mais il continue à épauler quelques vrais nouveaux venus ou à la carrière relativement récente à l’image de la journaliste et actrice sociale Khouloud Kabali qui me dit lors de l’enterrement : « Il m’a mis le pied à l’étrier. Il m’a appris beaucoup de choses, il m’a ouvert des portes. » Et cet enterrement se transforme en un lieu de retrouvailles. Entre sportifs et hommes de culture, le cimetière bat la mesure. Les journalistes, peu représentés face au nombre incalculable des micros et des caméras de la honte, se font petits par respect à la mémoire du défunt et fin chroniqueur. Taisez-vous bande de charognards, vous n’êtes là que pour le nombre de vues. Belaid, lui, en a vu des verres et des pas mûres. En somme, laissez-nous mourir en paix. Ce grand journaliste et analyste que je respecte à voix haute, m’envoie un texto le 29 novembre 2023, lisant mes textes dans L’Opinion sur ceux qui nous quittent en masse. Il dit : « Cher ami. Tes écrits et tes hommages sont des ‘’gardes à vie’’ à chaque passage de la mort. Mou… Rire. » Aujourd’hui, dois-je en rire ou en pleurer ? Non, je dois prier à ma manière, à ta santé. Je te le dis avec grand chœur.
 
 
Anis HAJJAM

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