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Maroc – MERCOSUR : La lente conquête d’un marché complémentaire [INTÉGRAL]

Le commerce entre le Maroc et le MERCOSUR peine à s’accroître et à se conformer aux potentiels du Royaume et des pays d’Amérique Latine. Les chiffres sont embryonnaires, si l’on exclut le Brésil. Décryptage.

La coopération entre le Maroc et certains pays d’Amérique Latine, notamment le Brésil, continue de se renforcer, comme en témoignent les nombreuses initiatives signées entre Rabat et Brasilia au début de l’année 2025, dont la dernière porte sur le domaine des technologies de l’information et de la communication. En 2024, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint 2,77 milliards de dollars, enregistrant une hausse de 4,52% par rapport à 2,65 milliards de dollars en 2023, selon les données de la Chambre de commerce arabo-brésilienne.

Toutefois, le Royaume ne se limite pas au Brésil et se tourne également vers le MERCOSUR, un marché de 270 millions d’habitants, réunissant les principales puissances économiques d’Amérique Latine : l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Avec un PIB de 2.100 milliards de dollars, cette région joue un rôle clé dans le commerce mondial. Les échanges commerciaux entre le Maroc et le MERCOSUR se sont élevés à 4,70 milliards $ en 2022 (3,6 milliards de dollars en 2021). Les importations marocaines du MERCOSUR ont atteint 2,53 milliards de dollars et les exportations ont enregistré 2,1 7 milliards de dollars. Et le Brésil demeure le premier partenaire commercial du Royaume dans ce groupement.
 
Bien que les échanges commerciaux entre le Maroc et les pays de l’Amérique Latine s’inscrivent ces dernières années dans une spirale positive, les échanges commerciaux réalisés entre le Maroc et les membres du MERCOSUR demeurent en deçà des ambitions exprimées par les officiels des deux parties. Le potentiel d’un accord de libre échange ou bien un accord de suppression des droits de douane pourrait changer la donne du commerce transatlantique, selon l’économiste Abdelghani Youmni. Chose qui d’ailleurs a été affirmée par l’ancien ministre du Commerce extérieur du Pérou, Juan Carlos Mathews Salazar, dans une interview à «L’Opinion». «Je pense qu’un élément qui nous permettrait de stimuler le commerce bilatéral est la conclusion d’un accord commercial ou d’un accord de libre-échange (ALE) qui donnerait l’occasion aux exportateurs des deux parties d’introduire leurs produits sans droits de douane», avait-il déclaré.
 

 

Potentiel d’un Accord de libre-échange (ALE) UE-MERCOSUR sur le Maroc

 

 
L’ALE récemment conclu entre l’Union Européenne (UE) et le MERCOSUR, qui marque une étape historique dans les relations commerciales internationales, témoigne de la volonté des pays de la région de changer de paradigme commercial. En éliminant progressivement les droits de douane sur plus de 90% des biens échangés, cet accord remodèle la dynamique commerciale entre l’Europe et l’Amérique Latine. Pour le Maroc, qui bénéficie d’un accord d’association et d’un accord de libre-échange avec l’UE, cette évolution pose des défis importants mais crée aussi de nouvelles opportunités.
 
Grâce à ses infrastructures de classe mondiale, en particulier le port Tanger Med et celui de Dakhla, le Maroc pourrait jouer un rôle central en tant que plateforme logistique reliant l’Europe, l’Amérique Latine et l’Afrique. L’augmentation des flux commerciaux entre l’UE et le MERCOSUR pourrait entraîner une hausse des volumes de transit dans les ports marocains, renforçant ainsi la position du pays en tant que plaque tournante commerciale.
 
En collaborant avec les acteurs économiques européens et latino-américains, les entreprises marocaines peuvent explorer des synergies, notamment dans des secteurs complémentaires tels que l’agroalimentaire, l’automobile et la chimie. Ces collaborations pourraient également favoriser les transferts de technologies et de connaissances.
 

 

Quelle valeur ajoutée ?

 

 
Selon Abdelghani Youmni, l’analyse des échanges commerciaux révèle que l’Union Européenne, qui s’apprête à signer un accord de libre-échange avec le MERCOSUR, est l’un de ses principaux partenaires aux côtés de la Chine et des États-Unis. Le Maroc, en passe de devenir un hub du commerce maritime, dispose d’une façade atlantique de 3.000 km et d’une ouverture stratégique sur l’Afrique avec le futur port de Dakhla Atlantique.
 
Au vu de cette conjoncture, notre interlocuteur précise que le Maroc, pour renforcer sa présence sur la scène internationale, doit développer ses relations économiques avec les pays de l’Amérique du Nord et ceux de l’Amérique Latine qui connaîtront un futur décollage de leurs économies. «Avec les pays du MERCOSUR, les avantages comparatifs sont plus complémentaires que concurrentiels, ouvrant la voie à des partenariats stratégiques», a-t-il précisé.
 
Ces économies sont favorables aux transferts de technologies et aux investissements mixtes, a indiqué l’économiste, soulignant que le Maroc collabore déjà avec le Brésil sur plusieurs projets dans l’agriculture et les engrais, tandis que l’Argentine représente un marché prometteur pour le développement de nouveaux échanges commerciaux et investissements.
 

​3 questions à Abdelghani Youmni : «Le commerce extérieur ne doit pas être évalué uniquement sous l’angle affectif ou géopolitique »
Pensez-vous que l’impact de l’inflation dans certains pays du MERCOSUR pourrait irriter ce renforcement ?
 
–       L’inflation en Argentine et au Brésil pourrait constituer un avantage comparatif pour le Maroc dans ses échanges avec ces deux économies. Contrairement à d’autres pays qui pratiquent le dumping monétaire, social et fiscal pour inonder les marchés de produits à bas prix, les économies du MERCOSUR sont davantage complémentaires que concurrentes pour le Maroc. Cette complémentarité permettrait de répondre aux besoins mutuels sans déséquilibrer les secteurs productifs marocains. En revanche, un accord de libre-échange mal calibré avec des pays adoptant des pratiques de dumping pourrait entraîner une destruction d’emplois, une fragilisation du tissu industriel et agricole, et la faillite de nombreuses entreprises locales. Le commerce extérieur ne doit donc pas être évalué uniquement sous l’angle affectif ou géopolitique, mais sur la base d’une analyse rigoureuse du rapport coût/bénéfice, notamment en matière de création ou de destruction d’emplois. Un partenariat gagnant-gagnant avec les pays du MERCOSUR pourrait s’appuyer sur des secteurs stratégiques tels que l’agriculture, les engrais, les énergies renouvelables et l’industrie agroalimentaire. Toutefois, certaines barrières immatérielles pourraient freiner ces échanges, notamment la maîtrise des langues et la compréhension des cultures latino-américaines, qui diffèrent sensiblement de celles du monde arabe et africain. Néanmoins, la proximité historique du Maroc avec l’Espagne ainsi que ses liens croissants avec l’Amérique Latine pourraient atténuer ces obstacles et favoriser une intégration économique plus fluide.
 
 

Quel est le poids politique de la consolidation des relations avec les pays d’Amérique Latine ?

 
–       Au-delà de la sphère économique, un accord commercial avec le MERCOSUR pourrait également jouer un rôle stratégique et diplomatique en renforçant la position du Maroc sur la scène internationale. Il offrirait une opportunité unique de déconstruire le narratif négatif de certains pays de cette région vis-à-vis du Sahara marocain et de démontrer les liens historiques, culturels et économiques unissant les provinces sahariennes au reste du Royaume. À travers un dialogue renforcé, le Maroc pourrait ainsi convaincre ses partenaires latino-américains de la justesse de sa cause nationale et de l’intérêt régional et international d’adhérer à l’Initiative marocaine d’autonomie des provinces du Sud dans le cadre de la souveraineté du Maroc.  Si le Maroc a un intérêt évident à diversifier ses partenaires économiques, il a tout autant besoin d’élargir son cercle d’alliés sur tous les continents. Dans un monde où les interdépendances entre nations deviennent un levier fondamental des relations internationales, une diplomatie économique active permet de créer des convergences d’intérêts qui vont bien au-delà du commerce international. En favorisant des partenariats mutuellement bénéfiques, le Maroc renforce sa crédibilité et son attractivité, se positionnant comme un exemple de coopération Sud-Sud réussie. L’approche marocaine repose sur une vision humaniste, un engagement envers la stabilité régionale et un pari sur la prospérité partagée. En consolidant sa présence sur la scène latino-américaine, le Maroc ne se contente pas d’ouvrir de nouveaux marchés, il façonne un réseau d’influence. La convergence des intérêts économiques, politiques et culturels finira par séduire et renforcer les alliances stratégiques du Royaume à l’échelle mondiale.
 

  Le récent accord signé entre l’UE et le MERCOSUR pourrait-il offrir au Maroc des opportunités prometteuses afin, par exemple, d’augmenter ses exportations ?

 
–  Les négociations entre l’Union Européenne et le MERCOSUR ont débuté en 2000, mais ont rapidement rencontré des obstacles liés aux différences de modèles économiques et aux préoccupations agricoles des pays européens. En 2016, les deux blocs ont relancé le processus de négociation, qui a finalement abouti en décembre 2024 à un accord politique entre l’UE et les quatre pays fondateurs du MERCOSUR. La partie commerciale couvre plusieurs secteurs stratégiques, notamment l’agriculture, l’énergie et l’industrie. Cependant, certains pays européens, comme la France et les Pays-Bas, s’opposent à sa ratification, craignant des conséquences irréversibles sur leurs filières agricoles. En particulier, les céréales, les viandes blanches et rouges, ainsi que les produits laitiers risquent d’être fortement concurrencés par les exportations sud-américaines, qui bénéficient de coûts de production plus faibles et de normes environnementales moins contraignantes. Votre question est particulièrement pertinente, car elle soulève une réflexion stratégique sur les perspectives économiques à long terme. Dans un contexte de rivalités économiques croissantes, le Maroc, puissance économique moyenne, l’UE et le MERCOSUR, deux marchés géants, pourraient former un axe de coopération industrielle, énergétique et agroalimentaire afin de contrer l’hégémonie croissante de la Chine et très bientôt de l’Inde sur les marchés mondiaux.

​Défis économiques partagés

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