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Orientation post-Bac : Les non-voyants toujours exclus des filières scientifiques

Le bac en poche, les étudiants non-voyants découvrent vite que leurs options sont déjà réduites. Le manque de ressources adaptées les oriente presque mécaniquement vers les filières littéraires. Cette orientation par défaut interroge la promesse d’égalité des chances et relance le débat sur la nécessaire transformation du système éducatif.

Chaque année, à l’issue des examens du baccalauréat, l’heure est à l’orientation universitaire. Mais pour les élèves non-voyants au Maroc, ce moment tant attendu se transforme souvent en frustration. Faute de ressources pédagogiques adaptées et d’un encadrement inclusif dans les universités, ces étudiants se voient presque systématiquement orientés vers les filières littéraires. Une situation qui limite injustement leur potentiel, alors même que nombre d’entre eux disposent des compétences nécessaires pour briller dans des domaines scientifiques ou techniques.

Cette question de l’orientation post-Bac semble trouver ses racines dès le moment du choix de la filière au lycée, révélant, dans une certaine mesure, les limites de la réponse apportée par le système éducatif au principe d’égalité des chances. Malgré les efforts déployés par le ministère de tutelle pour favoriser l’inclusion des personnes en situation de handicap, des voix continuent de s’élever, parmi les élèves non-voyants et leurs familles, pour souligner les difficultés persistantes à accéder à un encadrement pédagogique et technique réellement adapté à leurs besoins.

En particulier, les filières scientifiques, qui pourraient leur offrir de réelles opportunités académiques et professionnelles, demeurent peu accessibles. Cela s’explique notamment par des approches d’enseignement encore largement traditionnelles et des outils d’évaluation peu compatibles avec les exigences spécifiques de cette catégorie d’élèves, en particulier pour les activités expérimentales et l’usage de supports visuels.

Dans ce contexte, nombreux sont ceux qui, faute d’alternatives concrètes, s’orientent vers des parcours littéraires, parfois par défaut plus que par choix. Face à ces disparités, les élèves concernés plaident pour une révision en profondeur de l’approche pédagogique, afin de rendre effectif le principe d’égalité des chances.

Adapter le système éducatif, pas les élèves

Interrogée sur les solutions envisageables pour diversifier les parcours accessibles aux non-voyants, Samira Bekhti, Présidente de l’Organisation Marocaine des Droits des Femmes en Situation de Handicap, a expliqué au journal « L’Opinion » que « ce problème d’orientation vers les filières littéraires découle principalement du manque de ressources adaptées dans les universités, telles que les livres en braille et les supports audio ». « Pour ouvrir davantage de possibilités, il est indispensable d’investir dans les technologies d’assistance, de former les enseignants à l’éducation inclusive, et de développer des bibliothèques accessibles en braille et en audio », a-t-elle précisé.

Concernant les alternatives actuellement proposées, elle précise : « Le Maroc a lancé plusieurs initiatives, dont le programme national d’éducation inclusive, pour accompagner les personnes en situation de handicap. Pourtant, ces actions demeurent insuffisantes face aux défis d’accès aux ressources et de sensibilisation. Il est essentiel de renforcer les efforts pour garantir une inclusion réelle dans tous les secteurs».

La Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées exige que la volonté des personnes concernées soit respectée dans toutes les décisions les concernant. Sur ce point, Samira Bekhti souligne : « Le respect de la volonté des personnes handicapées est un principe fondamental encore trop négligé ». Elle insiste sur le fait que « garantir l’égalité des chances ne peut se faire sans leur implication réelle dans les choix qui affectent leur vie ».

Abdelmajid El Makni, expert marocain en handicap, rejoint ce constat. Il déplore que le système éducatif ne soit pas adapté pour les non-voyants et plaide pour son développement, notamment en ouvrant dès le lycée d’autres filières à ces élèves. Il remarque que beaucoup d’entre eux se voient limités aux études de droit ou à la littérature arabe. Il insiste aussi sur la nécessité de réformer la direction pédagogique en y intégrant des spécialistes du handicap, d’adapter les programmes et d’élargir les options. Pour lui, « ce n’est pas aux non-voyants de s’adapter au système éducatif, c’est au système de répondre à leurs besoins ».

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