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PCNS : Défis d’un Code de la Famille dans les starting blocks

La modernisation et l’épanouissement de la société marocaine reposent sur la cohésion familiale et le rôle clé de la femme au sein de celle-ci. C’est pourquoi la réforme du Code de la famille, bien qu’elle semble prometteuse, rencontre certains obstacles, selon le Policy Center For the New South (PCNS).

Le Code de la famille, actuellement en cours de refonte, est le pilier juridique des relations familiales au Maroc. Il s’inspire des principes de la jurisprudence malékite et joue un rôle essentiel à la fois comme régulateur social et comme objet de débat entre modernistes et conservateurs.C’est un outil juridique clé qui suscite des débats entre modernistes, favorables à l’égalité totale entre hommes et femmes, et conservateurs, attachés aux traditions islamiques. Bien que le Maroc ait progressé en matière de droits des femmes, notamment en adhérant à des conventions internationales et en adoptant des réformes législatives, des écarts persistent entre les engagements pris et leur mise en œuvre. La Constitution de 2011 a renforcé l’égalité des sexes et la parité, mais des inégalités persistent, « notamment sur les questions d’héritage, où les discriminations sont encore ancrées dans le droit marocain, en contradiction avec les engagements internationaux du Royaume », indique un policy bief du PCNS, qui appelle à une réflexion apaisée sur la religion et l’égalité de genre est nécessaire afin de lever les ambiguïtés. 

Dans ce sens, le rapport, rédigé par Nouzha Chekrouni et Abdessalam Jaldi, pointe du doigt certains dossiers qui sèment la discorde, notamment la filiation paternelle et le test ADN, la parité successorale ou encore le partage des biens matrimoniaux. Pour les auteurs, l’absence de consensus clair sur ces sujets favorise des interprétations biaisées et freine les réformes. « Il est essentiel d’ouvrir un débat transparent et pluridisciplinaire associant juristes, experts en jurisprudence islamique et linguistes pour contextualiser les textes sacrés », précisent les chercheurs, estimant que cela permettrait d’éclairer les citoyens sur leurs droits et de réduire l’influence des discours idéologiques qui entretiennent la confusion entre licite/illicite (halal/haram). 
 

Pour une approche inclusive et universaliste
Le policy paper note ainsi que l’élaboration du nouveau Code de la famille est une « opportunité historique », mais elle doit s’appuyer sur les engagements internationaux du Maroc, « notamment la CEDAW, s’aligner avec la Constitution, qui garantit l’égalité des droits, tirer les leçons des limites de la Moudawana de 2004 et intégrer les évolutions socioéconomiques, notamment le rôle croissant des femmes dans l’économie et au sein des ménages ». La même source rappelle que les données du dernier recensement révèlent l’importance de la contribution des femmes à la cellule familiale, notant qu’il s’agit d’un aspect essentiel à prendre en compte pour une réforme équitable et représentative des réalités sociales marocaines. Par ailleurs, le retour de la diaspora marocaine, accéléré par les politiques migratoires restrictives des pays occidentaux, oblige le Maroc à adopter une approche inclusive et universaliste qui concilie justice, ouverture et modernité, prône le rapport, expliquant qu’une législation, aussi progressiste soit-elle, reste inefficace sans une application rigoureuse. D’où l’importance de renforcer la formation des juges pour assurer une application conforme aux objectifs de la réforme, d’établir des mécanismes de suivi et d’évaluation pour éviter toute régression des acquis et d’éduquer les citoyens sur leurs droits, notamment via les médias et le système éducatif. L’harmonisation des textes de loi avec la Constitution et les engagements internationaux du Maroc est également une exigence incontournable, selon les analystes, afin de permettre un leadership féminin fort et une justice sociale effective. 
 
Lutte structurelle contre la discrimination
Pour accélérer cette transition, le rapport prône la consolidation des politiques publiques en développant l’éducation à l’égalité dès le plus jeune âge, facilitant l’accès des femmes au marché du travail, garantissant une législation protectrice des femmes et des enfants, luttant contre toutes formes de violences et discriminations, et encourageant un écosystème socio-économique inclusif et respectueux des valeurs d’égalité. Au moment où la nouvelle Moudawana est dans les starting blocks, le principal souci du texte sera non seulement de passer d’une égalité formelle telle que définie par l’article 19 de la Constitution de 2011 vers une égalité substantielle des sexes, mais aussi de garantir plus de protection des intérêts familiaux et des enfants. Ces mêmes préoccupations se retrouvent dans les conventions internationales, ratifiées par le Maroc, puisque les lois internes ne sont plus les seules à réglementer le droit de la famille. La réforme du code de la famille préfigure, somme toute, les germes d’une nouvelle ère de réformes sociétales, comme la réforme du code pénale ou de la loi 103.13 sur les violences faites aux femmes.

Ceci requiert néanmoins une grande évolution des mentalités, qui repose en grande partie sur l’éducation, qui doit devenir une co-responsabilité partagée entre l’école et la famille. Pour accélérer cette transition, le rapport insiste sur les programmes éducatifs en y intégrant les valeurs d’égalité et en luttant contre les stéréotypes de genre, de sensibiliser les médias à leur rôle dans la diffusion d’une culture égalitaire, et de généraliser l’accès à une éducation de qualité, en particulier en milieu rural. L’éducation peut ainsi jouer un rôle clé en tant que vecteur de développement, d’épanouissement et de paix sociale, contribuant à une société plus juste et inclusive. En ce sens, l’égalité entre hommes et femmes ne constitue pas seulement une aspiration légitime, mais un moteur fondamental de la transition sociétale marocaine. 
 

Rime TAYBOUTA

Faible inclusion économique
Seulement 22 % des femmes marocaines participent au marché du travail, contre environ 70 % en Europe, un taux qui met en lumière des inégalités structurelles persistantes. Parmi celles-ci, on observe une discrimination à l’embauche et des écarts salariaux, les femmes occupant souvent des emplois précaires et étant sous-représentées dans les postes de responsabilité. En outre, le manque d’infrastructures adaptées, telles que des crèches, des services de transport et des dispositifs de congés parentaux, freine leur insertion professionnelle. La charge domestique reste aussi inégalement répartie : malgré une évolution des mentalités, les femmes continuent d’assumer la majeure partie des responsabilités familiales et ménagères.

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