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Pluies tardives : La saison agricole est-elle vraiment sauvée ? [INTÉGRAL]

​Les récentes pluies bienfaisantes ravivent l’espoir des agriculteurs, mais leur impact sur l’agriculture n’est pas aussi uniforme qu’il n’y paraît. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte, tels que la nature des cultures, la période de semis, et d’autres éléments déterminants.

Depuis plus d’une semaine, des averses orageuses accompagnées de grêle et de rafales de vent ont eu lieu dans plusieurs provinces du Royaume, élevant le niveau de réserves et des retenues de barrages à 29,5%, dépassant légèrement le pourcentage enregistré durant la même période de l’année dernière. Un temps pluvial qui compte se poursuivre selon la Direction générale de la météorologie (DGM), qui a publié, mardi, un nouveau bulletin d’alerte de niveau de vigilance rouge, annonçant de fortes pluies parfois orageuses avec des cumuls allant de 50 à 70 mm, surtout au Nord-Est du pays. Mais, globalement, les précipitations ont concerné l’ensemble du pays, du Nord aux provinces du Sud, en passant par les régions intérieures, le Centre et l’Est du Maroc, apprend-on du chef du service partenariat et communication à la DGM, Houcine Youabed. Durant les dernières 48 heures, la Direction a enregistré plus de 82 mm de pluie à Tanger, 66 mm à Rabat et 42 mm à Casablanca.
 
Ces précipitations qui viennent mettre fin à un hiver sec résultent d’une dépression nommée «JANA» et qui a affecté l’Europe de l’Ouest avant d’atteindre le Maroc. Les résultats de ce phénomène seront bénéfiques pour l’agriculture et les ressources hydriques du pays, selon Youabed, qui note qu’ils profiteront surtout aux cultures printanières.
 

 

Les secteurs qui en tirent profit 

 

 
Cela dit, le principal critère pour évaluer le niveau de l’agriculture au Maroc est la production annuelle de céréales. Du moment que les précipitations de cette saison sont arrivées en retard, avec des pluies effectives ne commençant qu’en février, les cultures de céréales s’annoncent en mauvaise condition, loin des prévisions du gouvernement qui annonçait en début d’année 70 millions de quintaux, alors que Bank Al-Maghrib ne s’attend pas à plus de 50 millions. Cependant, les récentes précipitations bénéficieront davantage aux cultures saisonnières et aux arbres fruitiers, ainsi qu’aux légumineuses telles que les lentilles et les pois chiches. De plus, «ces pluies profiteront aux pâturages naturels, qui sont essentiels pour le bétail», selon Rachid Benali, président de la Confédération Marocaine de l’Agriculture et du Développement Rural (COMADER). Une filière qui a beaucoup souffert des années de sécheresse passées, au point que SM le Roi Mohammed VI a fait un appel à l’abstention du sacrifice de Aïd Al-Adha. Le développement du couvert végétal permettra à un grand nombre d’éleveurs d’économiser les charges liées au fourrage et à l’alimentation du bétail. Le manque de régularité des pluies plonge toutefois les agriculteurs dans le flou total. «Il y a quelques années, il était possible de s’adapter au décalage des périodes de pluie d’une culture en ajustant les dates de début et de fin du cycle agricole. Cependant, aujourd’hui, nous faisons face à des fluctuations météorologiques très abruptes, qui sont souvent fatales pour les plantes dont la physiologie est adaptée à des cycles habituellement réguliers», explique Benali.
 
Concernant les cultures printanières, notre interlocuteur évoque un impact positif pour «la majorité de l’arboriculture, sachant que les filières de l’olivier et des agrumes sont encore en point d’interrogation et restent aussi tributaires d’une météorologie devenue imprévisible».
 

 

Efforts proactifs renforcés

 

 
S’agissant du maraîchage, dont les prix suscitent souvent de grandes polémiques, Redouane Choukr-Allah, spécialiste en agriculture durable, nous explique que la filière ne dépend pas directement des pluies, mais plutôt des irrigations. Notons que la majorité de la production maraîchère au niveau national provient de la région d’Agadir, qui traverse actuellement une crise grave. Pour donner un exemple, même les cultures d’agrumes sont aujourd’hui incertaines dans cette région. «De nombreux producteurs sont en train de vendre leurs exploitations, tandis que d’autres abandonnent leurs cultures», ajoute notre interlocuteur, notant que l’eau devient soit inexistante, soit insuffisante. La situation est similaire par exemple dans la région du Haouz. Ces dernières années, toute la production maraîchère et fruitière a reposé sur les prélèvements de la nappe phréatique, mais l’exploitation excessive de cette ressource a désormais ses conséquences.
 
La recrudescence des épisodes de sécheresse n’a, en soi, rien de surprenant. De nombreuses études et modèles prédictifs ont déjà établi le constat que le Maroc est un pays aride, et les solutions pour faire face à cette situation sont bien connues. Il est donc crucial d’accélérer la mise en œuvre des projets et stratégies déjà prévus, tout en adoptant une approche encore plus proactive face à une sécheresse qui est désormais structurelle dans notre pays. Nos experts évoquent également des exemples de pays qui pourraient servir de modèles, à l’instar de l’Australie, qui parvient à produire des céréales avec seulement 150 mm de pluviométrie. Un tel résultat n’a pas été obtenu sans efforts, ni temps, et il illustre l’importance d’une planification et d’une gestion efficaces.
 

Trois questions à Hassan Agouzoul : « La quantité d’eau tombée en une seule journée a parfois équivalu à celle des six mois habituels »
La sécheresse suivie de pluies tardives devient un phénomène de plus en plus récurrent au Maroc. Comment peut-on vivre avec cette situation ?
 
Les changements climatiques, causés par les activités humaines, ont perturbé la régularité des précipitations. Ces dernières années, nous avons observé plusieurs saisons où des périodes de sécheresse ont été suivies de fortes pluies, parfois accompagnées de dégâts et d’inondations. En effet, la quantité d’eau tombée en une seule journée a parfois équivalu à celle des six mois habituels. Ce phénomène illustre bien la nécessité de renforcer notre résilience face aux effets extrêmes du climat, un des piliers de l’Accord de Paris, qui vise à atténuer les catastrophes naturelles lorsqu’elles surviennent.
 

Le Maroc est-il assez préparé pour anticiper et atténuer les risques associés à ce phénomène ?

 
Il est possible qu’un sentiment de relâchement, lié à la sécheresse, empêche d’anticiper le retour de fortes pluies susceptibles de provoquer des catastrophes et des inondations. Néanmoins, un système de veille et de gestion des catastrophes naturelles a été mis en place par le ministère de l’Intérieur. Ce plan, couvrant la période 2021-2030, a été publié début 2021 et prévoit un dispositif national, régional et local pour anticiper et gérer ces scénarios extrêmes.
 

Comment peut-on tirer parti au maximum de ces pluies potentielles ?

 
Il existe plusieurs approches pour capter ces eaux pluviales. Tout d’abord, à travers des infrastructures hydrauliques adaptées, mais aussi par la création de bassins tampons dans les villes. De plus, des efforts de reforestation et d’aménagement d’espaces boisés sont essentiels pour améliorer l’infiltration de l’eau et permettre ainsi la recharge des nappes phréatiques.

Tech : L’anticipation météorologique en action
Grâce aux progrès technologiques, prévoir la pluie sur plusieurs jours est désormais possible. Pourtant, la prédiction météorologique à moyen et long termes reste un défi complexe. Pour y parvenir, les météorologues s’appuient sur l’observation des phénomènes atmosphériques tels que la température, la pression et l’humidité, collectées à travers des satellites, radars et ballons-sondes. Ces données sont ensuite traitées par des modèles numériques basés sur des équations physiques, simulant l’évolution des systèmes météorologiques. Des supercalculateurs analysent ces millions de données en temps réel, permettant d’anticiper les conditions météorologiques à venir. Cependant, même avec ces outils, prévoir précisément la pluie sur plusieurs semaines reste incertain, car l’atmosphère est un système dynamique et imprévisible. Les prévisions à court terme sont généralement fiables, mais au-delà de dix jours, les erreurs augmentent en raison de la nature chaotique de l’atmosphère. Néanmoins, des tendances globales, comme des sécheresses ou des excès de précipitations, peuvent être anticipées en analysant des phénomènes comme El Niño et La Niña, qui ont un impact majeur sur le climat mondial. Ces prédictions sont cruciales pour l’agriculture, la gestion des ressources en eau et la prévention des risques climatiques. Même si la précision des prévisions à long terme est limitée, elles permettent d’orienter des décisions stratégiques et de mieux se préparer aux événements climatiques extrêmes, contribuant ainsi à la résilience des populations face aux aléas climatiques.
 

​Remplissage des barrages : Un taux de 29,56%
D’après les données du ministère de l’Équipement et de l’Eau, le taux global de remplissage des barrages s’élève désormais à 29,56%, pour un volume total de 4,97 milliards de mètres cubes. À titre comparatif, à la même période l’an dernier, ce taux était d’environ 28% avec un stock de 4,72 milliards de mètres cubes.

L’amélioration des niveaux d’eau varie d’une région à l’autre, certains bassins affichant des taux de remplissage particulièrement positifs. Guir-Ziz-Rhéris enregistre la meilleure performance avec 53,11%, suivi du Tensift (51,97%), du Loukkos (47,33%), du Bouregreg (44,06%) et du Sebou (37,64%). D’autres bassins connaissent également des hausses, mais nécessitent encore un suivi renforcé : Souss-Massa (18,09%) et Drâa-Oued Noun (30,95%). Le bassin d’Oum Er-Rbiâ est le plus sec avec seulement 7,1%. 

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