Les récentes pluies bienfaisantes ravivent l’espoir des agriculteurs, mais leur impact sur l’agriculture n’est pas aussi uniforme qu’il n’y paraît. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte, tels que la nature des cultures, la période de semis, et d’autres éléments déterminants.
Ces précipitations qui viennent mettre fin à un hiver sec résultent d’une dépression nommée «JANA» et qui a affecté l’Europe de l’Ouest avant d’atteindre le Maroc. Les résultats de ce phénomène seront bénéfiques pour l’agriculture et les ressources hydriques du pays, selon Youabed, qui note qu’ils profiteront surtout aux cultures printanières.
Cela dit, le principal critère pour évaluer le niveau de l’agriculture au Maroc est la production annuelle de céréales. Du moment que les précipitations de cette saison sont arrivées en retard, avec des pluies effectives ne commençant qu’en février, les cultures de céréales s’annoncent en mauvaise condition, loin des prévisions du gouvernement qui annonçait en début d’année 70 millions de quintaux, alors que Bank Al-Maghrib ne s’attend pas à plus de 50 millions. Cependant, les récentes précipitations bénéficieront davantage aux cultures saisonnières et aux arbres fruitiers, ainsi qu’aux légumineuses telles que les lentilles et les pois chiches. De plus, «ces pluies profiteront aux pâturages naturels, qui sont essentiels pour le bétail», selon Rachid Benali, président de la Confédération Marocaine de l’Agriculture et du Développement Rural (COMADER). Une filière qui a beaucoup souffert des années de sécheresse passées, au point que SM le Roi Mohammed VI a fait un appel à l’abstention du sacrifice de Aïd Al-Adha. Le développement du couvert végétal permettra à un grand nombre d’éleveurs d’économiser les charges liées au fourrage et à l’alimentation du bétail. Le manque de régularité des pluies plonge toutefois les agriculteurs dans le flou total. «Il y a quelques années, il était possible de s’adapter au décalage des périodes de pluie d’une culture en ajustant les dates de début et de fin du cycle agricole. Cependant, aujourd’hui, nous faisons face à des fluctuations météorologiques très abruptes, qui sont souvent fatales pour les plantes dont la physiologie est adaptée à des cycles habituellement réguliers», explique Benali.
Concernant les cultures printanières, notre interlocuteur évoque un impact positif pour «la majorité de l’arboriculture, sachant que les filières de l’olivier et des agrumes sont encore en point d’interrogation et restent aussi tributaires d’une météorologie devenue imprévisible».
S’agissant du maraîchage, dont les prix suscitent souvent de grandes polémiques, Redouane Choukr-Allah, spécialiste en agriculture durable, nous explique que la filière ne dépend pas directement des pluies, mais plutôt des irrigations. Notons que la majorité de la production maraîchère au niveau national provient de la région d’Agadir, qui traverse actuellement une crise grave. Pour donner un exemple, même les cultures d’agrumes sont aujourd’hui incertaines dans cette région. «De nombreux producteurs sont en train de vendre leurs exploitations, tandis que d’autres abandonnent leurs cultures», ajoute notre interlocuteur, notant que l’eau devient soit inexistante, soit insuffisante. La situation est similaire par exemple dans la région du Haouz. Ces dernières années, toute la production maraîchère et fruitière a reposé sur les prélèvements de la nappe phréatique, mais l’exploitation excessive de cette ressource a désormais ses conséquences.
La recrudescence des épisodes de sécheresse n’a, en soi, rien de surprenant. De nombreuses études et modèles prédictifs ont déjà établi le constat que le Maroc est un pays aride, et les solutions pour faire face à cette situation sont bien connues. Il est donc crucial d’accélérer la mise en œuvre des projets et stratégies déjà prévus, tout en adoptant une approche encore plus proactive face à une sécheresse qui est désormais structurelle dans notre pays. Nos experts évoquent également des exemples de pays qui pourraient servir de modèles, à l’instar de l’Australie, qui parvient à produire des céréales avec seulement 150 mm de pluviométrie. Un tel résultat n’a pas été obtenu sans efforts, ni temps, et il illustre l’importance d’une planification et d’une gestion efficaces.
Le Maroc est-il assez préparé pour anticiper et atténuer les risques associés à ce phénomène ?
Comment peut-on tirer parti au maximum de ces pluies potentielles ?
L’amélioration des niveaux d’eau varie d’une région à l’autre, certains bassins affichant des taux de remplissage particulièrement positifs. Guir-Ziz-Rhéris enregistre la meilleure performance avec 53,11%, suivi du Tensift (51,97%), du Loukkos (47,33%), du Bouregreg (44,06%) et du Sebou (37,64%). D’autres bassins connaissent également des hausses, mais nécessitent encore un suivi renforcé : Souss-Massa (18,09%) et Drâa-Oued Noun (30,95%). Le bassin d’Oum Er-Rbiâ est le plus sec avec seulement 7,1%.