Bank-Al-Maghrib a maintenu le taux directeur dans un contexte de maîtrise de l’inflation et de progrès notable de la croissance. Décryptage.
Dans un contexte d’instabilité internationale et de relative sérénité macroéconomique au niveau interne, les sages de Bank-Al-Maghrib ont jugé opportun de préserver le statu quo. Réuni mardi, le Conseil de BAM a décidé de maintenir le taux directeur inchangé à 2,25%. BAM a opté pour la continuité au moment où les banques centrales internationales, notamment la Réserve fédérale des Etats-Unis (FED), optent pour la prudence. La FED, pour la quatrième fois consécutive, maintient la fourchette du taux des fonds fédéraux inchangée à 4,25%-4,50%, tandis que la Banque centrale européenne continue prudemment la tendance baissière de ses taux réduits en juin pour la septième fois consécutive.
L’inflation sous contrôle
Jusqu’à présent, l’inflation reste sous contrôle à son niveau le plus bas depuis des années. Selon les projections, elle ne dépassera pas 1% en 2025 avant d’atteindre 1,8% en 2026. BAM fait état d’une hausse des prix des viandes fraîches et d’une baisse des prix des carburants de 11% en 2025. Les produits pétroliers devraient, en revanche, augmenter de 4,1% en 2026.
Alors que l’inflation recule globalement, Bank-Al-Maghrib reste prudente. Le fait de maintenir le statu quo est dû aux vicissitudes de l’économie mondiale de plus en plus imprévisible, au moment où les escalades géopolitiques et la résurgence des tensions commerciales rebattent les cartes à l’échelle internationale. Ces incertitudes sont telles qu’elles sont prises en compte en permanence dans les prévisions de la banque centrale qui se tient en ordre de bataille pour pouvoir agir à tout moment.
Volatilité internationale et incertitudes croissantes !
“Au cours des derniers mois, les vents contraires se sont renforcés avec les nouvelles mesures tarifaires américaines, la persistance des conflits à Gaza et en Ukraine, et plus récemment le déclenchement de la guerre Israël-Iran”, lit-on dans le rapport de BAM.
Pour sa part, le Wali de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri, a résumé la situation en quelques phrases lors de sa traditionnelle conférence de presse. Il a fait état de “volatilité internationale” qu’incarne le conflit israélo-iranien et du virage protectionniste des États-Unis et ses répercussions sur les marchés internationaux. Le Maroc n’y échappe pas puisqu’il demeure visé par les droits réciproques à titre bilatéral. Ce climat anxiogène tient également du marché de l’énergie où “de fortes incertitudes” entourent le cours du pétrole.
Selon les prévisions de BAM, le prix du Brent devrait tourner autour de 66,8 dollars en 2025 et reculer ensuite à 64,8 dollars en 2026. Mais ces perspectives sont volatiles en fonction des tensions géopolitiques en Ukraine et au Moyen-Orient. Pour les phosphates, dont dépend le Maroc, les prix diminueraient de 214 dollars la tonne en 2024 à 206 dollars en 2025, puis à 183 dollars en 2026, alors que ceux de ses dérivés s’orientaient à la hausse cette année, en lien avec le repli de l’offre mondiale.
Une croissance inespérée
En dépit de cette volatilité internationale, le Maroc se porte bien économiquement pour l’instant. En témoignent les perspectives de croissance, ô combien réjouissantes. Bank-Al-Maghrib a surpris tout le monde avec ses nouvelles prévisions très optimistes. Le Royaume devrait atteindre 4,6% de croissance, soit le taux le plus élevé jamais réalisé depuis deux décennies, si on exclut l’année de la reprise post-covid-19. BAM dépasse les prévisions du FMI qui table sur 3,9% en 2025. Cette croissance est portée essentiellement par les activités non agricoles qui ont connu une nette amélioration grâce à une forte dynamique de l’investissement dans les infrastructures.
Les experts de BAM estiment que la croissance évolue à un rythme bien plus rapide que ce que laissaient présager les données trimestrielles relatives à la même année sur la base des données des comptes nationaux du HCP. La croissance devrait se consolider à 4,4% en 2026.
La performance agricole contribue légèrement à cet élan grâce à l’embellie que nous avons connue cette année à la faveur de l’amélioration des précipitations qui ont boosté la campagne céréalière. Selon BAM, “la valeur ajoutée agricole augmenterait de 5% en 2025, tenant compte d’une récolte céréalière estimée par le Département de l’Agriculture à 44 millions de quintaux (MQx), puis de 3,2% en 2026, sous l’hypothèse d’une production céréalière moyenne de 50 MQx”.
Ces retombées positives de la croissance se font sentir sur le marché de travail, dont le tableau de bord, tel que décrit par la banque centrale, est rassurant. 282 mille postes de travail ont été créés au premier trimestre 2025. La dynamique concerne tous les secteurs sauf l’agriculture où l’hémorragie persiste avec 72 mille emplois perdus. Pour le reste, tous les autres secteurs ont enregistré des créations s’élevant à 216 mille postes dans les services, à 83 mille dans l’industrie, et à 52 mille dans le BTP.
En somme, on compte une entrée nette de 266 mille demandeurs d’emplois. Par conséquent, le taux de chômage global a diminué de 13,7% à 13,3%.
Par ailleurs, pour ce qui est de l’exportation, qui demeure un des leviers de la croissance, les perspectives sont positives. Les exportations devraient croître de 5,1% en 2025 et de 9% en 2026, tirées notamment par une expansion de celles de phosphate et dérivés qui atteindraient 106,7 milliards de dirhams en 2026. Or, l’industrie s automobile, qui était une locomotive de l’export national, devrait connaître une stagnation en 2025 avant de reprendre l’année suivante. Interrogé sur ce point lors de la conférence de presse, Abdellatif Jouahri s’est montré rassurant. Selon lui, il n’y a pas de souci majeur pour les deux principaux constructeurs automobile au Maroc (Renault et Stellantis), dont les capacités de production sont de 98%. Le marché européen n’en reste pas une source de préoccupation vu la concurrence des voitures électriques chinoises.