Discrets et puissants, les sachets de nicotine «Pablo» font fureur chez les jeunes marocains, envahissant les comptoirs des buralistes. De petits sachets de nicotine sans fumée qui paraissent inoffensifs, mais dont les dégâts peuvent aller jusqu’au décès.
Les sachets de nicotine, également appelés «nicopouches», sont de petits sachets blancs à placer sous la lèvre, libérant progressivement de la nicotine sans combustion ni tabac. Présentés comme une alternative aux cigarettes et au vapotage, ils séduisent de plus en plus de jeunes, attirés par leur discrétion, leur effet rapide, mais surtout par l’impact du marketing, renforcé par la visibilité de plusieurs stars, notamment des joueurs de foot, aperçus en train d’utiliser ces sachets. Contrairement aux cigarettes ou aux vapes, ces sachets ne produisent ni fumée ni odeur, permettant ainsi une consommation furtive, même sous le toit familial ou en milieu scolaire. Cette caractéristique les rend d’autant plus accessibles aux adolescents, échappant souvent à la vigilance des parents, peu familiarisés avec ce type de produit. Parmi les marques les plus prisées, «Pablo» se distingue par sa forte concentration en nicotine, bien au-delà des standards réglementés dans certains pays européens. Pourtant, elle est commercialisée et consommée sans problème au Maroc, alors que son mode d’approvisionnement demeure flou. Importés d’Europe du Nord, notamment de Suède, où ils sont fabriqués par des entreprises spécialisées comme NGP Empire, ils échappent à toute réglementation stricte, soulevant des interrogations sur les circuits qui permettent leur mise en vente dans le pays.
Selon nos spécialistes, «le tabac à usage oral est réglementé dans la catégorie des produits du tabac manufacturés conformément à la loi n° 46.02/2003 sur le tabac brut et manufacturé, bien que le Snus (poudre de tabac humide consommée principalement en Suède et Norvège, mais aussi en Finlande, Estonie et Suisse) ne soit pas directement mentionné dans la définition du tabac manufacturé». En effet, la législation précise que «sont assimilés à des tabacs manufacturés, les produits destinés à être fumés, prisés ou mâchés, même s’ils ne sont que partiellement constitués de tabac, à l’exclusion des produits et substances destinés à un usage médicamenteux». Cette ambiguïté juridique explique, plus ou moins, l’abondance des «Pablo» dans nos rues.
Ainsi, même sans combustion, les sachets de nicotine comportent des risques significatifs pour les jeunes consommateurs, impliquant la nécessité d’une régulation stricte pour limiter les dangers de ces produits.
De nombreux produits contenant de la nicotine sont aromatisés pour les rendre plus attrayants et séduire davantage de consommateurs. Les arômes ajoutés visent à masquer le goût désagréable de la poudre, diminuant ainsi les risques d’associer la consommation du produit à une expérience négative. Cela renforce le comportement de consommation et favorise l’évolution vers une dépendance. En conséquence, ces produits aromatisés deviennent plus addictifs et donc plus dangereux, en particulier pour les jeunes qui sont particulièrement vulnérables. C’est pourquoi certains pays, comme la Finlande, ont choisi de les interdire.
Peut-on parler d’une nouvelle porte d’entrée vers l’addiction à la nicotine pour une génération qui, parfois, ne fume même pas ?
Les produits contenant de la nicotine se diversifient de plus en plus et sont désormais accessibles presque partout, tout en étant faciles à utiliser. Cependant, à ce jour, il n’existe pas de mesures préventives suffisamment solides pour limiter l’accès à ces substances, en particulier pour les jeunes. Le trouble addictif résulte d’une interaction complexe entre l’individu, l’environnement et la substance. Par conséquent, il est essentiel d’agir sur ces trois éléments afin de réduire l’impact sur la santé et les conséquences psychosociales de la dépendance à la nicotine.
Le fait que ces sachets soient perçus comme une alternative «saine» à la cigarette peut-il fausser la perception du danger ?
Effectivement, ces produits sont souvent présentés comme des alternatives plus saines ou moins nuisibles que le tabac, et ils ne comportent pas d’étiquettes de danger comme celles que l’on trouve sur les boîtes de cigarettes, ce qui incite à leur consommation. Pourtant, les études disponibles montrent que ces produits sont aussi nocifs que le tabac sous plusieurs aspects, notamment en ce qui concerne leurs effets sur le cerveau, le système cardiovasculaire et respiratoire.
Cette mesure marque un tournant dans la réglementation des alternatives au tabac. Considérés comme ayant des effets similaires aux produits du tabac malgré l’absence de combustion, les sachets nicotiniques bénéficiaient jusqu’à présent d’un flou fiscal. En les intégrant à la même logique de taxation, le gouvernement cherche à réduire leur accessibilité et à encadrer leur consommation, notamment chez les jeunes, qui en sont les principaux consommateurs.
Au Maroc, la situation est différente. Actuellement, aucune norme spécifique ne régit la vente ou l’utilisation des sachets de nicotine. Le marché marocain est fragmenté, avec une quarantaine d’importateurs, principalement en provenance de Chine et d’Asie du Sud-Est. L’Institut Marocain de Normalisation (IMANOR) travaille sur l’élaboration de normes pour encadrer ces produits, y compris les cigarettes électroniques et les sachets de nicotine.