Face aux effets du changement climatique, le Maroc se doit d’investir dans les innovations technologiques pour moderniser la filière halieutique nationale et répondre aux enjeux nationaux et mondiaux de durabilité.
Au-delà des importantes dimensions liées à la gouvernance et à la gestion intégrée des ressources halieutiques, le nouveau modèle de cette pêche devra certainement s’appuyer sur les avancées techniques et scientifiques. Une part non-négligeable de ces solutions avancées s’illustre déjà à travers une multitude de projets-pilotes au niveau national et international, avec des résultats très prometteurs. Des outils de surveillance modernisés, utilisant des technologies avancées, pourraient jouer un rôle clé pour atteindre les objectifs de durabilité et de soutenabilité de l’exploitation des ressources halieutiques. À cet égard, les innovations internationales, comme les caméras intelligentes installées dans les chaluts ou les systèmes de suivi automatisé des captures (développés dans le cadre de projets de recherche comme « SMARTFISH » (voir repère) offrent des solutions qui permettent une pêche plus sélective et une collecte de données précises, essentielles pour garantir la durabilité des stocks.
La production et la valorisation des produits de la mer, devront par ailleurs s’appuyer sur l’aquaculture qui s’impose déjà comme solution alternative dont l’apport peut réduire la pression sur les populations halieutiques sauvages. La stratégie Halieutis place d’ailleurs l’aquaculture « au cœur de ses priorités, conformément aux Hautes Orientations Royales, pour l’activation des principaux leviers de développement de ce secteur, en synergie avec les autres secteurs dépendant des ressources côtières », déclarait l’exministre de l’Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, Mohamed Sadiki, lors du 3è Forum de l’aquaculture marine. Cependant, l’aquaculture n’est pas sans défis. Des préoccupations subsistent quant à la pollution des eaux, la transmission de maladies aux populations sauvages et l’utilisation de ressources pour l’alimentation des poissons d’élevage. Pour atteindre le plein potentiel de sa filière d’aquaculture, le Royaume est appelé à capitaliser sur le savoir-faire de ses propres chercheurs, mais également, à s’inspirer d’autres approches à même d’optimiser la gestion des enjeux sanitaires et environnementaux propre à cette filière prometteuse. L’exemple peut s’illustrer à travers le programme « Game Changer » (voir repère) qui emploie des dispositifs non-chimiques pour lutter contre les parasites, tout en intégrant l’intelligence artificielle pour surveiller en temps réel la santé des poissons et anticiper les crises sanitaires. Des usages qui commencent à voir le jour graduellement au Maroc. Dans une interview accordée à L’Opinion, Abdelmalek Faraj, l’Institut National de Recherches Halieutiques (INRH), nous a déclaré que son département a d’ores et déjà élaboré une stratégie qu’il compte mettre en œuvre progressivement, « allant de l’intégration intelligente et automatique de la data, à la modélisation et aux systèmes prédictifs ». « Nous expérimentons déjà à l’échelle de prototype des modèles de «smart fishing» qui demeurent encore en phase de tests », a-t-il ajouté.
Garantir l’avenir durable des ressources halieutiques marocaines dépend par ailleurs d’une gestion écosystémique intégrant les meilleures pratiques scientifiques et technologiques. La durabilité à long terme de la pêche et de la valorisation des produits de la mer devra ainsi être impulsée par la création de nouvelles aires marines protégées, couplée à des mécanismes de surveillance avancés. La chaîne de valeur de la « pêche de demain », prospère et durable, ne peut cependant pas être envisagée sans une modernisation encore plus pointue des infrastructures et process de valorisation. Dans son rapport sur l’économie bleu (2021), le CESE estime que la valorisation locale des produits de la mer devrait tripler à travers des investissements dans les ports, les unités de transformation et les technologies de conditionnement. L’utilisation de labels de durabilité sera également à même de renforcer encore plus la visibilité et l’attractivité des produits marocains sur les marchés internationaux. Autant de défi que le Royaume est capable de relever pour préserver ses ressources et ses filières halieutiques.
Y a-t-il des initiatives au niveau de Tanger Med ? – Au niveau du port, il y a des initiatives qui sont prises, notamment la mise en place des unités de valorisation des déchets, on prête attention au nombre de croisières accueillies par le port pour garantir des conditions de vie favorables à la faune marine et on va devenir pavillon bleu, ce qui impose plusieurs règles environnementales à respecter.
Quelles sont vos recommandations en vue d’une stratégie nationale pour l’économie bleue ? – Il faut tout d’abord organiser des assises pour dresser un état des lieux et discuter de ce qui doit être fait pour la promotion de l’économie bleue. Il y a donc un effort de communication à faire sur le sujet. Ensuite, il faut une conception claire de l’économie bleue. Il y a plusieurs définitions qu’il faudrait cadrer, car c’est ce qui va permettre d’élaborer des actions de sensibilisation ciblée et efficace, surtout auprès des jeunes et des enfants, qui sont les ambassadeurs de l’action écologique. De plus, il faut que la sensibilisation devienne partie intégrante des programmes scolaires au niveau de tout le territoire. Et finalement, il faut une coordination entre toutes les parties concernées du secteur pour éviter les chevauchements au niveau des décisions et des actions.