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Soft power militaire : Les FAR à l’avant-garde en Afrique [INTÉGRAL]

​Les pays africains sollicitent de plus en plus la coopération des FAR, dont le soft power se renforce discrètement aux yeux des militaires du continent. Décryptage.

Ils sont près de 1500 officiers étrangers à suivre leur formation au Maroc, selon les derniers chiffres présentés par le ministre délégué auprès du chef de gouvernement, chargé de l’Administration de la Défense nationale, Abdellatif Loudiyi, lors de la discussion du budget de son département au Parlement. La majorité des lauréats étrangers des académies du Maroc viennent des pays d’Afrique subsaharienne. En 2024, 1205 militaires ont suivi leur formation dans les académies des Forces Armées Royales, tandis que 300 cadres sont formés dans les centres de la Gendarmerie Royale. 

Cela fait des décennies que le Maroc est un centre de formation pour les officiers africains, qui sont de plus en plus nombreux. Après leurs études, quelques lauréats ont fini par trouver leur chemin au sommet de leurs États. La liste est longue et on y trouve les noms de leaders charismatiques qui ont fait un parcours marquant, tels que l’ancien président du Burkina Faso, Thomas Sankara, celui de la Mauritanie, Mohammed Ould Abdelaziz, et l’actuel leader de l’Union des Comores, Azali Assoumani, dont le souvenir radieux du périple marocain ne l’a jamais quitté. 

L’engouement se poursuit avec les nouvelles générations 

Aujourd’hui, le Maroc forme également les nouvelles générations qui commencent à accéder au pouvoir. Le cas de l’actuel président du Gabon, Brice Oligui Nguema, saute aux yeux. Le nouvel homme fort de Libreville est le produit de l’Académie Royale Militaire de Meknès comme beaucoup d’autres. Ancien attaché militaire à l’ambassade gabonaise à Rabat, l’ancien aide de camp d’Omar Bongo Ondimba et ex-Chef de la garde républicaine, le général de fer se distingua après la chute d’Ali Bongo lorsqu’il a pris les rênes du pouvoir en assurant une transition fluide, sans vacarme politique, en dépit d’un contexte difficile.

Il n’a jamais coupé les liens avec le Maroc où il s’est rendu en visite privée en juillet dernier après avoir assisté à l’ouverture des Jeux Olympiques à Paris, affirme une source bien informée. Brice Oligui Nguema connaît si bien le Royaume qu’il y garde beaucoup d’amis et cultive un large réseau de contacts. Dès qu’il s’est assis sur le siège présidentiel, il a veillé à montrer qu’il restera dans la ligne de son prédécesseur en ce qui concerne le Maroc qu’il a qualifié de pays frère lors de son premier échange avec l’ambassadeur du Royaume, Abdellah Sbihi, à Libreville. 

Parmi les nouveaux hommes forts du Sahel, s’impose le capitaine Ibrahim Traoré, qui dirige le Burkina Faso après la chute du président Christian Kaboré. Il s’est distingué par la fermeté avec laquelle il mène la guerre contre le terrorisme dans son pays malgré son jeune âge. Il a forgé une partie de son âme de militaire à Fès où il a fait un stage de perfectionnement de six mois dans le centre d’instruction en artillerie. Il incarne à la perfection cette nouvelle jeunesse africaine qui veut rompre définitivement avec une certaine idée archaïque et démagogique du panafricanisme. 

Une formation adaptée au désert africain 

Le Maroc a de tout temps ouvert les portes de ses académies aux officiers africains qui choisissent volontairement d’y commencer leur carrière d’armes. Cet engouement n’est pas fortuit pour autant que la formation qu’offre le Royaume répond à des besoins spécifiques des pays africains. “Le Royaume du Maroc a su se doter d’un système de formation pluridisciplinaire et résolument tourné vers le futur”, confie le Lieutenant-Général Sidiki Daniel Traoré. Ce haut-gradé du Burkina Faso est le produit de l’Académie Royale de Meknès. Il a gravi les plus hauts échelons de sa hiérarchie militaire avant de commander la Force des Casques bleus en Centrafrique (MINUSCA), en 2020. A ses yeux, le Maroc se distingue par sa capacité à fournir un enseignement pointu des techniques de combat dans les zones désertiques et sahéliennes. 

C’est un acquis indispensable pour les militaires africains qui font souvent face à des mutineries dans le vaste désert où même les grandes armées sont souvent mises en échec, comme ce fut le cas de l’Armée française qui n’a pas pu chasser les groupes djihadistes au Sahel malgré les ressources colossales qu’elle a déployées pendant l’opération Barkhane, qui s’est soldée par le départ humiliant des troupes tricolores du Mali.  

Cette formation adaptée aux besoins des armées africaines émane de la longue expérience des Forces Armées Royales dans les théâtres désertiques pendant la guerre du Sahara où elles se sont remarquablement appropriées la conduite des offensives, des opérations de ratissage et des techniques de lutte contre les guérillas au milieu des tourbillons de sables, explique un haut gradé en retraite sous couvert d’anonymat.  “Les FAR sont l’une des rares armées en Afrique à avoir combattu longuement et avec succès opérationnel reconnu dans une zone désertique, nos partenaires africains reconnaissent cette expertise”, fait-il remarquer. 

Entraînement : La plus-value des instructeurs des FAR

Aujourd’hui, l’expertise marocaine ne se réduit plus uniquement à la formation académique. Les FAR sont de plus en plus sollicitées pour entraîner les troupes africaines, dont celles de la Guinée Conakry où les instructeurs américains supervisent les troupes aéroportés depuis 2018. 

Les brigades d’infanterie parachutistes sont montées en gamme ces dernières années et cela a été couronné par le succès de la 2ème brigade, la première unité africaine à atteindre les standards de l’OTAN après avoir réussi le test du “Capability Concept Evaluation and Feedback Programme” en 2023.  Les FAR continuent, tout de même, à perfectionner leurs unités para à l’aide de l’Intelligence Artificielle. Un système d’entraînement virtuel serait en cours de commande. L’Armée Royale fait de plus en plus recours aux nouvelles technologies d’entraînement et de simulation des opérations, telles que les war-games. A cela s’ajoute l’expérience qu’a pu accumuler le Maroc dans l’usage des drones contre le Polisario. Tout cela permet aux FAR de se familiariser rapidement avec la guerre moderne, ultra robotisée. “Cela est un acquis majeur qui contribue au rayonnement de nos centres de formation”, insiste notre source militaire, qui rappelle que le Maroc n’offre pas seulement son savoir-faire humain mais tout un package complet avec des dons de matériel militaire.  

Par ailleurs, un autre élément contribue à l’attrait des FAR aux yeux des militaires africains, à savoir leur participation constante dans les exercices multilatéraux en Afrique, dont le plus grand (African Lion) est organisé au Maroc. Ce genre d’exercices, quelle qu’en soit l’ampleur, permet une meilleure interopérabilité et une meilleure connaissance mutuelle.  

 

3 questions au Général Sidiki Daniel Traoré : « La formation militaire au Maroc fait figure de modèle en Afrique »
Vous avez été formé au Maroc. Quelle plus-value pensez-vous avoir gardé de votre parcours de formation ?
 
En effet, j’ai suivi ma formation d’élève-officier à l’Académie Royale Militaire de Meknès (ARM) de Septembre 1978 à Juillet 1981, d’où je suis sorti sous-lieutenant. L’ARM a été toujours un centre d’excellence et un pôle de référence en matière de formation d’officiers en Afrique et dans le monde. Les Académies Royales de l’Air et de la Marine, à mon avis, font figure de modèle en Afrique et ont formé de nombreux valeureux officiers du continent. Depuis lors, et jusqu’à nos jours, la qualité de l’Académie de Meknès ne s’est pas démentie. L’ARM, qui a pour mission d’assurer la formation complète des officiers des armes et services ainsi que des fusiliers destinés aux Forces Armées Royales (Terre – Air – Mer), assure également la formation des officiers étrangers de différents pays.
 
A quel point l’Académie Royale Militaire de Meknès a-t-elle contribué à former les officiers burkinabè ? 
 
La formation y est pluridisciplinaire et prépare véritablement les jeunes officiers, dès leur sortie de l’école, à affronter avec professionnalisme, courage, détermination, abnégation et succès, les nombreux défis de la noble carrière militaire. À l’occasion de la commémoration du 59ème anniversaire de l’indépendance de mon pays, le Burkina Faso, le 11 décembre 2019, l’Académie Royale Militaire de Meknès a été décorée par les plus hautes autorités du pays. A travers cette décoration, le Burkina Faso reconnaît la contribution inestimable du Maroc à la formation de très nombreux officiers burkinabés, qui exercent aujourd’hui dans nos Forces Armées Nationales à divers niveaux de responsabilité.    
 
Qu’est-ce qui fait la spécificité de la formation militaire au Maroc ?
 
Le Royaume du Maroc a su se doter d’un système de formation pluridisciplinaire et résolument tourné vers le futur, à même de lui permettre de former l’élite militaire de demain. L’Académie Royale Militaire de Meknès en est la parfaite incarnation. Le pays a également su ouvrir cette formation au reste du continent et du monde entier. C’est à ce titre que de nombreux dirigeants africains sont sortis de cette prestigieuse académie. Je puis vous assurer que l’une des spécificités de la formation militaire au Maroc est l’accent particulier et le point d’honneur que ce dernier met dans l’enseignement des techniques de combat en zones désertiques et sahéliennes. Aussi, les pays africains situés dans ces zones peuvent tirer le meilleur profit en matière de formation militaire adaptée à leurs réalités géo-climatiques et le font présentement.  

Lutte contre le terrorisme au Sahel : Une expérience exportable ?
Le Maroc est resté à l’abri des violences des groupes extrémistes, ces dernières années, et continue de déjouer les éventuelles attaques terroristes. Il a compris la nécessité de renforcer la coopération aux niveaux régional et mondial pour lutter contre le terrorisme, rappelle le Lieutenant-Général Sidiki Daniel Traoré, qui juge que « Le Maroc a développé des initiatives dans la lutte contre le terrorisme qui peuvent servir de source d’inspiration ». Notre interlocuteur fait référence à une publication du Département d’État américain, datant de 2023, qui mettait en avant « le leadership du Maroc dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent ». Une preuve, selon lui, de l’expérience du Maroc qui peut servir d’exemple dans la région. « Cette expérience est portée par une vision globale, et à  ce titre, le Maroc est naturellement un partenaire essentiel dans la lutte contre le terrorisme ». “En plus de l’action des services de renseignement et des forces de défense et de sécurité contre le terrorisme et la radicalisation, le Maroc a résolument engagé le combat contre l’idéologie extrémiste et l’endoctrinement”, conclut le général. 

​Ethiopie : La diplomatie militaire à l’oeuvre
La coopération militaire est savamment exploitée dans le rapprochement avec plusieurs pays. Le cas du Pakistan est révélateur. Ce pays, avec lequel il n’y a pas beaucoup d’intérêt économique, s’est visiblement rapproché du Maroc au cours des dernières années sur fond d’un intérêt commun pour le partenariat militaire. En témoigne la dernière visite de l’Inspecteur général des Forces Royales Air, le général de division Mohammed Gadih, à Islamabad où il s’est entretenu avec son homologue, Zaher Ahmed Baber Sidhu, sur les perspectives d’un partenariat renforcé, particulièrement dans l’industrie de défense. Cette réunion fait suite à un long parcours de dialogue entre les Etats-majors des deux pays qui ont commencé à faire des exercices conjoints comme prélude à une coopération plus élargie. 

Le Maroc semble poursuivre la même stratégie en Afrique où les FAR sont à l’avant-garde d’un nouveau rapprochement avec l’Ethiopie dont une délégation militaire de haut niveau a été accueillie, fin août dernier, à Rabat  après une visite d’une mission marocaine menée à Addis-Abeba, par le général de division Aziz Idrissi, quelques mois plus tôt. Ces échanges de visites ont débouché sur une entente de principe pour raffermir la coopération militaire qui devient désormais un nouvel outil au service de la diplomatie. Ce rapprochement militaire devient un point de départ d’une éventuelle entente politique avec l’Ethiopie avec laquelle le Maroc n’a pas toujours eu des relations cordiales de fil de l’Histoire. 

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