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VTC vs Taximen : La régularisation enfin dans les starting-blocks ? [INTÉGRAL]

​Le conflit entre les taxis et les VTC demeure sans aucun doute l’un des dossiers les plus délicats pour le gouvernement. Tandis que les chauffeurs de taxis poursuivent leur grogne, le ministre de l’Intérieur assure que la réforme du transport urbain progresse à un bon rythme.

Il y a plus de neuf ans, les services de VTC (voiture de transport avec chauffeur) ont fait leur première entrée au Maroc, avec le géant américain Uber, qui avait de grandes ambitions pour le marché national. Très vite, ce lancement s’est transformé en cauchemar suite à la colère des taxis, entraînant un long débat sur la réglementation, qui reste toujours d’actualité. D’un côté, les usagers et les défenseurs des droits des consommateurs plaident pour une diversification de l’offre de mobilité pour répondre convenablement aux besoins d’une clientèle agacée par la qualité des prestations des taxis. D’un autre côté, les taximen dénoncent une concurrence «déloyale» de ces «transporteurs clandestins», qui ne disposent d’aucune autorisation légale ou d’assurance répondant aux normes du transport public.
 
Les revendications des deux camps sont totalement légitimes, néanmoins, le couac réside dans la gestion de ce conflit, qui se traduit souvent par des actes de violence, comme en témoignent les nombreuses agressions que subissent les chauffeurs de VTC. La situation est telle que le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, a recadré les chauffeurs de taxis il y a moins d’un mois, notant que l’application de la loi incombe exclusivement à l’Etat à travers les autorités compétentes. Aujourd’hui, le ministre revient à la charge, dans une réponse à une question parlementaire écrite, affirmant que les autorités sécuritaires et judiciaires travaillent activement à détecter et à sanctionner toutes les violations, «y compris les conflits récurrents entre les chauffeurs de taxis et les acteurs non autorisés».
 
 
A quand la régularisation ?
 
Dans sa réponse écrite, Laftit a annoncé son engagement à participer à une coordination gouvernementale multipartite, visant à mettre en place un cadre juridique et réglementaire intégré pour encadrer ces services, tout en garantissant les droits de toutes les parties prenantes, qu’il s’agisse des VTC ou des chauffeurs de taxi. Actuellement, la tutelle examine les mécanismes juridiques et procéduraux nécessaires pour organiser l’utilisation des applications intelligentes dans le secteur du transport. «Un texte prêt à l’exécution existait déjà lorsque l’ancien ministre des Transports était en fonction, et il a d’ailleurs servi de base à la version actuellement en cours de formulation», apprend-on de source gouvernementale. L’objectif reste de développer le service tout en respectant la législation, garantissant ainsi l’équité et une concurrence loyale au sein du secteur. En effet, les chauffeurs de taxi se montrent particulièrement opposés à cette concurrence, la considérant comme une menace pour leur profession. «Pendant que nous, chauffeurs de taxi, luttons dans le silence face à la vie chère et le coût élevé du carburant, les chauffeurs de VTC travaillent sur leur temps libre, sans obligations précises, menaçant ainsi notre gagne-pain», confie un syndicaliste sous couvert d’anonymat. À Rabat, où les altercations entre chauffeurs deviennent de plus en plus fréquentes, les départements de tutelle ont organisé une réunion avec les représentants des taxis pour apaiser les tensions et définir une feuille de route qui puisse satisfaire à la fois les chauffeurs, les VTC et les usagers. Lors de cette rencontre, les chauffeurs de taxi ont souligné l’urgence de développer une application mobile commune pour les taxis, intégrant la possibilité de paiements électroniques et de suivi post-service, afin de garantir la transparence et le respect des données personnelles, tout en restant conforme à la législation en vigueur. Selon eux, l’ouverture aux nouvelles tendances du transport permettrait de renforcer la compétitivité du secteur et surtout de regagner la confiance des usagers.
 
Dans ce cadre, Laftit a mis en avant l’engagement du ministère de l’Intérieur à accompagner les acteurs du secteur en publiant des décisions opérationnelles qui précisent les conditions et procédures légales pour exercer l’activité de mise en relation entre les clients et les chauffeurs de taxi via les technologies modernes. En conséquence, plusieurs licences ont déjà été accordées à des entreprises ayant développé des plateformes numériques pour la réservation intelligente, tout en respectant les lois et les droits des utilisateurs et des professionnels.
 
 
Couper la poire en deux !
 
Le responsable gouvernemental a ajouté que le ministère cherche à instaurer un équilibre entre la modernité et le respect des lois, en adoptant un modèle d’intervention qui prend en compte les évolutions du marché et les attentes des citoyens, tout en préservant le cadre juridique qui régit le secteur du transport public.
 
Malgré les récents efforts de modernisation des services par les chauffeurs de taxi, les défenseurs des droits des consommateurs insistent sur l’établissement d’un cadre légal pour les VTC, en tant que nouveau mode de transport. «Cette réglementation est l’un des projets les plus importants du secteur des transports que les décideurs devront aborder à l’avenir pour offrir aux passagers, qu’ils soient marocains ou étrangers, des options de transport diversifiées, fiables, sûres et de qualité», explique Ouadie Madih, président de la Fédération Marocaine des Droits du Consommateur (FMDC).
 
Selon lui, les taxis et les VTC s’adressent à des clientèles distinctes avec des attentes différentes, et la réglementation ne devrait pas affaiblir l’activité des taxis, qui sont un élément incontournable du paysage urbain. Pour Ouadie Madih, il est fondamental de fournir aux consommateurs plusieurs options, leur permettant ainsi de choisir ce qui correspond le mieux à leurs besoins et à leurs moyens. D’où l’impératif pour le gouvernement de réunir les deux parties prenantes, dans une sorte de dialogue social où chacun aura son mot à dire. Les entreprises de VTC affirment, elles, être entièrement prêtes à collaborer avec les autorités en vue de mettre en place un cadre légal adapté à cette activité, soulignant que la réglementation de ce secteur permettra de réduire les tensions entre les taximen et les chauffeurs opérant avec les entreprises de VTC et potentiellement réduire le prix du transport et augmenter les revenus des chauffeurs en permettant au marché de se développer de manière organique. Si les syndicats qui représentent les taxis tiennent toujours tête, le ministère de l’Intérieur s’est engagé pour sa part à poursuivre la réforme globale du secteur du transport urbain, en parallèle avec les directives nationales visant à numériser les services et à atteindre une justice territoriale et économique, garantissant ainsi un service public sûr, légal et équitable pour tous.

 

3 questions à Samir Faraby : « Nous n’émettons aucune opposition à l’intégration des chauffeurs de VTC »
Pourquoi les chauffeurs de taxis s’en prennent-ils toujours aux chauffeurs de VTC ?
 
Vous savez, les VTC ne sont pas nouveaux, ils exercent depuis plus de 10 ans. Leur nombre est aujourd’hui comparable à celui des petits taxis, et pourtant, la polémique persiste. Les incidents entre les chauffeurs de taxis et ceux de VTC  est le résultat d’une escalade encouragée par certains, qui poussent les chauffeurs de taxis à invoquer des articles du code pénal pour agir. Mais au final, ces mêmes chauffeurs se retrouvent poursuivis pour tentative de meurtre, conduite dangereuse et intimidation. Vous voyez bien, ces attaques ne sont pas la solution. Ce qu’il faut, c’est une réforme légale claire et des discussions constructives pour apaiser les tensions et moderniser le secteur.
 

Quelle solution préconisez-vous pour intégrer les chauffeurs de VTC, tout en améliorant les conditions de travail des chauffeurs de taxis non-propriétaires d’agréments ?
 

En tant que syndicat, nous n’émettons aucune opposition à l’intégration des chauffeurs de VTC. Beaucoup parmi eux exercent leur métier avec sérieux, ont construit une vie de famille grâce à cette activité et offrent un service de grande qualité. Nous préconisons de leur accorder des autorisations, à condition qu’ils n’exercent pas une double fonction, tout comme aux chauffeurs de taxis non-propriétaires d’agréments. Ces derniers soutiennent d’ailleurs cette solution, qui leur permettrait de travailler via des applications avec des autorisations directes et indépendantes. Actuellement, ils doivent fournir d’importants efforts pour générer une recette journalière pouvant atteindre 500 dhs, tandis que les détenteurs d’agréments profitent des revenus sans contribuer activement au travail.
 
 

Pensez-vous qu’il est nécessaire de revoir la gouvernance du secteur ?

 
Absolument. Actuellement, le secteur est sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, chargé de délivrer les autorisations d’exploitation, de réguler les tarifs et de mettre en œuvre des mesures visant à améliorer les services aux citoyens. Cependant, il serait plus judicieux que cette responsabilité incombe au ministère du Transport et de la Logistique. Ce dernier serait mieux positionné pour élaborer des politiques adaptées aux défis actuels, notamment en matière de modernisation, d’intégration des nouvelles technologies et de coordination avec les autres modes de transport.
 
 

Réforme : Les chauffeurs sont pour, mais…
Les chauffeurs de VTC et les chauffeurs de taxis «non-propriétaires d’agréments» sont disposés à participer à des négociations pour trouver une solution qui convienne à toutes les parties concernées. Les chauffeurs de taxis non-propriétaires d’agréments, dont la situation est particulièrement instable, prônent largement une réforme, en raison des difficultés engendrées par les circulaires n° 444 et n° 750 du ministère de l’Intérieur.
 
La circulaire n° 750 prévoit que, suite au décès du titulaire d’une licence de taxi, le véhicule peut être exploité pendant six mois. Cependant, si les héritiers ne parviennent pas à un accord sur le sort de la licence, le permis d’exploitation est retiré et le véhicule est interdit de circulation, entraînant ainsi des pertes d’emploi pour les chauffeurs qui ne disposent d’aucune alternative.
 
D’un autre côté,  la circulaire n° 455, elle, détermine les conditions de recevabilité des demandes de transfert d’agréments de taxi, en précisant les personnes habilitées à les soumettre et les délais impartis. Cependant, elle engendre des barrières administratives et un manque de clarté sur le processus de transfert, compliquant davantage la situation des chauffeurs. Ce flou administratif constitue un obstacle majeur pour le bon déroulement des transferts d’agréments et ajoute à la confusion, au détriment des chauffeurs qui se retrouvent dans une situation d’incertitude.
 

Ethique professionnelle : Les taximen risquent gros
Depuis l’année dernière, des amendes sont infligées aux chauffeurs de taxi qui refusent de transporter les clients vers les destinations choisies. Après s’être penchées sur les plaintes répétées des passagers concernant le refus de certains conducteurs de les transporter vers des destinations de courte distance, les autorités marocaines ont imposé des amendes, en plus  de la confiscation de leurs véhicules pendant au moins 15 jours. Cette décision qui est entrée en vigueur le 20 août 2024 s’inscrit dans le cadre des efforts visant à améliorer les services du secteur du transport public et à réduire les abus qui affectent négativement la qualité du service offert aux citoyens. Il existe des mécanismes pour surveiller et suivre l’engagement des conducteurs envers ces mesures, y compris la réception et le traitement rapide et efficace des plaintes.

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