La régionalisation avancée dépend de la capacité des Régions à s’acquitter pleinement de leurs prérogatives pour une meilleure autonomie. Décryptage.
Neuf ans après le lancement effectif de ce projet Royal, nous n’en sommes qu’aux balbutiements. Les Régions existent et fonctionnent, les Conseils sont élus, dotés de budgets et supervisent des projets, mais leur champ d’action reste très réduit, ce qui fait que l’Etat central demeure toujours l’acteur de premier plan.
Nécessité de passer à la vitesse supérieure
Maintenant, il faut passer à la vitesse supérieure, c’est en tout cas la principale conclusion des deuxièmes Assises nationales de la régionalisation avancée, qui se sont tenues à Tanger du 20 au 21 décembre. 1600 participants sur planche et 45.000 à distance ont pris part aux débats pour réfléchir collectivement à un nouveau modèle de régionalisation avancée. Dès le départ, la feuille de route était claire. Le message Royal adressé aux participants, que le ministre de l’Intérieur a pris soin de lire, a tracé le chemin à suivre dans la prochaine étape. Le Souverain a dressé quelques défis majeurs à surmonter, dont la redéfinition des compétences et des attributions des Régions, leur mode de financement, la question de l’attractivité, la reddition des comptes et l’application effective de la Charte nationale de déconcentration administrative.
Cela dit, pour que les Régions jouent pleinement leur rôle, elles doivent avoir des compétences claires et être en état de se financer efficacement pour participer plus directement à la gestion des affaires locales et des grands projets de développement à l’échelle territoriale, tout en étant responsables de leur politique, à la fois vis-à-vis des électeurs et de l’Etat central, qui demeure, pour l’instant, la principale source de financement.
L’accélération du transfert des compétences vers les Régions demeure l’une des priorités majeures. Pour y parvenir, un premier pas a été fait dans le sens d’associer davantage les Régions dans quelques domaines jugés prioritaires : l’eau, l’investissement, la gestion des déchets ménagers, la mobilité et la transformation digitale. Quatre conventions-cadres ont été signées, vendredi, dans ce sens, et portent sur un partenariat renforcé entre le gouvernement, à travers les ministères concernés et les Conseils régionaux (voir repère). Maintenant, le transfert des compétences vers les Régions passe impérativement par la mise en œuvre pure et simple de la Charte nationale de la déconcentration administrative. “Il est indispensable aujourd’hui de préciser clairement les attributions des Régions”, plaide Mbarka Bouaida, présidente de l’Association des Régions du Maroc. Ce thème a suscité beaucoup d’attention lors des débats. Bien que le cadre juridique soit clair, l’application fait défaut.
Les ministères doivent lâcher du lest !
Là, le président de la Région Marrakech-Safi, Samir Goudar, s’est montré très critique vis-à-vis des ministères qui, selon lui, ont tendance à monopoliser la décision lorsqu’il s’agit de projets structurants. « On doit dire les choses telles qu’elles sont, les ministères ne nous lâchent rien », a-t-il martelé lors d’un atelier dédié à cette thématique. Aussi, a-t-il plaidé pour que le champ de compétences des Régions soit réduit à un petit nombre d’attributions clairement définies. Selon M. Goudar, la loi-cadre relative aux Régions comporte une avalanche de compétences très vagues à saisir.
Stress hydrique, la priorité absolue
La gestion de l’eau est érigée aujourd’hui au sommet des priorités. Compte tenu de la sécheresse chronique que connaît le Maroc, les Régions sont appelées à s’investir davantage dans la gestion des ressources hydriques en fonction de leurs besoins et de leurs spécificités. L’objectif est d’aboutir à une solidarité inter-régions et une coordination optimale entre les Conseils régionaux et le ministère de l’Equipement et de l’Eau, dont le Directeur général de l’Ingénierie hydraulique, Abdelaziz Zerouali, a fait savoir qu’il y aura bientôt une étude prospective détaillée sur la situation hydraulique dans les 30 prochaines années. Celle-ci servira, selon lui, à planifier efficacement la gestion des ressources hydriques dans chaque région.
L’association des Régions dans la gestion de l’eau est désormais aussi indispensable que les besoins augmentent à cause de l’urbanisation, la croissance démographique et le développement de l’agriculture. Cela dit, il faut une gestion adaptée, vu que les ressources changent d’une région à l’autre. Dans ce sens, il y a eu un consensus sur la nécessité d’accroître la part des ressources dédiées au stress hydrique dans les financements alloués aux Régions. En parallèle, les participants ont plaidé pour que celles-ci soient associées directement dans les projets et les politiques de rationalisation de l’eau et de développement du dessalement.
Pour des pôles régionaux attractifs
La question de l’investissement a été également au cœur des débats. En fait, l’essence même de la régionalisation consiste à faire des Régions des pôles attractifs au niveau territorial. Jusqu’à présent, les Régions sont encore incapables d’attirer elles-mêmes les investissements et demeurent toujours dépendantes de l’intervention de l’Etat dans les projets de développement régionaux. Il en est de même pour l’attraction des grands investissements industriels.
Les participants ont plaidé pour le renforcement du rôle des Régions dans l’appui aux investissements productifs à travers des mécanismes de coordination avec le secteur privé et les investisseurs. Cet objectif demeure, le moins que l’on puisse dire, flou, puisque tout dépend du volontarisme des élus régionaux et les moyens dont ils disposent. Il n’en reste pas moins que les Régions ont besoin d’un financement plus conséquent pour qu’elles puissent avoir plus d’impact dans la promotion de l’investissement public à l’échelon régional. Les élus locaux ont plaidé, quasi-unanimement, pour la hausse des financements. Or, le défi consiste aujourd’hui à en trouver d’autres sources au moment où l’Etat demeure leur principal pourvoyeur à hauteur de 90%. D’où l’importance de l’autonomie financière. Plusieurs pistes sont proposées, dont l’idée d’accroître la part les Régions dans les ressources fiscales, notamment celles de l’IS, l’IR et la TVA. En parallèle, nombreux étaient les participants qui ont plaidé pour que les Régions aient davantage recours aux partenariats public-privé pour financer les projets d’investissement. En parallèle, les Conseils régionaux sont désormais appelés à faire preuve d’ingéniosité et d’innovation pour trouver de nouvelles sources de financement, indépendamment de l’État, qui leur accorde annuellement 10 milliards de dirhams. Un défi de taille !
Quelles sont, selon vous, les changements les plus prioritaires pour accélérer le rythme de la régionalisation ?
Comment associer davantage les Régions dans les domaines vitaux qui ont fait l’objet des conventions-cadres ?
La première porte sur l’accélération de la mise en œuvre du chantier de la régionalisation avancée à travers la mise en place d’une méthodologie pour achever la mise en œuvre du chantier de la régionalisation avancée. L’objectif est de clarifier les compétences des régions et d’accélérer leur transfert.
La deuxième convention-cadre porte sur l’eau. Elle vise à établir un cadre général de programmation et de mise en œuvre des projets en partenariat entre les ministères concernés, les régions du Royaume et les autres partenaires pour atteindre les objectifs des stratégies et programmes nationaux, notamment en relation avec le Programme National d’approvisionnement en Eau Potable et d’Irrigation 2020-2027
Il y a également une convention-cadre relative au financement du Programme d’investissement du nouveau modèle de contrats de gestion déléguée des transports publics urbains et intercommunaux par autobus : elle porte sur les conditions et modalités de financement liées à ce programme ainsi que les participations des parties pendant la période 2025-2029. Les investissements concernés comprennent l’acquisition d’autobus, de systèmes d’assistance à l’exploitation et d’information des voyageurs (SAEIV) et de systèmes de billetterie, ainsi que la préparation des dépôts, des arrêts d’autobus, des stations d’arrêt et des centres de maintenance. Le financement prévu est estimé à environ 11 milliards de dirhams. La 4ème convention-cadre porte sur la gestion du secteur des déchets ménagers et assimilés pour la période 2025-2034. Le texte prévoit de fixer un cadre général de programmation de la réalisation et du financement des projets de centres d’enfouissement technique, de centres d’enfouissement et de valorisation des déchets, ainsi que la réhabilitation ou la fermeture des décharges sauvages au niveau national.