Taxis vs VTC : Les syndicats ouverts au dialogue [INTÉGRAL]

Au moment où les applications mobiles s’imposent inévitablement, les syndicats du secteur des taxis se disent disposés à dialoguer pour trouver une solution aux enjeux du secteur. Face à l’essor grandissant des applications de VTC et à l’exigence d’améliorer leurs services souvent critiqués par les usagers, les taxis veulent collaborer avec ces plateformes, sous réserve que certaines conditions soient respectées. Détails.

Lors d’une conférence tenue à Casablanca ce mardi 07 janvier, les représentants syndicaux du secteur ont insisté sur l’organisation d’un forum national réunissant toutes les parties concernées afin de résoudre les problématiques liées aux applications de Véhicules de transport avec chauffeur (VTC) « non régulées ». Ils ont également réitéré leurs demandes d’aides financières, combinant fermeté et ouverture au dialogue pour améliorer les services destinés aux citoyens et aux touristes.

Les discussions, orchestrées par cinq syndicats de taxis dont le nombre aujourd’hui dépasse les 75 000 taxis, ont mis en évidence les nombreux défis auxquels le secteur est confronté : absence de cadre légal adéquat, anarchie dans l’organisation et tensions croissantes dues à la prolifération des applications non encadrées. Ils ont souligné l’urgence de moderniser le secteur pour protéger les droits des professionnels tout en répondant aux attentes des usagers.

L’actuel cadre juridique, basé sur le dahir de 1963 relatif aux transports par véhicules automobiles sur route, est jugé obsolète. Les syndicats exhortent le ministère de l’Intérieur à réviser ce texte afin de mieux encadrer l’activité des taxis et d’intégrer les réalités technologiques et économiques d’aujourd’hui.

La question délicate des applications de VTC a exacerbé les tensions. Qualifiées de « transport clandestin », ces plateformes étrangères sont accusées de violer les lois nationales, créant ainsi une concurrence déloyale qui met en péril les chauffeurs de taxis. Cependant, d’aucuns estiment que ces tensions sont alimentées par des groupes d’intérêts, à la fois des détenteurs de flottes importantes de VTC, qui exploitent la situation illégale du secteur, et des propriétaires d’agréments multiples, qui bénéficient de la légalité sans pour autant participer activement au travail.
 

Les pistes de sortie de crise 
Pourtant, les chauffeurs de VTC et les chauffeurs de taxis « non-propriétaires d’agréments » sont désormais plus disposés que jamais à participer à des négociations pour trouver une solution qui convienne à toutes les parties concernées. Les chauffeurs de taxis non-propriétaires d’agréments, dont la situation est particulièrement instable, soutiennent largement cette réforme, en raison des difficultés engendrées par les circulaires n° 444 et n° 750 du ministère de l’Intérieur.

La circulaire n° 750 prévoit que, suite au décès du titulaire d’une licence de taxi, le véhicule peut être exploité pendant six mois. Cependant, si les héritiers ne parviennent pas à un accord sur le sort de la licence, le permis d’exploitation est retiré et le véhicule est interdit de circulation, entraînant ainsi des pertes d’emploi pour les chauffeurs qui ne disposent d’aucune alternative.

Quant à la circulaire n° 455, elle détermine les conditions de recevabilité des demandes de transfert d’agréments de taxi, en précisant les personnes habilitées à les soumettre et les délais impartis. Cependant, elle engendre des barrières administratives et un manque de clarté sur le processus de transfert, compliquant davantage la situation des chauffeurs. Ce flou administratif constitue un obstacle majeur pour le bon déroulement des transferts d’agréments et ajoute à la confusion, au détriment des chauffeurs qui se retrouvent dans une situation d’incertitude.

En réponse, les syndicats proposent de développer des applications nationales supervisées par l’État, garantissant transparence et respect des données personnelles, tout en s’intégrant au cadre légal existant.

Ils appellent également à une réforme globale, incluant la clarification des responsabilités des parties prenantes, la modernisation des lois, et l’introduction de solutions technologiques adaptées. La transformation vise à renforcer la compétitivité des taxis dans un secteur en pleine mutation.

Cette mobilisation syndicale survient dans un climat de tensions exacerbées entre chauffeurs de taxis et conducteurs de VTC. Les syndicats appellent à une action gouvernementale rapide pour instaurer une réglementation claire, assurer une concurrence équitable et garantir des services de qualité aux usagers.
 

trois questions à Samir Faraby : « En tant que syndicat, nous n’émettons aucune opposition à l’intégration des chauffeurs de VTC »
Pourquoi les chauffeurs de taxis s’en prennent-ils toujours aux chauffeurs de VTC ? Est-ce la seule solution pour résoudre les tensions du secteur ?

Vous savez, les VTC ne sont pas nouveaux, ils exercent depuis plus de 10 ans. Leur nombre est aujourd’hui comparable à celui des petits taxis, et pourtant, la polémique persiste. Regardez ce qui s’est passé à Rabat la semaine dernière ! une course-poursuite impliquant quatre petits taxis contre un chauffeur de VTC. Ce genre d’incident est le résultat d’une escalade encouragée par certains, qui poussent les chauffeurs de taxis à invoquer des articles du code pénal pour agir. Mais au final, ces mêmes chauffeurs se retrouvent poursuivis pour tentative de meurtre, conduite dangereuse et intimidation. Vous voyez bien, ces attaques ne sont pas la solution. Ce qu’il faut, c’est une réforme légale claire et des discussions constructives pour apaiser les tensions et moderniser le secteur.
 

Quelle solution préconisez-vous pour intégrer les chauffeurs de VTC tout en améliorant les conditions de travail des chauffeurs de taxis non-propriétaires d’agréments ?  

En tant que syndicat, Nous n’émettons aucune opposition à l’intégration des chauffeurs de VTC. Beaucoup parmi eux exercent leur métier avec sérieux, ont construit une vie de famille grâce à cette activité et offrent un service de grande qualité. Nous préconisons de leur accorder des autorisations, à condition qu’ils n’exercent pas une double fonction, tout comme aux chauffeurs de taxis non-propriétaires d’agréments. Ces derniers soutiennent d’ailleurs cette solution, qui leur permettrait de travailler via des applications avec des autorisations directes et indépendantes. Actuellement, ils doivent fournir d’importants efforts pour générer une recette journalière pouvant atteindre 500 dhs, tandis que les détenteurs d’agréments profitent des revenus sans contribuer activement au travail.
 

Pensez-vous qu’il est nécessaire de revoir la gouvernance du secteur ?  

Absolument. Actuellement, le secteur est sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, chargé de délivrer les autorisations d’exploitation, de réguler les tarifs et de mettre en œuvre des mesures visant à améliorer les services aux citoyens. Cependant, il serait plus judicieux que cette responsabilité incombe au ministère du Transport et de la Logistique. Ce dernier serait mieux positionné pour élaborer des politiques adaptées aux défis actuels, notamment en matière de modernisation, d’intégration des nouvelles technologies et de coordination avec les autres modes de transport.

 

Recueillis par Y. BENKIRANE

 

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