Le CRED et l’Électronucléaire : Un Pas Vers la Création d’un NEPIO pour Structurer l’Avenir Nucléaire du Maroc

En 2009, à l’initiative de Madame Amina Belkhadra, alors Ministre de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, le Maroc a créé le Comité de Réflexion sur l’Électronucléaire et le Dessalement de l’Eau de Mer par le Nucléaire (CRED). Ce comité avait pour mission de lancer une réflexion nationale sur l’intégration de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique marocain, en mettant l’accent sur deux axes majeurs : la production d’électricité et le dessalement de l’eau de mer. Face à des défis énergétiques croissants et une pression hydrique accrue, particulièrement dans les régions semi-arides et arides, le Maroc considère ces technologies comme des solutions potentiellement viables pour répondre à ses besoins énergétiques tout en garantissant une gestion durable de l’eau.

Cependant, pour que cette réflexion se concrétise en projets tangibles, il est essentiel de structurer le développement du programme électronucléaire de manière efficace. À cet égard, il devient crucial de transformer le CRED en un organisme NEPIO (Nuclear Energy Program Implementing Organization), un organisme internationalement reconnu pour coordonner, gérer et superviser la mise en œuvre de programmes nucléaires complexes. Cette transformation permettrait non seulement de renforcer la gestion et la coordination des projets nucléaires, mais aussi de garantir le respect des meilleures pratiques internationales, en matière de durabilité, de sûreté et de gestion des risques.
 

Contexte de la Création du CRED
Au début des années 2000, le Maroc était confronté à une double problématique : d’une part, une demande énergétique croissante due à l’augmentation démographique, l’urbanisation rapide et l’industrialisation, et d’autre part, une gestion complexe des ressources en eau, particulièrement dans les régions semi-arides et arides. Le pays, dépendant largement des importations d’énergie fossile et disposant de ressources en eau douce limitées, se trouvait dans l’obligation de diversifier ses sources d’approvisionnement énergétique tout en améliorant la gestion de l’eau.

Dans ce contexte, l’énergie nucléaire a été perçue comme une solution stratégique pour répondre à ces défis. En plus de renforcer la production d’électricité, elle pourrait jouer un rôle clé dans le dessalement de l’eau de mer, offrant ainsi une alternative efficace face à la pénurie d’eau. C’est dans cette optique qu’a été créé le CRED, afin d’étudier l’opportunité d’intégrer l’électronucléaire dans le mix énergétique du Maroc et d’explorer l’utilisation de cette technologie dans le dessalement de l’eau de mer.
 

Les Missions du CRED : Une Réflexion Complète
Le CRED a été chargé d’explorer plusieurs axes essentiels au développement énergétique du Maroc. Ses principales missions incluent :
 

Évaluation de la faisabilité de l’électronucléaire pour la production d’électricité : Le CRED a analysé les besoins énergétiques à long terme du Maroc et a étudié les possibilités d’intégrer l’énergie nucléaire dans le mix énergétique national. L’objectif principal était de réduire la dépendance du pays aux combustibles fossiles, tout en garantissant un approvisionnement énergétique stable face à la volatilité des prix mondiaux de l’énergie. Étude du dessalement de l’eau de mer par le nucléaire : Bien que cette technologie soit encore peu développée à l’échelle mondiale, le CRED a exploré son potentiel pour alimenter des installations de dessalement. Cette solution apparaît comme un levier clé pour lutter contre la pénurie d’eau, en particulier dans les zones côtières où la demande en eau douce dépasse les capacités des ressources naturelles disponibles. Analyse des risques et enjeux environnementaux : L’utilisation de l’énergie nucléaire soulève des interrogations légitimes, notamment sur la sécurité des installations, la gestion des déchets radioactifs et les impacts environnementaux. Le CRED a donc entrepris une analyse approfondie des risques associés à ces technologies pour s’assurer de leur durabilité à long terme et de leur conformité aux normes de sécurité internationales. Formation et développement des ressources humaines : Le développement d’un programme électronucléaire nécessite des compétences techniques pointues. Le CRED a recommandé la mise en place de programmes de formation pour préparer une main-d’œuvre qualifiée, capable de gérer les projets nucléaires et de dessalement, et ainsi garantir le succès de ces initiatives à long terme. Considérations économiques et financières : L’étude des coûts d’investissement, des financements nécessaires et des bénéfices économiques à long terme a constitué un volet essentiel des travaux du CRED. Il a permis de déterminer la viabilité économique des projets nucléaires et de dessalement, en prenant en compte les impacts sur l’économie nationale.
 

Débats et Défis Soulevés par le CRED
Bien que l’énergie nucléaire présente des avantages considérables, elle suscite des préoccupations légitimes concernant la sécurité des installations, la gestion des déchets nucléaires et les risques environnementaux. Ces inquiétudes ont été renforcées par des événements comme la catastrophe de Fukushima, qui ont soulevé des questions sur la pertinence de cette technologie, notamment en termes de sécurité à long terme.

Cependant, ces préoccupations ne doivent pas occulter les nombreux avantages de l’électronucléaire, en particulier dans le cadre du dessalement de l’eau de mer, qui mérite une évaluation plus équilibrée. L’utilisation de technologies nucléaires avancées, ainsi que le respect des normes strictes en matière de sûreté établies par l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA), jouent un rôle crucial dans la gestion des risques. À cet égard, l’AIEA œuvre pour garantir que les programmes nucléaires respectent les standards internationaux en matière de transparence et de sécurité.
 

Le CRED Aujourd’hui : Un Héritage de Réflexion pour l’Avenir du Maroc
Bien que le Maroc n’ait pas encore lancé de projets concrets d’électronucléaire ou de dessalement nucléaire, les travaux du CRED ont jeté les bases de futures initiatives. Le Maroc a par ailleurs intensifié ses investissements dans les énergies renouvelables, avec des projets emblématiques comme le complexe solaire Noor de Ouarzazate, l’un des plus grands du monde, et plusieurs parcs éoliens. Ces projets ont permis de diversifier les sources d’énergie et de participer activement à la transition énergétique du pays.

Dans ce cadre, la mission INIR (International Nuclear Infrastructure Review) menée par l’AIEA en 2015 a été un tournant majeur. Elle a permis d’évaluer les prérequis pour le développement d’un programme électronucléaire au Maroc et a mis en lumière la nécessité de renforcer les capacités nationales en matière de sûreté nucléaire, de réglementation et de formation. De plus, la mission a recommandé de développer un cadre législatif et institutionnel solide et de renforcer la coopération internationale, notamment à travers des partenariats avec des pays nucléaires plus expérimentés.

En réponse à la croissance continue de la demande d’électricité et à la nécessité d’une diversification énergétique, le Maroc explore activement l’introduction de l’électronucléaire d’ici 2030. Le pays, tout en poursuivant ses efforts en matière d’énergies renouvelables, demeure ouvert à l’intégration de solutions alternatives comme l’électronucléaire.
 

Conclusion
Le CRED représente une initiative essentielle dans la stratégie énergétique du Maroc, ayant permis d’établir les bases d’une réflexion approfondie sur l’utilisation de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité et le dessalement de l’eau de mer. Bien que le pays privilégie actuellement les énergies renouvelables, la création de ce comité a ouvert un débat crucial sur l’avenir énergétique du Maroc. Il a ainsi contribué à préparer le pays à une transition énergétique durable, en intégrant la possibilité que l’électronucléaire fasse partie des solutions à envisager pour soutenir le développement socioéconomique à long terme.

Les recommandations issues de la mission INIR de l’AIEA ont renforcé cette préparation, en identifiant les priorités à adresser pour réussir l’introduction éventuelle de l’électronucléaire. Parmi ces priorités figure l’exploration des petits réacteurs modulaires (SMR), qui apparaissent comme une alternative sûre et flexible pour le Maroc.

En définitive, il serait pertinent de transformer le CRED en un organisme NEPIO (Nuclear Energy Program Implementing Organization) dans le cas où un projet concret serait lancé. Une telle transformation permettrait de structurer efficacement le développement du programme électronucléaire au Maroc, en s’appuyant sur les meilleures pratiques internationales et en garantissant la sûreté, la transparence et la durabilité de ce programme stratégique.

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