La généralisation de la couverture médicale au Maroc, avec l’AMO-Solidarité, augmente les dépenses publiques. Si le secteur privé domine, des réformes visent à rééquilibrer le système et garantir une couverture universelle.
En 2023, la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) a ainsi déboursé plus de 7,36 milliards de dirhams pour couvrir les soins de santé dans les secteurs public et privé, selon Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’Économie et des Finances. Dans une réponse écrite adressée aux députés de l’opposition, la ministre a précisé que ces remboursements concernaient les prestations médicales prises en charge dans le cadre de ce régime solidaire.
Le secteur privé capte la majorité des remboursements de l’AMO-Solidarité, avec 5,263 milliards de dirhams, soit 60 % du total, contre 2,105 milliards (40 %) pour le secteur public. Cependant, la ministre a souligné que la part du secteur public progresse grâce aux réformes en cours, visant à renforcer les infrastructures hospitalières et l’offre de soins. Ce processus marque ainsi un rééquilibrage progressif du système de prise en charge.
À la fin de septembre 2024, le nombre de bénéficiaires de l’AMO-Solidarité s’élevait à 11,3 millions de personnes, dont 4 millions d’assurés principaux et 7,2 millions de bénéficiaires à charge. Malgré cette amélioration, les établissements publics peinent encore à capter une part significative des dépenses médicales. Selon la ministre de tutelle, seulement 10 % des dépenses médicales couvertes par les régimes d’Assurance Maladie Obligatoire des secteurs public et privé concernent les structures hospitalières publiques.
Cependant, certaines tendances positives se dessinent. Les données de la Caisse Nationale des Organismes de Prévoyance Sociale (CNOPS) montrent que la part des dépenses médicales prises en charge par le secteur public dans le cadre du tiers payant a progressé de 8,3 % en 2020 à 11,2 % en 2021. De son côté, la CNSS a également enregistré une évolution, avec une progression de 5 % en 2020 à 6,1 % en 2021.
Grâce à ces efforts, 22 millions de Marocains supplémentaires bénéficient désormais de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO), indépendamment de leur statut social ou professionnel, à travers les différents régimes en vigueur. Afin de garantir une couverture effective pour les professionnels, travailleurs indépendants et personnes exerçant une activité non salariée, des dispositions légales spécifiques ont été adoptées pour faciliter leur adhésion à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS).
Un autre ajustement important est la réforme du statut des travailleurs indépendants, leur offrant la possibilité d’opter pour celui d’auto-entrepreneur ou de contribuable relevant du régime de la Contribution Professionnelle Unique (CPU). L’objectif est d’éviter la multiplicité des cotisations pour ceux exerçant plusieurs activités.
Le gouvernement a également instauré un régime de couverture universelle, baptisé AMO Achamil, destiné aux personnes capables de cotiser mais ne disposant d’aucune autre assurance maladie. L’éligibilité repose sur des critères sociaux stricts, excluant les bénéficiaires d’un autre régime de protection sociale.
Depuis son entrée en vigueur en 2024 à travers la loi n° 60.22, plusieurs ajustements réglementaires ont été introduits pour lever les obstacles à son déploiement. Parmi eux, la loi n° 21.24, adoptée en 2024, prévoit l’exonération des anciens bénéficiaires de l’AMO « Tadamon » de la période d’attente avant activation de leur nouvelle couverture. De plus, les dépenses de soins engagées entre janvier et août 2024 seront prises en charge rétroactivement.
Pour stimuler l’adhésion et assurer la pérennité financière de ce régime, l’accès aux aides publiques est désormais conditionné à l’affiliation effective à l’AMO Achamil et au paiement régulier des cotisations.
Le ministère du Budget suit de près l’évolution du nombre de bénéficiaires de l’AMO « Tadamon », en exploitant les données fournies par la CNSS sur une base mensuelle, conformément à une convention d’échange d’informations entre les deux institutions. Dans le cadre de cette réforme, la CNSS assure désormais la prise en charge directe des frais de soins réalisés dans les hôpitaux publics pour les bénéficiaires de l’AMO « Tadamon ». En parallèle, l’État finance le reste à charge des patients assurés ayant recours aux services hospitaliers publics.
Pour garantir l’efficacité de la généralisation de l’AMO, le gouvernement mise sur un renforcement du secteur hospitalier public afin de le rendre plus compétitif face aux cliniques privées. Cette modernisation vise à améliorer l’accessibilité aux soins, en offrant des infrastructures médicales mieux équipées et en réduisant les délais d’attente. Elle permet également d’optimiser les coûts des prestations médicales, en favorisant une meilleure gestion des ressources et en maîtrisant les dépenses liées aux soins. Enfin, cette stratégie contribue à assurer la viabilité financière des régimes d’assurance maladie obligatoire, en équilibrant la répartition des bénéficiaires entre les secteurs public et privé et en limitant le poids financier supporté par les organismes de couverture sociale.