Rentrée parlementaire : Une reprise sous la pression des chantiers en suspens ! [INTÉGRAL]

La Chambre des Représentants a tenu, ce vendredi 11 avril, une séance plénière, consacrée à l’ouverture de la deuxième session de l’année législative 2024-2025. Une session décisive pour accélérer plusieurs chantiers tant attendus par l’opinion publique.

Après la trêve hivernale, députés et conseillers ont retrouvé les bancs du Parlement, marquant ainsi la reprise officielle de l’activité législative. Une session très attendue, tant les chantiers en suspens sont nombreux. Parmi les réformes majeures qui peinent à voir le jour figurent celles du Code pénal, du Code de la famille, du système de santé et du Code du travail. Des textes structurants qui, malgré leur importance, s’enlisent au fil des législatures.
 
Parmi elles, la réforme du Code pénal continue de cristalliser les débats, aussi bien dans l’hémicycle que parmi les professionnels du droit. À ce jour, nul ne sait si sa version définitive est proche d’être achevée. Le projet, porté avec vigueur par le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, divise dans la mesure où d’aucuns le jugent trop libéral, tandis que d’autres estiment qu’il manque de garanties en matière de procès équitable.
 
Au cœur de cette réforme, figure la volonté de renforcer la présomption d’innocence et protéger les individus contre les excès de l’accusation publique. Le texte vise à rompre avec le réflexe judiciaire de recourir systématiquement à la détention préventive, une pratique longtemps ancrée dans le système judiciaire marocain pour des raisons à la fois juridiques et culturelles. Abdellatif Ouahbi ne cesse de marteler, dans ses interventions publiques, qu’il veut «protéger les gens contre l’arbitraire», soulignant que la présomption d’innocence est le fil rouge de son projet. Pour ce faire, le recours aux peines alternatives est présenté comme un levier essentiel. L’objectif étant de limiter au maximum le passage par la case détention, depuis l’arrestation jusqu’au procès.
 

Startings blocks… 

 

Dans cette optique, le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a présidé début avril une réunion consacrée au suivi de la mise en œuvre de la loi 43.22 relative aux peines alternatives. Il y a rappelé que cette réforme s’appuie sur l’étude comparative de plusieurs expériences internationales, tout en veillant à leur adaptation aux spécificités socioculturelles marocaines, afin d’en garantir l’efficacité.
 
Akhannouch a également assuré que l’Exécutif mobilisera tous les moyens nécessaires pour garantir la réussite de cette mise en œuvre. Toutefois, il a reconnu que cette réforme ne saurait aboutir sans l’adhésion de l’ensemble des acteurs concernés. Malgré les avancées en matière de renforcement du droit de la défense, le texte continue de susciter des réserves, notamment de la part du corps des avocats.
 
L’Association des Barreaux du Maroc (ABAM) a, à plusieurs reprises, plaidé pour davantage de garanties contre la détention arbitraire, jugeant les dispositifs actuels encore insuffisants. À cela s’ajoute une autre contrainte de taille telle que la question des ressources humaines et matérielles, qui freine déjà le bon fonctionnement de la justice. Le manque criant de magistrats constitue en effet un sérieux obstacle. Rabii Chekkouri, avocat au Barreau de Rabat, souligne à ce propos que «le sous-effectif des magistrats ne saurait être sans conséquence sur le bon fonctionnement de la justice». Il estime que la surcharge de travail qui en découle nuit inévitablement aux droits des justiciables.
 

Très attendue Moudawana

 

Finalisé par la commission interministérielle composée des ministres de la Justice, des Habous, de la Famille et du Secrétariat général du gouvernement, le projet de réforme du Code de la famille est particulièrement attendu, tant au niveau national qu’international. Son adoption promet d’être l’un des temps forts de la session parlementaire en cours.

Les autorités ambitionnent d’accélérer le processus législatif de cette réforme durant cette session, du moment que ledit texte cristallise les espoirs d’une modernisation du droit de la famille, en phase avec les évolutions de la société marocaine et les principes universels des droits humains.

Pour mémoire, les membres de l’Instance chargée de la révision du Code avaient déjà remis leurs propositions, issues de larges consultations menées à travers le pays. Ces recommandations couvrent l’ensemble des aspects régis par la Moudawana et visent à remédier à plusieurs dysfonctionnements d’ordre juridique et judiciaire. Elles proposent notamment de simplifier les procédures, d’alléger les lenteurs administratives, d’élargir le rôle du Ministère public, et de mieux encadrer certaines pratiques sensibles comme le mariage des mineurs, la polygamie ou encore la garde des enfants.

Parmi les évolutions notables figurent la volonté d’interdire complètement le mariage des mineurs, en imposant un encadrement plus strict et en limitant fortement les dérogations accordées par les juges. Sur la question de la polygamie, les propositions tendent à renforcer les conditions imposées, rendant cette pratique juridiquement plus difficile à justifier.

D’autres questions fondamentales sont également abordées, telles que la Nafaqa (pension alimentaire), la tutelle légale, la gestion du foyer conjugal ou encore les conflits liés à la rupture du lien matrimonial – autant de situations qui, mal encadrées, peuvent porter gravement atteinte aux intérêts supérieurs de l’enfant. À ce titre, une attention particulière est portée à la protection des enfants issus de couples séparés, avec l’objectif de garantir leur stabilité émotionnelle, éducative et financière, quel que soit le statut des parents.
 
 

Le dilemme de nos hôpitaux !

 

Le mois dernier, lors d’une réunion dédiée au suivi de la réforme du système de santé, le chef du gouvernement a tiré la sonnette d’alarme, soulignant l’impératif d’agir avec «diligence et efficience» afin de finaliser cette réforme, très attendue par les citoyens, dans les délais impartis – soit d’ici un an et demi.

Adossée au vaste chantier de l’État social, cette réforme bénéficie de moyens financiers sans précédent. Pour 2025, pas moins de 32,6 milliards de dirhams ont été alloués au ministère de la Santé. Ce budget ambitieux témoigne de la volonté politique de faire de la santé publique une priorité nationale, après des décennies de dysfonctionnements structurels. Une partie de ces fonds se matérialise déjà sur le terrain avec le lancement de projets d’envergure dans les grandes villes du Royaume.

La réunion a ainsi permis de faire le point sur l’état d’avancement des travaux de construction, d’extension et de réhabilitation de six centres hospitaliers universitaires, en plus de 79 hôpitaux provinciaux et régionaux. À terme, ces infrastructures offriront une capacité d’accueil supplémentaire de 11.338 lits. Ce déploiement massif vise à réduire les inégalités d’accès aux soins entre les régions et à désengorger les hôpitaux centraux, souvent saturés.

Mais si le développement des infrastructures constitue une avancée notable, il ne saurait, à lui seul, garantir le succès de la réforme. En effet, cette dernière dépasse largement la seule augmentation des capacités litières ou l’acquisition de nouveaux équipements. Elle suppose, en amont, une cartographie rigoureuse et actualisée des structures sanitaires existantes, afin d’identifier précisément les déficits humains, matériels et logistiques, en particulier dans les zones rurales et enclavées.
Elle nécessite également une coordination fluide et dépourvue de considérations électoralistes entre les syndicats professionnels, ministères impliqués et chef du gouvernement. Or, les visions divergentes sur les modalités de mise en œuvre ont parfois freiné l’avancée du chantier.

Dans ce contexte, le dialogue entre le ministère de la Santé et les syndicats a franchi une étape importante la semaine dernière. Un round de négociations, considéré comme décisif, a permis de consolider la mise en œuvre de l’accord du 23 juillet 2024. La Coordination syndicale nationale du secteur de la Santé, qui regroupe huit organisations représentatives, a annoncé avoir reçu des garanties fermes sur la préservation des droits et acquis des professionnels. Ceux-ci exercent notamment au sein de l’Agence marocaine du sang et de ses dérivés, ainsi qu’à l’Agence marocaine des médicaments et des produits de santé, où leur statut de fonctionnaires publics sera maintenu.

Cette avancée est saluée comme une reconnaissance légitime du rôle central de ces professionnels dans le bon fonctionnement du système de santé. Toutefois, il reste à clarifier les termes des compromis à venir avec les pharmaciens et les techniciens de la Santé publique, dont les revendications, bien que spécifiques, restent indissociables de l’équilibre global du secteur.
 
C’est dire que les ministres, parlementaires et syndicats auront du pain sur la planche lors de la prochaine session, qui s’annonce d’ores et déjà houleuse.
 

 

 

3 questions à Allal Amraoui : «Il est impératif de renforcer la communication afin de restaurer la confiance des citoyens»
Quels sont les enjeux de la session législative en cours ?

 
Cette session revêt une importance particulière en raison de la sensibilité des projets de loi actuellement à l’étude, notamment la réforme de la procédure pénale et la présentation imminente du nouveau Code de la famille. Notre ambition est d’accompagner la structuration de ces textes en proposant des amendements à la hauteur des attentes des citoyens. L’action législative sera menée, comme de coutume, en parallèle avec les autres missions du Parlement, en particulier l’évaluation des politiques publiques et du travail gouvernemental dans son ensemble.
 

La diplomatie parlementaire reste-t-elle une priorité pour les élus ?

 
Absolument. Plus que jamais, la diplomatie parlementaire s’impose comme un levier stratégique pour consolider les acquis obtenus ces dernières années. L’objectif est de renforcer, à l’échelle internationale, les positions du Maroc sur les grands dossiers géopolitiques et géostratégiques, dans un contexte régional et mondial caractérisé par l’incertitude, les bouleversements imprévus, et l’émergence de nouvelles dynamiques géopolitiques et géoéconomiques. La question du Sahara marocain demeure, bien entendu, au cœur de cette action diplomatique, en tant que priorité absolue.
 

Les critiques sur la communication gouvernementale persistent. Comment y remédier ?

 
Il est vrai que l’évaluation d’une stratégie de communication peut parfois être subjective. Cela dit, il est indéniable que la communication joue un rôle essentiel dans toute démarche politique. Il est donc impératif de la renforcer afin de restaurer la confiance des citoyens. Cela passe par plus de transparence dans la conduite des politiques publiques et dans le fonctionnement des institutions. Aujourd’hui, l’ensemble des partis et des responsables politiques, quelle que soit leur orientation, doivent s’engager à rétablir un dialogue sincère et constructif avec l’opinion publique, en particulier dans un contexte aussi délicat que celui que nous traversons.

Diplomatie parlementaire : Les relations extérieures en top priorité
Lors de l’ouverture de la session, Rachid Talbi El Alami, président de la Chambre des Représentants, a dressé le bilan des activités menées entre les sessions, en mettant en avant les efforts notables dans le domaine des relations extérieures. Il a souligné l’importance d’une action parlementaire concrète, alignée sur les attentes citoyennes, et a appelé à redoubler d’efforts pour renforcer l’impact des politiques publiques sur les conditions de vie, la performance des services publics et leur proximité des citoyens.
 
Dans un contexte régional et international instable, Talbi El Alami a exhorté à préserver la cohésion nationale et à transcender les clivages politiques, tout en rappelant que les différences sont une richesse à valoriser. Il a également mis en avant les piliers de la résilience marocaine : institutions solides, attachement à la Monarchie, diplomatie proactive et modèle démocratique enraciné.
 
Il a insisté sur la nécessité de renforcer la diplomatie parlementaire, en gardant la question du Sahara comme priorité absolue, conformément aux Hautes Directives Royales. Face aux grands défis mondiaux – conflits, dérèglements climatiques, migrations, raréfaction des ressources – il a plaidé pour une vigilance accrue afin de défendre les intérêts du Royaume et contrer les narrations adverses. Enfin, il a réaffirmé le soutien indéfectible du Maroc à la cause palestinienne, à travers l’action de SM le Roi Mohammed VI et du Comité Al-Qods.
 

 
 

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