De la “Niya” à la stratégie : regards croisés sur l’intelligence artificielle au Maroc

​À l’occasion de GITEX Africa 2025, le supplément spécial de TelQuel propose une cartographie riche et documentée de l’écosystème numérique marocain, avec une place centrale accordée à l’intelligence artificielle. En tant que chercheur engagé dans une lecture systémique et souveraine de ces mutations, je propose ici un regard croisé entre ces contributions et les fondements d’un projet de société numérique que je défends : structuré, inclusif, épistémique et ancré dans les réalités marocaines.

L’IA marocaine entre promesses et discontinuités

L’édition spéciale «GITEX Africa 2025» de «TelQuel» sonde le “pouls de l’écosystème tech marocain” avec un réel effort de terrain. On y découvre des portraits inspirants (Kaoutar El Maghraoui, Ibtihal Aboussaad), des projets concrets comme AIScapade d’Arrabet, ou encore des outils RH dopés à l’IA comme ceux d’AGIRH. L’optimisme est palpable. L’innovation est célébrée. La “Niya”, cette volonté diffuse d’agir, est omniprésente.

Mais très vite, une question surgit : ‘à quelle vision systémique ces initiatives répondent-elles ?’ Le Maroc numérique de demain peut-il se contenter d’un empilement de solutions technologiques sans articulation stratégique claire ?
Des solutions innovantes, mais une fragmentation conceptuelle
Oui, l’IA est là. Elle est présente dans les RH, la finance, l’immobilier, la cybersécurité. On parle de startups, de cloud souverain, de plateformes d’analyse conversationnelle. Mais ‘le discours reste souvent fragmenté’, réduit à des cas d’usage sectoriels.

Où est la ‘pensée intégrative’ ? Où sont les liens entre IA et politique éducative, entre IA et transformation de la relation citoyenne à l’État ? Où est le cadre qui permet de passer de “l’innovation” à une ‘intelligence collective structurante’, dans une perspective de développement durable et souverain ?

Ce que le numéro TelQuel oublie de poser : les vraies questions de souveraineté

Le supplément évoque la “géopolitique de l’IA”, les tensions sino-américaines, l’Inde en quête de gouvernance mondiale de l’IA. Mais ‘aucune réflexion de fond n’est portée sur le positionnement du Maroc’ dans cet échiquier.

Dans mon travail, je propose une lecture systémique de l’IA comme ‘phénomène transformateur de toutes les strates de la société’. Cela nécessite une approche épistémologique, une révision de nos modèles de gouvernance, une réforme de nos institutions, et surtout, une ‘réinvention de la souveraineté numérique’, adaptée à notre contexte. Le Maroc ne peut être seulement le récepteur passif de standards technologiques définis ailleurs.

Penser l’IA comme infrastructure cognitive nationale

Il ne s’agit plus seulement de développer des solutions IA “Made in Morocco”. Il s’agit de penser l’IA comme une ‘infrastructure cognitive nationale’. Cela suppose :

– ‘Un pacte numérique éducatif’, dès l’école, pour intégrer l’IA dans les apprentissages citoyens.
– ‘Une politique de la donnée souveraine’, avec des infrastructures locales sécurisées.
– ‘Un écosystème de confiance’ entre startups, grandes entreprises, universités et institutions publiques.
– ‘Un cadre éthique et culturel’, pour éviter que l’IA ne renforce les exclusions, les inégalités ou les dépendances.

De la “niya” à la volonté politique

TelQuel pose une bonne question : “La Niya est-elle suffisante ?” La réponse est claire : ‘non’. Elle est nécessaire, mais pas suffisante. L’ère de l’IA appelle ‘une volonté politique articulée, inclusive, souveraine et visionnaire’. Il faut passer du narratif de l’événement (Gitex) à ‘une stratégie d’État’.

Le Maroc a les talents, les chercheurs, les plateformes. Mais il manque encore ‘le liant’, ‘la vision systémique’, ‘le récit collectif’. Et ce n’est pas une feuille de route technique qui fera office de boussole. C’est une politique publique nourrie par une pensée profonde.

 

​Conclusion : Une voix marocaine, plurielle et consciente
Croiser le terrain (exposé par TelQuel) et la théorie (que je porte) n’est pas un exercice de critique, c’est une ‘nécessité stratégique’. C’est en assumant une pluralité de voix, de méthodes, de temporalités qu’émergera une intelligence artificielle réellement marocaine, ‘ancrée dans notre réalité, notre humanité, nos ambitions’.

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