Dialogue social : Le front syndical entre prudence et optimisme au lendemain d’une session stérile

Après le round d’avril du dialogue social, qui n’a débouché sur aucune avancée concrète, les syndicats restent attachés à leurs revendications. L’UGTM se montre plus optimiste. Décryptage.

 

Contrairement à l’année précédente, l’Exécutif et les partenaires sociaux sont revenus bredouilles après la session d’avril du dialogue social. Le gouvernement a joué la carte de la cordialité en réservant un accueil chaleureux aux syndicats les comblant de louanges sans leur concéder, pour autant, de nouveaux «cadeaux».

 

Face aux nombreux dossiers épineux sur la table, l’Exécutif a préféré tempérer en capitalisant sur les acquis. Dans un communiqué aux allures de bilan, le gouvernement semble rappeler aux syndicats à quel point il a été bienveillant à leur égard, en se félicitant d’être l’un des gouvernements les plus généreux envers les syndicats avec une facture historique du dialogue social estimée à 45,738 milliards de dirhams à l’horizon 2026.

 

Satisfecit de l’Exécutif

 

Les ministres concernés, dont celui de l’Inclusion économique, Younes Sekkouri, se sont succédé au lendemain des pourparlers pour vanter leur bilan. En gros, le gouvernement se félicite d’avoir pu augmenter le salaire moyen dans la Fonction publique à 10.100 dirhams contre 8.237 dirhams en 2021. Idem pour le salaire minimum qui atteindra 4500 dirhams au lieu de 3000, soit une augmentation de 50%. Younes Sekkouri s’est réjoui également du fait que le salaire moyen dans le privé soit valorisé de 20%.

 

Dans un contexte où le pouvoir d’achat reste érodé par l’inflation, l’Exécutif vante le bien-fondé de la réforme de l’Impôt sur le revenu qui a permis de mettre 4000 dirhams supplémentaires dans les poches de la majeure partie des salariés, qu’ils soient dans le public ou le privé. Actée le 1er janvier 2025, cette révision a coûté 6 milliards de dirhams de recettes fiscales.

 

Les dossiers en stand-by

 

Maintenant, le gouvernement préfère liquider l’accord social du 29 avril 2024 avant de s’aventurer dans un nouvel engagement. Plusieurs promesses restées en suspens telles que la deuxième tranche de la hausse générale des salaires de 500 dirhams. Celle-ci devrait être actée dès juillet 2025.

 

Bien que le round d’avril n’ait pas débouché sur de nouveaux accords, le gouvernement ne ferme pas la porte quant aux dossiers en stand-by, dont les sujets relatifs au dialogue sectoriel. Santé, éducation, collectivités territoriales… les cahiers revendicatifs des fonctionnaires fusent de toutes parts. La priorité est accordée aux collectivités, dont les 84.000 employés attendent avec impatience leur nouveau statut avec les nombreux avantages qui vont avec. Tout dépend de la prochaine réunion prévue le 13 mai.

 

L’optimisme prudent de l’UGTM !

 

Les syndicats restent exigeants. Ils ont saisi l’occasion de la fête du travail pour défendre leurs revendications. Pour sa part, l’UGTM reste prudemment optimiste par rapport aux autres. Lors d’un meeting à Casablanca, le Secrétaire Général de l’Union Générale des Travailleurs du Maroc (UGTM), Ennaam Mayara, s’est montré optimiste. « L’UGTM fait confiance au dialogue social pour avancer”, a-t-il déclaré. Cet optimisme n’empêche pas le syndicat istiqlalien de rester fermement attaché à son cahier revendicatif, explique Youssef Allakouch, membre du Bureau exécutif de l’UGTM, dans une déclaration à «L’Opinion».

 

Réforme des retraites : Nizar Baraka rassure

 

Tous les dossiers demeurent facilement gérables comparés à l’épineuse réforme des retraites, que le gouvernement redoute le plus. Le Secrétaire Général du Parti de l’Istiqlal, Nizar Baraka, a essayé de donner de la visibilité aux syndicats lors du rassemblement de l’UGTM à l’occasion de la fête du travail. Il s’est déclaré favorable à une réforme préservant les acquis des salariés. Face aux militants venus nombreux, il a rappelé la détermination du gouvernement à entamer cette réforme qui, selon lui, ne doit pas se limiter à un ajustement paramétrique.

 

Le leader de l’Istiqlal a assuré que les composantes de l’Exécutif veillent à ce que la réforme ne se fasse pas au détriment des acquis de la classe laborieuse, ajoutant que le gouvernement cherche un accord global avec les centrales syndicales, qui fasse l’unanimité. A cet égard, M. Baraka a réitéré l’engagement du Parti de l’Istiqlal à défendre le pouvoir d’achat des salariés.

 

Le gouvernement et les partenaires sociaux sont convenus de relancer la commission mixte chargée de la réforme des retraites pour entamer ce chantier dans le cadre d’une approche participative. Des questions épineuses restent à trancher, à savoir le relèvement prévu de l’âge légal de départ à la retraite, qui devrait être, selon les estimations, porté à 65 ans. Ce qui ne fait pas l’unanimité, surtout au sein du front syndical. Aussi, le niveau des pensions et des cotisations reste à trancher.

 

 

Trois questions à Youssef Allakouch

 

“Les classes laborieuses pâtissent toujours de l’inflation“

 

-Que retenez-vous de la session d’avril qui n’a finalement pas abouti à un nouvel accord social avec le gouvernement ?

 

Nous avons été clairs dès le début. Le dialogue social est si important pour avancer qu’il faut qu’il soit ininterrompu. Raison pour laquelle nous avions mis en garde le gouvernement contre la suspension de la session de septembre. L’heure est aujourd’hui au bilan pour faire le point sur ce qui a été fait et les carences à combler. Nous menons ce débat avec sincérité et franchise avec nos militants. Il est indispensable de les tenir informés de l’évolution de notre cahier revendicatif.

 

-Quelles sont les revendications sur lesquelles vous êtes intransigeants ?

 

Aujourd’hui, il va sans dire que la classe laborieuse pâtit de l’inflation qui érode son pouvoir d’achat quoiqu’en on dise. Il faut donc des solutions. Le gouvernement n’a d’autres choix que de remédier à cette situation avec des améliorations des revenus des travailleurs, que ce soit dans le secteur public ou privé. N’oublions pas aussi les droits des retraités qui ont plus que jamais besoin d’une revalorisation conséquente de leurs pensions. L’Exécutif doit aussi en urgence sortir les statuts des catégories professionnelles dans le cadre du dialogue sectoriel. Il s’agit de vieilles revendications qu’il est temps de concrétiser. Aussi, nous insistons sur le salaire minimum qui, de notre point de vue, doit être au même niveau dans les secteurs agricole et industriel. L’écart actuel n’est plus justifiable.

 

L’UGTM dit faire confiance au dialogue social pour avancer. Qu’est-ce qui vous rend si optimiste ?

 

Nous sommes toujours optimistes. N’empêche que nous revendiquons toujours une véritable institutionnalisation du dialogue, qui soit de nature à produire souvent des compromis pour tous les acteurs concernés, notamment la classe laborieuse. Aujourd’hui, la classe moyenne est censée être au cœur du programme gouvernemental. Seul le dialogue social permet de préserver les acquis sociaux des travailleurs.

 

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