Le Maroc reconnu par le PNUD : l’heure d’une IA alignée avec nos valeurs

Le Rapport sur le développement humain 2025 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) consacre une avancée majeure : le Maroc rejoint la catégorie des pays à développement humain élevé. Ce changement de statut est à la fois une reconnaissance et un signal d’alerte. Il souligne les efforts du Royaume dans l’accès à l’éducation, à la santé et à l’innovation. Mais il pointe aussi les nouveaux défis, en particulier ceux liés à l’émergence rapide de l’intelligence artificielle (IA), et plus récemment de l’IA générative.

L’IA comme levier de consolidation du développement humain

Dans un monde où les technologies façonnent les trajectoires sociales et économiques, l’IA n’est pas un luxe, mais une nécessité stratégique. Le Maroc, en se hissant à un niveau de développement humain plus avancé, ne peut ignorer l’importance d’une politique publique ambitieuse, systémique et inclusive en matière d’IA.

Voici les principales recommandations que je formule pour consolider durablement la position du Maroc dans le classement du PNUD, en s’appuyant sur l’intelligence artificielle :

1. Instaurer une souveraineté numérique réelle, en développant un écosystème marocain de l’IA : des données marocaines, hébergées localement, analysées et valorisées par des solutions conçues au Maroc, pour les Marocains.
2. Renforcer l’éducation à l’IA à tous les niveaux : introduire dès le collège une culture numérique critique, former les enseignants, créer des filières interdisciplinaires en IA dans les universités, et développer des plateformes marocaines d’apprentissage intelligent.
3. Déployer l’IA dans les services publics, notamment dans la santé, l’agriculture, l’éducation et la justice, en veillant à ce que ces technologies augmentent les capacités humaines sans exclure les plus vulnérables.
4. Fonder une gouvernance éthique de l’IA, en s’appuyant sur un cadre juridique national, une charte d’usage responsable, et une instance indépendante rassemblant chercheurs, institutions, société civile et secteur privé.
5. Stimuler une recherche appliquée sur l’IA, associant sciences exactes et sciences humaines, afin de concevoir des solutions enracinées dans les réalités sociales, culturelles et linguistiques du pays.

L’IA générative : un défi culturel à relever

Le rapport du PNUD souligne avec justesse un point critique : l’IA générative, telle qu’elle est conçue aujourd’hui, est profondément marquée par les cultures, valeurs et imaginaires des pays du Nord. Elle risque, si elle est adoptée sans filtre, de produire des effets de décalage culturel, d’incompréhension, voire d’aliénation.

Mais le Maroc n’est pas un simple utilisateur passif. Il est pleinement conscient de cette tension culturelle, et il dispose de toutes les ressources humaines, scientifiques et techniques pour la dépasser. Notre pays compte déjà des experts, des laboratoires, des ingénieurs, des linguistes et des entrepreneurs capables de concevoir et produire des modèles de langage marocains – des LLM (Large Language Models) souverains.

Ces modèles doivent répondre à plusieurs critères essentiels :

– Intégrer les langues marocaines : arabe classique, darija, amazighe dans ses variantes (tachelhit, tamazight, tarifit), et le français dans ses usages marocains.
– Représenter les valeurs culturelles marocaines : respect, solidarité, hospitalité, pluralité.
– Être entraînés sur des corpus locaux, incluant la littérature, les médias, les données administratives, les productions scientifiques et culturelles marocaines.

Vers une IA marocaine de confiance

Le Maroc a désormais une occasion historique : faire de l’intelligence artificielle un pilier de son développement humain. Cela implique un effort de convergence : entre la recherche et l’innovation, entre l’État et les territoires, entre les savoirs techniques et les réalités sociales. Ce n’est qu’à ce prix que l’IA pourra devenir un levier de progrès partagé, un moteur d’inclusion et un facteur de souveraineté.

L’ambition est claire : concevoir une IA qui parle notre langue, qui comprend notre culture, et qui porte notre vision du progrès. Une IA enracinée, éthique et utile. Une IA marocaine.

* Dr. Az-Eddine Bennani est ingénieur en informatique, titulaire d’un MBA de Chicago, docteur en sciences économiques de la Sorbonne, et expert en management stratégique, gouvernance digitale et intelligence artificielle. Avec plus de 40 ans d’expérience en France, au Maroc et à l’international, il a été ingénieur système, consultant et manager chez Hewlett-Packard en France, en Europe et au MEA, a été professeur-chercheur à La Sorbonne Universités/UTC et à NEOMA Business School, et est actuellement professeur associé à l’Université Al Akhawayn.
 

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