Maroc : La Couverture Santé Universelle, socle d’un État social moderne porté par une vision stratégique royale

Le 1er janvier 2023, le Royaume du Maroc a lancé l’un des plus ambitieux chantiers de transformation sociale de son histoire contemporaine : la mise en œuvre effective de la Couverture Santé Universelle (CSU). Porté par une volonté politique ferme et une vision royale éclairée, ce chantier structurant constitue un levier majeur dans l’édification d’un État social moderne, résilient et équitable, plaçant la santé au cœur de son modèle de développement humain.

Ce tournant stratégique illustre une convergence réussie entre les impératifs de justice sociale, d’efficience économique et de durabilité systémique. Il répond également aux engagements internationaux du Maroc, notamment en matière d’Objectifs de Développement Durable (ODD), en particulier l’objectif 3.8 des Nations Unies visant à assurer une couverture sanitaire universelle.
 
Une couverture quasi universelle en moins
de deux ans : un tournant historique
Selon les données actualisées de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), plus de 31,8 millions de citoyens marocains bénéficiaient d’une couverture médicale active à fin 2024, soit environ 86,5 % de la population totale. En 2019, ce taux n’excédait pas 62 %, marquant ainsi une progression exceptionnelle de plus de 24 points en cinq ans.

Cette avancée résulte d’une refondation systémique articulée autour de deux piliers majeurs :

L’élargissement de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) à l’ensemble des actifs, notamment les travailleurs non-salariés (TNS), les agriculteurs, commerçants, artisans, auto-entrepreneurs et professions libérales, représentant un vivier de plus de 6 millions de nouveaux assurés ; L’intégration des populations vulnérables, auparavant couvertes par le Régime d’Assistance Médicale (RAMED), soit plus de 11 millions de personnes, désormais intégrées au régime contributif, avec prise en charge des cotisations par l’État à travers le Fonds de Cohésion Sociale.

 
Soutenabilité et investissement : une mobilisatio
 budgétaire à forte intensité sociale
La réussite de la CSU repose sur une architecture financière robuste, pensée pour garantir la soutenabilité à long terme du système. L’État consacre 14 milliards de dirhams par an (environ 1,4 milliard d’euros) au financement des cotisations des citoyens en situation de précarité.

Dans cette dynamique, le budget du ministère de la Santé et de la Protection sociale a été porté à 30,7 milliards de dirhams en 2024, en hausse de 9,1 % par rapport à 2023. Cette enveloppe permet de soutenir plusieurs chantiers stratégiques :

La réhabilitation de 1 400 établissements de soins de santé primaires (ESSP), essentiels pour la première ligne de soins ; La construction et l’équipement de nouveaux Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) dans les régions sous-dotées ; La généralisation du Système d’Information Hospitalier National (SIHN), garant de l’interopérabilité des données médicales ; Le déploiement des Unités Médicales Mobiles Connectées et l’essor de la télémédecine, ayant déjà permis la prise en charge de plus de 265 000 patients à distance.

Ces investissements traduisent une double ambition : améliorer l’accessibilité territoriale aux soins tout en optimisant la performance globale du système.
 
Infrastructures, capital humain, transition numérique :
les leviers de transformation structurelle
La généralisation de la CSU ne se limite pas à un élargissement du périmètre assurantiel. Elle engage une restructuration en profondeur de l’offre de soins, combinant réformes infrastructurelles, montée en compétence des ressources humaines et innovations technologiques.

Réduction des disparités territoriales

Le plan d’investissement met un accent particulier sur les zones rurales et périurbaines, historiquement sous-desservies. La rénovation du maillage hospitalier vise à traduire le droit à la santé en un accès effectif et équitable aux soins.

Renforcement du capital humain médical

Le Royaume ambitionne de former 12 000 médecins supplémentaires d’ici 2030, pour atteindre le seuil recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (4,45 professionnels de santé pour 1 000 habitants). Or, le rythme actuel, estimé à 3 500 diplômés par an, reste insuffisant. Cela appelle des réformes profondes de l’enseignement supérieur médical, notamment en matière de capacités d’accueil, de qualité pédagogique et d’incitations à l’installation en zones défavorisées.

Transformation digitale du système de santé

La généralisation du Dossier Médical Partagé (DMP) et la dématérialisation intégrale des processus d’affiliation, de remboursement et de pilotage assurés par la CNSS marquent un saut qualitatif vers un écosystème de santé plus intelligent, traçable et efficient.
 

Défis persistants : inclusion effective
et soutenabilité opérationnelle
Malgré les avancées considérables enregistrées, plusieurs défis structurels demeurent :

Suspension des droits : Près de 8,5 millions de personnes se trouvent en situation de « droits fermés », souvent en raison de défaillances administratives ou de retards de paiement, en particulier parmi les TNS. Cette réalité fragilise l’universalité réelle de la couverture. Fardeau financier des ménages : Les dépenses directes de santé supportées par les ménages représentent encore près de 49 % du total, selon la Banque mondiale, un taux largement supérieur au seuil de 25 % recommandé par l’OMS pour prévenir le renoncement aux soins. Pérennité du modèle : La viabilité financière de la CSU dépend fortement de la qualité des mécanismes de recouvrement, de la lutte contre la fraude, de la fiabilité des données sociales, et de la simplification des démarches d’affiliation.

 
Gouvernance éclairée et partenariats internationaux :
vers un modèle intégré et souverain
Le succès de la CSU repose sur un leadership visionnaire, incarné par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui a élevé la santé au rang de pilier stratégique du développement national. La réforme bénéficie d’un accompagnement institutionnel multisectoriel, fondé sur une approche participative et une gouvernance renouvelée.

Les principaux axes structurants de cette modernisation sont :

Une gouvernance hospitalière repensée, fondée sur la performance, la transparence et la redevabilité ; Le déploiement de la médecine de famille, vecteur clé de proximité, de prévention et de continuité des soins ; Des concertations régulières avec les ordres professionnels, les syndicats, les mutuelles et les représentants des usagers ; Des partenariats techniques et financiers internationaux (OMS, Banque mondiale, UNICEF, etc.), apportant appui technologique, expertise réglementaire et financement ciblé.

 
Ce maillage stratégique permet au Maroc d’asseoir sa souveraineté sanitaire tout en s’alignant sur les meilleures pratiques mondiales.
 
Conclusion : Un modèle de protection
sociale à vocation transformatrice
La généralisation de la Couverture Santé Universelle au Maroc ne constitue pas uniquement un jalon institutionnel ; elle incarne une réforme civilisationnelle majeure, inscrite dans une vision holistique du développement humain. Elle fait de la santé non plus un privilège, mais un droit effectif, garanti à l’ensemble de la population.

À l’heure où les systèmes de santé dans le monde sont soumis à des tensions croissantes, vieillissement démographique, émergence de pathologies chroniques, chocs sanitaires globaux, le modèle marocain offre une réponse audacieuse, pragmatique et profondément humaniste aux défis contemporains.

S’il parvient à relever les défis opérationnels en suspens, le Royaume pourrait faire émerger un modèle innovant de protection sociale universelle, susceptible d’inspirer nombre de pays émergents en quête d’équité sanitaire et de cohésion sociale.

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