Le ministre de l’Enseignement supérieur a, récemment, annoncé la préparation d’une réforme du cycle de Master, visant à revoir les modalités d’accès actuelles afin de permettre à chaque étudiant d’y accéder sans conditions strictes. Si cette mesure fait le bonheur de nombreux étudiants, elle suscite, en revanche, de vives inquiétudes au sein du corps professoral.
En réaction au scandale de vente de diplômes à la faculté Ibn Zohr d’Agadir, El Midaoui a annoncé la préparation d’une réforme du cycle de Master, visant à revoir le mode d’accès actuel afin de fluidifier le circuit et les conditions pour tout Lauréat qui le souhaite. Il y voit, également, une mesure pour allonger la durée des études supérieures, souvent limitée à 21 ans.
Dans le détail, il s’agit de mettre en place de Masters « généraux » ou de continuité, ouverts à tous les titulaires d’une licence, sans sélection stricte, en plus de Masters d’excellence ou spécialisés, accessibles sur sélection, mais sans concours.
Depuis son annonce, la décision du ministre peine à rallier les suffrages et a même déclenché une vive polémique sur l’avenir du cycle de Master, jusqu’alors réservé, en principe, aux profils les plus méritants. Le débat suscité porte tout particulièrement sur les conditions optimales de mise en œuvre de cette vision, inspirée du modèle français, au sein de l’Université marocaine.
Pour eux, l’élargissement de l’accès des Lauréats au Master risque d’entraîner le phénomène de surpeuplement, déjà bien présent dans le cycle de licence au sein des Universités à accès ouvert, mais dont le Master était jusqu’à présent relativement épargné grâce à des conditions de sélection strictes.
En réalité, ce phénomène n’épargne pas non plus les parcours d’excellence en licence, qui exigent un minimum de 100 étudiants et peuvent en accueillir jusqu’à 300, un effectif qui, selon Pr Jalal, compromet tant l’apprentissage que l’enseignement, tant il devient difficile de gérer un tel nombre d’étudiants dans une même salle.
Outre cette problématique, nos interlocuteurs s’accordent à dire que tous les titulaires d’une licence ne sont nécessairement pas aptes à intégrer un Master, en raison de la qualité inégale de la formation dispensée en premier cycle, mais aussi de l’implication variable des étudiants eux-mêmes dans leur apprentissage.
Quel avenir pour les diplômés ?
Selon son analyse, le marché reste saturé, et ce, même à l’horizon de deux ou trois générations. Ce qui rend incertaine la capacité du pays à accueillir les Lauréats issus d’une telle réforme si celle-ci venait à être appliquée.
En outre, il pense qu’une réforme mal préparée risquerait de porter un coup fatal à un enseignement supérieur déjà fragilisé par un manque chronique de ressources humaines et matérielles, tout en aggravant le chômage parmi les diplômés.
Enfin, notre interviewé affiche de sérieux doutes quant à la capacité de cette mesure à éradiquer la corruption à l’Université. D’après lui, la réforme est celle initiée en concertation étroite avec le corps professoral, qu’il considère comme les véritables connaisseurs des réalités du terrain universitaire au Maroc.
Le Master apour vocation, par nature, de différencier les profils en leur offrant un cadre optimal pour développer leurs compétences. Garantir un accès automatique au Master sans exigences claires ni critères rigoureux risque, au contraire, de dégrader les conditions d’apprentissage. Autrement dit, les lacunes déjà constatées dans le cycle de licence risquent d’être reproduites, voire amplifiées, au niveau du Master, compromettant ainsi la qualité de la formation et le niveau des diplômés.
L’Université marocaine est-elle prête pour ce changement majeur ? L’Université marocaine n’est, à ce jour, pas préparée à garantir un accès ouvert au cycle de master. Une telle mesure pourrait s’avérer catastrophique pour un système d’enseignement déjà fragilisé par de nombreux dysfonctionnements, notamment le manque de ressources humaines et matérielles. Par ailleurs, tous les étudiants ne disposent pas nécessairement des prérequis académiques pour accéder au Master. D’où la nécessité de renforcer la qualité de la formation en premier cycle, en rehaussant le niveau d’exigence.
Comment assurer l’accès des étudiants au Master ? Nous avons plaidé depuis longtemps pour l’élargissement de l’accès au Master, notamment, en abaissant légèrement le seuil des exigences, afin de permettre à un plus grand nombre d’étudiants d’y accéder. Plutôt que de limiter l’accès à une seule promotion par Master, nous proposons d’ouvrir deux promotions parallèles, ce qui offrirait à chaque étudiant motivé la possibilité de poursuivre son parcours universitaire au-delà de 21 ans.