Dans un contexte de relance post-Covid et de montée des exigences des voyageurs internationaux, le Maroc franchit un cap stratégique en investissant près de 148 millions de dirhams dans la modernisation de son système de classification hôtelière. Ce chantier, piloté par la Société Marocaine d’Ingénierie Touristique (SMIT) en coordination avec le ministère du Tourisme, ambitionne d’aligner les standards marocains sur les meilleures pratiques mondiales. Mohamed SAOUTI, président de l’Association Régionale de l’Industrie Hôtelière Casablanca-Settat, partage son analyse et les implications de cette réforme pour les professionnels du secteur.
Que représente pour vous cette refonte du système de classification hôtelière ?
Mohamed SAOUTI : C’est une réforme structurante et très attendue par l’ensemble de la profession. Elle marque un tournant décisif dans l’évolution de notre industrie. Le précédent système avait montré ses limites en matière de lisibilité et d’adéquation avec les standards internationaux. La nouvelle approche, basée sur une évaluation rigoureuse et objective — notamment à travers les fameuses visites mystères — apporte une crédibilité nouvelle à notre offre hôtelière. Elle va nous permettre de mieux répondre aux attentes des clients et de renforcer la compétitivité de notre destination.
Quels en seront, selon vous, les impacts concrets sur les établissements hôteliers ?
Cette réforme pousse à une remise à niveau globale des établissements. Elle impose un respect strict des critères obligatoires à 100 %, tout en stimulant l’amélioration continue à travers les critères complémentaires (à satisfaire à hauteur de 70 % minimum). Cela va obliger les hôtels à investir dans la qualité des prestations, la formation du personnel, l’expérience client et même dans la gestion des réclamations. À terme, seuls les établissements réellement performants pourront prétendre à un classement valorisant. C’est une saine émulation.
La région Casablanca-Settat est-elle prête à relever ce défi ?
Absolument. Notre région regorge de potentiel, mais nous devons encore structurer davantage notre offre. Cette réforme va justement nous aider à identifier les points de faiblesse, à les corriger, et à mieux positionner Casablanca-Settat comme une destination affaires et loisirs de référence. Nous, en tant qu’association régionale, sommes pleinement engagés à accompagner nos membres pour qu’ils anticipent les audits, comprennent les nouvelles grilles d’évaluation, et opèrent les ajustements nécessaires.
Comment percevez-vous l’usage des « visites mystères » comme méthode d’audit ?
C’est une innovation de taille. Les visites mystères garantissent une évaluation neutre, anonyme et représentative de l’expérience réelle vécue par les clients. Cela met fin aux évaluations subjectives ou complaisantes. Pour nous, hôteliers, c’est un outil d’amélioration continue précieux. Il ne s’agit pas de sanctionner mais de progresser. Cette objectivité est essentielle pour redonner du sens au classement, et par ricochet, restaurer la confiance des clients — marocains comme étrangers.
Ce système s’appliquera aussi aux maisons d’hôtes, riads et résidences touristiques. Est-ce une bonne chose ?
C’est indispensable. Le tourisme marocain ne se limite pas à l’hôtellerie classique. Nos riads, kasbahs et maisons d’hôtes sont au cœur de l’authenticité marocaine, mais leur qualité varie énormément. Cette classification harmonisée permettra de valoriser les structures d’exception, tout en incitant les autres à se conformer à un standard minimum. Cela renforce l’image globale de la destination Maroc.
Le Maroc vise 26 millions de touristes à l’horizon 2030. Cette réforme est-elle à la hauteur de ces ambitions ?
C’est un pré-requis essentiel. Pour accueillir 26 millions de touristes dans de bonnes conditions, il ne suffit pas d’augmenter la capacité hôtelière. Il faut garantir une qualité homogène, rassurante et conforme aux attentes d’une clientèle internationale de plus en plus exigeante. Cette réforme va dans ce sens. Elle ancre une culture de l’excellence et de la transparence, qui sont aujourd’hui les leviers clés d’attractivité.
Un mot de conclusion ?
Je salue l’engagement du ministère du Tourisme et de la SMIT dans ce chantier. Il est ambitieux, mais il est nécessaire. L’avenir du tourisme marocain passe par la montée en gamme, la professionnalisation, et la différenciation qualitative. Nous, professionnels, devons jouer notre rôle pleinement et faire de cette réforme un levier de transformation positive pour l’ensemble du secteur.
Mohamed LOKHNATI
NPM/ Mohamed SAOUTI, président de l’Association Régionale de l’Industrie Hôtelière Casablanca Settat