À 40 kilomètres au nord de Dakhla, un port en eau profonde prend forme, symbole d’un tournant stratégique pour les provinces du Sud. Conçu pour connecter le Maroc au Sahel et au reste de l’Afrique de l’Ouest, ce mégaprojet redéfinit les équilibres logistiques et industriels du continent. Plus qu’un port, un levier d’intégration continentale.
Situé à une quarantaine de kilomètres au nord de Dakhla, dans la commune rurale d’El Argoub, le site est aujourd’hui en pleine métamorphose. Le chantier avance à un rythme soutenu : les travaux affichent un taux de réalisation de 40 % et le port commence déjà à imposer sa silhouette dans le paysage.
Le projet est d’envergure. Il s’étend sur une superficie globale de 1 650 hectares et comprend trois bassins distincts : l’un dédié au commerce et au trafic de conteneurs, un second à la pêche côtière et hauturière, et un troisième à la réparation navale. Un pont maritime long de 1,3 kilomètre reliera la plateforme à la terre ferme.
À terme, le port devrait atteindre une capacité de 35 millions de tonnes de marchandises par an, dont un million d’EVP. Un volume qui le placera parmi les ports les plus importants du Royaume.
Plus de 1 700 ouvriers et ingénieurs s’activent quotidiennement sur le chantier. Le pic devrait être atteint avec près de 2 500 emplois mobilisés dans la phase la plus intense des travaux. Ce chantier, audelà de ses aspects techniques, sert aussi de levier pour la formation et le transfert de compétences, notamment à travers l’implication de jeunes techniciens et ingénieurs marocains issus des écoles nationales.
Dakhla Atlantique n’est pas qu’un port, c’est un complexe intégré, pensé comme une locomotive de développement industriel. La zone arrière-portuaire, qui s’étendra sur plus de 2 600 hectares, accueillera une zone industrielle généraliste, une zone logistique, un pôle de compétitivité pour les produits de la mer, un pôle de services mutualisés ainsi qu’une zone de devanture. Cette organisation spatiale vise à structurer un écosystème productif capable d’attirer investisseurs, PME et opérateurs logistiques.
L’un des objectifs affichés est de faire émerger un tissu industriel local, en particulier autour de la valorisation des res- sources halieutiques et des activités de transformation. Dakhla, aujourd’hui réputée pour la richesse de ses eaux, pourrait ainsi devenir un centre de traitement et d’exportation de produits de la mer à haute valeur ajoutée, en rupture avec la simple logique d’extraction brute.
Des dispositifs de suivi et d’atténuation de l’impact environnemental sont prévus pendant la phase d’exploitation. Le chantier lui-même a fait l’objet d’études approfondies pour préserver la biodiversité marine et limiter les risques d’érosion. Cette orientation écologique n’est pas cosmétique : elle s’inscrit dans une volonté plus large de faire des grands projets structurants des vitrines du Maroc durable, en phase avec les engagements climatiques du Royaume.
Le port ambitionne de devenir une porte d’entrée du continent africain vers l’Europe et l’Amérique, consolidant ainsi le rôle du Maroc comme hub logistique et énergétique régional. Il contribuera également à l’opérationnalisation de la ZLECAf, en facilitant la circulation des biens et des services entre les pays africains. Dakhla Atlantique se positionne ainsi comme un jalon essentiel dans les corridors Sud–Sud, capable d’absorber une partie des flux commerciaux transafricains qui, jusqu’à présent, dépendent largement de ports situés hors du continent.
La géopolitique de la façade atlantique en Afrique est en pleine reconfiguration. L’instabilité dans certaines zones du Golfe de Guinée, la pression sur les ports traditionnels d’Afrique de l’Ouest et la compétition pour les nouvelles routes logistiques font émerger de nouveaux besoins.
Le port de Dakhla Atlantique arrive à point nommé pour répondre à ces transformations, en offrant une alternative moderne, sécurisée, connectée, et appuyée par un État stable. Ce positionnement géostratégique est d’autant plus fort que le Maroc renforce également ses liens avec des pays comme le Nigeria, dans le cadre du projet de gazoduc Afrique-Atlantique. Le port pourrait ainsi devenir l’une des têtes de pont de cette infrastructure énergétique majeure.
Mais l’essentiel est ailleurs : dans la capacité du projet à restructurer en profondeur le tissu économique régional, à attirer l’investissement privé, à fixer les jeunes sur leur territoire et à faire émerger, au sud du Royaume, une nouvelle centralité productive.
L’impact attendu ne se mesurera pas uniquement en tonnes de marchandises ou en mètres de quai, mais en emplois pérennes, en PME créées, en revenus générés localement et en capacités nouvelles pour l’économie marocaine.
À terme, Dakhla Atlantique pourrait transformer durablement l’économie du sud marocain, non seulement en générant de l’emploi et en renforçant les exportations, mais aussi en ancrant le Royaume dans les dynamiques régionales les plus porteuses.
Ce port n’est pas un point sur une carte. Il est une déclaration de souveraineté, un pari sur l’avenir et un instrument de projection continentale. À mesure que les blocs de béton s’empilent et que les grues dessinent l’horizon, c’est une géographie nouvelle qui se met en place. Une géographie où Dakhla ne sera plus un point d’aboutissement, mais un point de départ.