Il y a des déclarations qui rassurent, d’autres qui engagent, et puis celles qui changent la donne. L’appui explicite du Royaume-Uni à la marocanité du Sahara s’inscrit sans conteste dans cette dernière catégorie. À l’heure où le Maroc déploie sa vision atlantique, ce soutien renforce la légitimité de son action dans la région et consolide son positionnement comme acteur central d’une Afrique atlantique intégrée.
Ce soutien britannique intervient dans un contexte où le Maroc projette sa diplomatie au-delà des postures classiques, en misant sur une intégration continentale ancrée dans l’espace atlantique. L’Initiative Royale pour l’Atlantique, lancée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, vissa à faire de la façade atlantique africaine un levier de coopération Sud-Sud, d’ouverture économique et de désenclavement stratégique, notamment pour les pays sahéliens enclavés. En plaçant le Sahara au cœur de cette dynamique, le Maroc redéfinit les équilibres géopolitiques de la région, en transformant son littoral atlantique en pôle d’échange, d’énergie et d’influence. Dans cette optique, le partenariat maroco-britannique dépasse le cadre bilatéral pour s’inscrire dans une lecture plus large des rapports entre puissances globales et l’Afrique émergente. L’engagement de Londres à soutenir la souveraineté du Maroc sur son Sahara ouvre ainsi la voie à une coopération plus profonde dans les domaines de la connectivité énergétique, des infrastructures portuaires, de la sécurité maritime et du co-développement régional (autant d’axes stratégiques au cœur de la diplomatie atlantique du Royaume).
La nouvelle position britannique a été formulée de manière explicite, sans la moindre place pour l’interprétation, contrairement à ce qui s’est passé avec les États-Unis sous Biden. Il s’agit même, selon le Financial Times, d’une reconnaissance pure et simple de la marocanité du Sahara. Le quotidien londonien y voit une décision pragmatique qui s’inscrit dans le “réalisme progressif ” de la politique étrangère britannique.
Car oui, le gouvernement britannique reconnaît l’importance de la question du Sahara pour le Maroc et estime que le conflit n’a que trop duré. D’où la nécessité de trouver rapidement une solution, à la veille du 50ème anniversaire de ce différend. Il en va de “la stabilité de l’Afrique du Nord et de l’intégration régionale”. Le Royaume-Uni s’engage désormais à agir en conséquence, que ce soit sur le plan bilatéral ou multilatéral, conformément à cette nouvelle position. Pour les Britanniques, pragmatiques par tradition, le statu quo n’est plus tenable, ni sur le plan sécuritaire ni pour le développement régional. Et la solution ne viendra pas d’une chimère séparatiste déconnectée des réalités géopolitiques du XXIème siècle, mais d’un projet inclusif, modernisateur et conforme au droit international : celui de l’autonomie sous souveraineté marocaine.
Alger a même cherché à travestir les propos de David Lammy, en lui prêtant à tort des déclarations en faveur de l’auto-détermination lors de la conférence de presse. Le ministère algérien des Affaires étrangères a ressassé ses griefs habituels contre le plan d’autonomie marocain, pourtant désormais appuyé par une majorité de la communauté internationale. Il a dénoncé « la vacuité » de cette initiative, la jugeant incapable de constituer une solution sérieuse et crédible au conflit du Sahara.
Mais loin du fiasco algérien, ce virage pro-marocain du Royaume-Uni était attendu de longue date et jugé inévitable. Les observateurs les plus avisés savaient que Londres finirait par suivre l’exemple des États-Unis, la politique étrangère britannique étant traditionnellement alignée sur celle de Washington. Cette décision n’a pas été prise à la légère, puisqu’elle a été longuement concertée avec les autorités marocaines, comme David Lammy l’avait déjà annoncé début avril devant le Parlement de Westminster. Le chef de la diplomatie britannique a ainsi tenu parole. Lorsqu’il était encore dans l’opposition, il avait rencontré Nasser Bourita un an plus tôt et s’était engagé à se rendre au Maroc pour renforcer les liens maroco-britanniques. Engagement tenu !
Finalement, ce sont les travaillistes qui ont pris l’initiative, marquant un point par rapport aux conservateurs qui, bien qu’ils aient manifesté de l’intérêt pour le Maroc – de Boris Johnson à Rishi Sunak –, n’ont pas eu l’audace de franchir le pas.
“Il serait inique de ne pas mentionner le travail de l’ambassade du Maroc à Londres, qui a fait un travail remarquable pour rallier le parti travailliste à la cause marocaine”, souligne une source diplomatique, en référence au Labour Friends of Morocco, un groupe qui regroupe les sympathisants du Maroc au sein de la gauche britannique. Un véritable succès, surtout quand on sait que ce parti n’était pas historiquement proche du Maroc et avait même eu, par le passé, des penchants pro-Polisario.
Londres voit par ailleurs dans le Maroc un fournisseur majeur, tant pour les produits agricoles qui garnissent les rayons des supermarchés britanniques que pour l’énergie verte. D’où le méga-projet de connexion électrique X-Links, qui devrait alimenter 7 millions de foyers britanniques en électricité solaire à partir d’une centrale à Guelmim, via un câble de 3.800 km.
Aujourd’hui, le Royaume-Uni voit grand. Ses regards se portent déjà vers les juteux contrats liés au Mondial que le Maroc s’apprête à lancer. Les Britanniques entendent bien obtenir leur part du gâteau, et vont même plus loin, jusqu’à lorgner sur les opportunités au Sahara. Cette mission sera confiée au bras financier de la diplomatie britannique, UK Export Finance. Une nouvelle page s’ouvre.
J’en cite les infrastructures, le transport ferroviaire, l’infrastructure aéroportuaire et surtout les énergies renouvelables qui constituent, à nos yeux, l’un des secteurs florissants où le Maroc dispose d’un grand potentiel. A cet égard, les entreprises britanniques peuvent apporter leurs expertises pour développer ce secteur au Maroc dans le cadre des projets communs.
Vous avez mentionné avant notre interview que vous cibliez également les investissements dans le secteur de l’eau, peut-on avoir plus de détails ?
Anass MACHLOUKH
Lancée en novembre 2022 lors d’une cérémonie officielle à Rabat, l’Agence britannique a élu domicile à Casablanca. Son rôle consiste à soutenir à travers des crédits à l’export pour des projets communs maroco-britanniques. 51 MMDH ont été initialement mobilisés à cette fin. L’enjeu est de booster un commerce en plein essor. Ce projet est confié à une Marocaine : Meriem Bennani qui en est la représentante officielle. « Les crédits prévoient des maturités de 8 à 18 ans», a-t-elle expliqué dans une interview accordée à « L’Opinion ».
En gros, ce programme offre deux types de financements : le “Credit acheteur” garanti par l’Etat britannique aux projets bénéficiaires tandis que le deuxième, « Direct Lending », est destiné aux projets de développement.