Deux ans après le drame d’Al-Haouz, l’heure est au bilan. Réunie à Rabat le 10 septembre, sous la présidence du chef du gouvernement, la Commission chargée de la réhabilitation des zones sinistrées a dressé un point d’étape sur l’avancement du vaste chantier de reconstruction. Des progrès notables ont été enregistrés, mais ils contrastent parfois avec la réalité vécue sur le terrain. Décryptage.
Malgré les hauts et les bas dans l’acheminement de l’aide, un programme ambitieux de reconstruction et d’aménagement des zones sinistrées a été lancé par le gouvernement, sous les Hautes Instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Ces directives Royales ont posé les bases d’une réponse rapide, structurée et solidaire face aux conséquences de cette tragédie, appelant à une mobilisation générale et à des interventions coordonnées de tous les secteurs concernés.
Dès lors, le gouvernement a enclenché la mise en œuvre d’un vaste chantier axé sur la reconstruction des logements détruits et la réhabilitation des infrastructures endommagées. Pour piloter cette dynamique, la Commission interministérielle chargée du programme de reconstruction a tenu une série de réunions qui ont permis de poser les bases d’un redressement structuré.
À l’ouverture de la réunion, M. Akhannouch a exprimé sa satisfaction quant aux progrès réalisés, soulignant la mobilisation continue des acteurs concernés et la gouvernance rigoureuse qui a marqué la mise en œuvre du programme, selon un communiqué du Département du chef du gouvernement. Il a souligné que les Hautes Orientations Royales constituent une boussole pour l’action des différents départements gouvernementaux concernés, en vue de concrétiser une mise à niveau globale des infrastructures de base, d’œuvrer pour l’aménagement de l’espace territorial et de contribuer à la promotion de la situation sociale de la population locale, ajoute la même source.
Les résultats annoncés donnent certes de l’espoir, mais les plaintes des sinistrés persistent. L’état d’avancement des travaux de reconstruction et de réhabilitation dans la province a atteint 91,33 %, a précisé Hassan Ighighi, coordinateur du programme de reconstruction des zones sinistrées, dans une déclaration à la MAP. Il a précisé que toutes les tentes installées après le séisme pour héberger les sinistrés ont désormais été démontées.
Dans ce même élan, il a indiqué que le taux devrait atteindre 93 % d’ici la fin septembre, puis 96 % dans les deux mois suivants, notant que seuls 4 % des sinistrés n’ont pas encore entamé la reconstruction de leurs habitations. Des chiffres présentés comme un succès, mais qui, sur le terrain, contrastent parfois avec une réalité plus nuancée, marquée par des retards et des situations non résolues. De nombreuses familles n’ont toujours pas entamé la reconstruction de leurs habitations, malgré la réception de la première tranche d’aide, et continuent de réclamer un accompagnement. À cela s’ajoutent les retards liés aux opérations préalables aux chantiers. Selon Mohamed Fahmi, président de la Reach Out Foundation, de nombreuses familles souffrent encore car le système de recensement a présenté des failles, laissant plusieurs sinistrés en marge du dispositif d’aide.
Cette réunion a également permis de mettre en lumière les avancées réalisées au niveau de l’ensemble des axes du programme. Ainsi, dans le secteur de l’équipement, les travaux de mise à niveau des 4 tronçons de la route nationale N°7 connaissent une progression allant de 35% à 80% pour un budget de 665 millions de dirhams, en plus de 118 km de routes en cours de construction.
Parallèlement, dans le domaine de l’eau, les efforts se sont concentrés sur l’amélioration de l’accès à l’eau potable pour les populations rurales. Les projets de raccordement au réseau de distribution d’eau dans les provinces d’Al-Haouz, Azilal, Chichaoua, Ouarzazate et Taroudant ont ainsi progressé de manière significative, avec un taux d’avancement de 52%.
La réunion a par ailleurs permis de faire le point sur l’avancement de l’opération de soutien et d’accompagnement des commerçants en vue de la construction et de la réhabilitation de leurs points de vente, opération qui a bénéficié à 1610 commerçants.
Malgré l’ampleur des aides déployées et les efforts officiels engagés dans la reconstruction, de nombreux sinistrés vivent encore dans des conditions précaires. La Coordination nationale des victimes du séisme alerte sur la situation de centaines de familles qui, deux ans après la catastrophe, survivent toujours sous des tentes en plastique usées, dans un environnement marqué par l’insalubrité et l’abandon. Si le bilan global offre des raisons d’espérer, il rappelle aussi l’importance de ne pas oublier ceux qui restent en marge de la relance. C’est un appel à la solidarité et à la mémoire collective, pour continuer à soutenir ces familles bien au-delà de l’urgence.
En complément, quatre stations photovoltaïques ont été installées, vingt latrines et douches construites, et plus de 4.000 ménages qui ont reçu une aide alimentaire. Une assistance à la reconstruction est également en cours. À ce jour, près de 30.000 personnes ont bénéficié des services de Reach Out Foundation, dont 22.250 en 2024.
Quels sont aujourd’hui les principaux défis qui subsistent dans les zones les plus isolées ?
La relance économique est également urgente, car de nombreuses personnes ont perdu leur emploi ou leurs activités agricoles et d’élevage. Il est aussi crucial de sauvegarder l’identité des territoires à travers la préservation des habitats vernaculaires, véritable levier pour l’éco-tourisme. Le réaménagement des sentiers et des pistes rurales est nécessaire pour améliorer l’accessibilité et renforcer le tourisme de nature.
Pourquoi de nombreuses familles sinistrées déclarent-elles encore vivre dans la précarité malgré le bilan positif du gouvernement ?
Dans un communiqué publié récemment, la Coordination a alerté sur une réalité préoccupante, des milliers de foyers attendent toujours le versement des indemnités promises, tandis que des dossiers légitimes seraient systématiquement écartés. Face à ces rejets, des familles entières ont été contraintes de quitter leurs villages natals pour s’installer en ville, aggravant ainsi leur précarité sociale et économique.
Par ailleurs, lorsque les aides arrivent, elles se limitent souvent à des réparations partielles, forçant de nombreux sinistrés à contracter des dettes lourdes pour achever des constructions laissées incomplètes. Cette situation révèle que, malgré les avancées officielles, la route vers une reconstruction véritable et équitable reste semée d’embûches pour ceux qui ont tout perdu.