Quand le mariage devient une prison : Il y a de quoi perdre la raison

Selon l’OMS, 1 femme sur 3 subit une forme de violence psychologique ou physique dans le couple. Au Maroc, les études du HCP montrent que plus de 50 % des femmes déclarent avoir subi au moins un acte de violence conjugale (physique, psychologique ou économique). Les violences psychologiques restent les plus fréquentes et les moins visibles. Pour comprendre ce phénomène une interview avec une psychiatre, Dr Nada LAHLOU.

Dr A. CHERKAOUI : Le mariage est censé être un refuge, comment peut-il se transformer en prison ?
 

Dr Nada LAHLOU : Normalement, le mariage repose sur l’amour, le respect et la confiance.
Mais dans certains cas, il se transforme en un espace de domination.
L’un des conjoints impose son contrôle sur l’autre, décidant de tout : finances, relations sociales, choix de carrière.
Les critiques, les humiliations et l’intrusion dans l’intimité deviennent alors un quotidien étouffant.

Dr A. CHERKAOUI : Quel rôle joue l’isolement dans ce processus ?

Dr N. LAHLOU : L’isolement est une arme redoutable.
Le conjoint toxique limite les contacts avec la famille et les amis, décourage les activités sociales et crée une dépendance affective et matérielle.
Peu à peu, la victime se sent seule et sans appui extérieur.

Dr A. CHERKAOUI : Dans certains milieux sociaux on utilise souvent le terme de “gaslighting”, qu’est-ce que c’est exactement ?

Dr N. LAHLOU : C’est une technique de manipulation qui pousse la victime à douter de ses propres perceptions et de sa mémoire.
Résultat : confusion, perte de confiance en soi et culpabilité.
La personne a l’impression de “devenir folle”.

Dr A. CHERKAOUI : Pourquoi parle-t-on de “cycle d’abus et de séduction” ?

Dr N. LAHLOU : Parce que le conjoint toxique alterne les phases de critique et de punition avec des moments de séduction. Cela crée une illusion d’espoir, mais entretient un cercle vicieux : peur → soulagement → nouvelle domination.
La victime est piégée émotionnellement.

Dr A. CHERKAOUI : Quelles sont les conséquences psychologiques sur la victime ?

Dr N. LAHLOU : Elles sont profondes : stress chronique, insomnie, hypervigilance, perte d’estime de soi, confusion mentale, dépression. Certaines personnes se dissocient émotionnellement pour survivre, se coupant de leurs émotions pour se protéger.

Dr A. CHERKAOUI : Comment commencer à se libérer d’un mariage toxique ?

Dr N. LAHLOU : La première étape est de se reconnecter avec la réalité : documenter les faits dans un journal, parler à des personnes de confiance ou à un thérapeute.
C’est essentiel pour valider ses perceptions et ne plus se sentir coupable.

Dr A. CHERKAOUI : Que faire pour préserver son énergie émotionnelle ?

Dr N. LAHLOU : Créer des moments de solitude sécurisés, éviter les réactions impulsives, poser des limites claires et refuser d’entrer dans des débats inutiles.
Ces gestes aident à reprendre le contrôle sur sa vie intérieure.

Dr A. CHERKAOUI : L’entourage peut-il aider ?

Dr N. LAHLOU : Oui, un réseau de soutien est vital. Amis, famille, groupes de victimes ou thérapeutes permettent de rompre l’isolement et d’éviter la confusion.
Partager son vécu est une étape de reconstruction.

Dr A. CHERKAOUI : Et si la situation devient dangereuse ?

Dr N. LAHLOU : Il faut alors planifier sa sécurité et envisager des stratégies de sortie.
Avoir un plan concret qui rassure le cerveau et diminue le stress.

Dr A. CHERKAOUI : Quel message souhaitez-vous transmettre en conclusion ?

Dr N. LAHLOU : Reconnaître la toxicité, poser des limites, chercher du soutien et planifier son avenir sont les clés pour se libérer.
Ce n’est pas un signe de faiblesse de demander de l’aide. Au contraire, c’est un acte de survie et de courage pour retrouver sa santé mentale et reprendre le contrôle de sa vie.

 

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