Le mouvement GenZ est le reflet d’une colère contre la piètre qualité des services publics. Ceci est du à l’inefficacité de l’investissement public, selon l’économiste Youssef Guerraoui Filali, qui estime que malgré l’amélioration de la croissance, ses fruits restent mal répartis géographiquement et socialement. Entretien.
La particularité de ce mouvement est qu’il porte des revendications purement sociales liées aux secteurs vitaux notamment l’éducation et la santé. Malheureusement, nous vivons aujourd’hui un paradoxe. Les fruits de la croissance sont mal répartis que ce soit au niveau géographique ou social. Nous avons une bonne croissance qui a atteint 5,5% au deuxième trimestre de cette année. Mais les disparités sont énormes et les services publics en deçà des attentes. Je crois personnellement que la dynamique d’investissement que connaît le Maroc dans le foulée de l’organisation de la Coupe du Monde 2030 doit se répercuter positivement sur le vécu et le quotidien des citoyens. C’est ça le message des revendications exprimées lors des manifestations. Maintenant, les enseignements à tirer sont clairs. Il faut qu’on travaille en urgence sur les services publics de qualité avec une meilleure gouvernance. D’où l’importance d’un travail d’écoute et de proximité auprès des citoyens. Il faut leur prouver comment les investissements que mène le Royaume depuis des années puissent améliorer leur quotidien surtout dans les secteurs sociaux. Ce travail incombe au gouvernement.
Il va falloir travailler davantage sur la gouvernance. Le problème est à mes yeux plus qualitatif que quantitatif. N’oublions pas que les recettes fiscales ont explosé lors des dix dernières années. Nous sommes à 300 milliards de dirhams avec une hausse de 25% à fin juillet 2025. Les ressources sont là. Le gouvernement dispose de tous les leviers avec une majorité confortable au Parlement qui lui permet d’agir et faire passer rapidement les réformes. Or, force est de constater que les dépenses engagées dans l’investissement public ne donnent pas tous les effets escomptés. Des sommes énormes ont été investies avec des hausses considérables dans les budgets et l’éducation et de la santé sans qu’il y ait une amélioration ressentie dans les services publics. Cela pose un problème d’efficacité de l’usage des ressources de l’Etat.
-Aujourd’hui on essaie de construire un Etat social, mais les résultats ne sont pas encore au rendez-vous. Qu’est ce qui explique aujourd’hui qu’on ne puisse pas palper les effets de chantier sur le terrain ?
Je pense qu’il y a de nombreux défis. Il est urgent de rationaliser l’efficacité de l’attribution des aides sociales pour qu’elles soient orientées vers ceux qui le méritent. L’aide sociale n’est pas une fin en soi, il ne faut qu’elle soit pérenne. Il faut plutôt penser à l’inclusion économique pour que les gens soient autonomes financièrement à travers des activités génératrices de revenus.
Il en va de leur dignité. L’objectif est que les citoyens soient productifs. En principe, la solidarité n’est qu’un tremplin et une phase transitoire. Deuxième point. Il y a encore des lacunes dans l’assurance maladie universelle qui n’est pas encore achevée en termes de couverture et de remboursement pour raisons liées notamment à la gouvernance des régimes de sécurité sociale.