Crise du système de santé : Les annonces d’Amine Tahraoui pour sortir de l’impasse

Après dix jours de manifestations du mouvement « GenZ212”, le ministre de la Santé, Amine Tahraoui, est intervenu sur 2M pour défendre sa vision d’un système de santé plus équitable. Entre réforme du financement, encadrement du privé et relance de la souveraineté pharmaceutique, son discours marque un tournant dans la communication gouvernementale.

L’apparition du ministre, le 6 octobre 2026, n’était pas anodine. Après dix jours de manifestations du collectif “GenZ212”, qui ont mis en lumière le malaise d’une jeunesse désabusée par l’état des services publics, Amine Tahraoui a choisi la transparence médiatique. “La santé est un droit, pas un privilège”, a-t-il rappelé d’entrée, tout en reconnaissant “des failles structurelles accumulées depuis des décennies”. Pour beaucoup de jeunes manifestants, les longues files d’attente dans les hôpitaux, le manque de personnel et la cherté des soins symbolisent la rupture du contrat social. En réponse, le ministre a insisté sur la nécessité d’un “nouveau pacte public-privé”, fondé sur une redistribution plus juste des incitations et une meilleure complémentarité entre les deux secteurs.

Au centre de la polémique : ses récentes déclarations sur la suspension supposée du soutien public aux cliniques privées. Le ministre a tenu à rectifier : “Nous n’avons pas arrêté l’investissement privé dans la santé, mais simplement demandé de suspendre l’examen de sept projets de subventions, le temps de revoir les critères d’éligibilité”. Cette précision intervient après la réaction de l’Association Nationale des Cliniques Privées (ANCP), qui affirmait n’avoir “jamais bénéficié d’aides publiques”. Tahraoui a réaffirmé que certaines structures profitent indirectement du financement public via le régime d’assurance maladie obligatoire (AMO), notamment “AMO-Tadamon”, pris en charge par l’État pour les ménages vulnérables.

“Le secteur privé n’est pas un ennemi, mais il doit redevenir un partenaire responsable”, a-t-il souligné, expliquant que la prolifération des cliniques à proximité des hôpitaux universitaires, attirant leurs médecins et leurs patients, “affaiblit le système public et creuse les inégalités territoriales”.
 

Repenser la carte sanitaire et les incitations
 
Selon le ministre, le Maroc ne peut plus encourager “une logique d’investissement guidée uniquement par la rentabilité”. Désormais, les incitations publiques seront conditionnées à l’implantation d’infrastructures dans les régions à faible densité médicale, notamment le Moyen Atlas, le Sud et les provinces de l’Oriental.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la région de Casablanca-Settat concentre près d’un cinquième des médecins du pays, quand certaines zones rurales n’en comptent que quelques dizaines pour des centaines de milliers d’habitants, selon les données du ministère. Cette fracture territoriale nourrit la frustration des jeunes et alimente la défiance envers les politiques publiques.

Tahraoui a également évoqué la révision du modèle de partenariat public-privé, en y intégrant des critères sociaux : “Nous voulons des investisseurs qui contribuent à la justice sanitaire, pas seulement à la rentabilité médicale”.

Le chantier des ressources humaines
 
Conscient que le déficit en personnel médical demeure le talon d’Achille du système, le ministre a présenté un bilan encourageant : la mise en œuvre, depuis 2025, d’un plan d’urgence pour accélérer l’affectation des médecins spécialistes. “Depuis le début de l’année 2025, un plan d’urgence est mis en œuvre pour accélérer le rythme des affectations, permettant d’élever le nombre de médecins spécialistes intégrés à environ 1.200 en une seule année”, a-t-il annoncé, soit une multiplication par sept du rythme d’intégration. Plus de 95% des nouveaux diplômés ont rejoint leur poste dans les délais, contre moins de 50% auparavant.

Les priorités vont désormais aux zones sous-dotées. À titre d’exemple, 500 nouveaux spécialistes ont été déployés à l’automne 20255 dans 34 provinces, dont Taroudant, Taounate et Ouarzazate. Ces affectations s’appuient sur une cartographie sanitaire actualisée, outil que le ministre considère comme “l’un des leviers de transparence et d’efficacité du nouveau modèle de gouvernance hospitalière”.
 

Une réforme du médicament au cœur du projet
 
Autre dossier sensible : le prix et la disponibilité des médicaments. Tahraoui a reconnu que la souveraineté pharmaceutique reste un objectif lointain, entravé par “l’enchevêtrement d’intérêts entre producteurs locaux, importateurs et pharmaciens”. Depuis 2013, les réformes se sont multipliées sans résultats probants. Le ministère travaille désormais sur un nouveau système de tarification et de gestion des médicaments, reposant sur la concertation entre tous les acteurs. L’enjeu est d’établir un équilibre entre protection du consommateur et viabilité économique des laboratoires nationaux.

“Baisser les prix ne doit pas conduire à tuer l’industrie locale”, a averti le ministre. Il a reconnu que la souveraineté pharmaceutique reste un défi majeur, le Maroc continuant de dépendre largement des importations malgré le développement d’une production locale croissante. Son objectif : réduire cette dépendance, en renforçant la production nationale et en introduisant de nouveaux mécanismes de transparence sur les marges bénéficiaires.
 

Une jeunesse en quête d’équité sociale
 
Si le ministre a adopté un ton mesuré, son discours visait aussi à répondre au malaise exprimé par la jeunesse. Les revendications des manifestants “GenZ212” ne se limitent pas à la santé, mais celle-ci en constitue le symbole le plus tangible : attente interminable, services inégaux, sentiment d’abandon. Tahraoui a reconnu la légitimité de ces frustrations : “Nous ne devons pas seulement réparer des structures, mais restaurer la confiance”. Il a évoqué les chantiers ouverts dans le cadre de la généralisation de la couverture sanitaire, estimant que plus de 23 millions de Marocains sont aujourd’hui bénéficiaires de l’AMO, contre 9 millions avant la réforme.

Mais le ministre a aussi lancé un avertissement : “Les réformes sociales ne peuvent réussir que si chacun joue son rôle. Le citoyen, le médecin, le gestionnaire et l’investisseur doivent être partie prenante du changement”.

Hôpitaux publics : Renfort de 500 médecins spécialistes

Le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Amine Tahraoui, a annoncé que les hôpitaux publics seront renforcés, dès ce mois d’octobre, par l’arrivée de 500 nouveaux médecins spécialistes.

Le ministre a souligné que le secteur de la Santé connaît actuellement «une dynamique sans précédent» en matière de formation et de déploiement des cadres médicaux. «Entre 2019 et 2024, nous formions en moyenne 250 médecins spécialistes par an. En 2025, nous avons fixé un objectif ambitieux : former 300 médecins rien qu’au mois de février», a-t-il indiqué.

Tahraoui a précisé que l’année 2024 avait déjà marqué un tournant, avec 400 médecins spécialistes diplômés en février, portant à environ 700 le nombre total de spécialistes formés entre 2019 et 2024.
 

Le ministre a par ailleurs affirmé que son département poursuivait ses efforts pour combler le déficit de personnel médical, notamment dans les régions où les besoins sont les plus pressants.

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