Un matin de printemps, il y a quelques années, le calme feutré de Bouskoura s’est vu brutalement brisé. Dans une luxueuse villa nichée au cœur de cette banlieue huppée de Casablanca, le corps sans vie d’un ressortissant saoudien a été découvert, gisant dans une mare de sang, au beau milieu du salon. L’homme, habitué à passer ses vacances dans ce havre de paix, venait d’y poser ses valises quelques jours plus tôt.
La scène macabre, révélée par la femme de ménage venue comme à son habitude faire le ménage, a déclenché une onde de choc. Alertés par les cris de la domestique, les voisins ont immédiatement contacté la gendarmerie royale de Bouskoura. Très vite, l’affaire prend une tournure diplomatique : la victime étant un citoyen saoudien, l’ambassade du royaume wahhabite entre en jeu. Une course contre la montre s’engage pour élucider ce crime qui jette une ombre sur la sécurité des ressortissants étrangers au Maroc.
Un crime sans traces… ou presque
Les enquêteurs, accompagnés d’experts en criminalistique et d’un chien pisteur, investissent la villa. Les premières constatations sont sans appel : les lieux ont été fouillés de fond en comble, les placards éventrés, les objets de valeur disparus. Le mobile semble clair : le vol. Mais l’assassin, méthodique, n’a laissé aucune empreinte. Les caméras de surveillance ont été désactivées, et aucun témoin ne semble avoir aperçu quoi que ce soit.
Un détail, pourtant, attire l’attention : l’absence inexpliquée du gardien de la villa, un homme de confiance grassement payé pour veiller sur les lieux. Son silence intrigue. Les soupçons se resserrent.
La valise qui parle
À des kilomètres de là, à la gare d’El Jadida, un jeune homme attire l’attention d’un agent de sécurité. Son allure modeste contraste avec la valise de luxe qu’il traîne derrière lui : une « Samsonite » haut de gamme. Interpellé, il bafouille, hésite, se contredit. L’agent alerte ses supérieurs. Le chef de la police judiciaire locale, Mustafa Ramhane, se rend sur place.
À l’ouverture du bagage, le doute n’est plus permis : des liasses de dirhams, des riyals saoudiens, des dollars, des montres de luxe, un passeport saoudien… et d’autres effets personnels appartenant à la victime. Le suspect craque. Il avoue tout.
Un meurtre prémédité
Le gardien, grisé par l’appât du gain, avait minutieusement planifié son crime. Il connaissait les habitudes de son employeur, savait où étaient dissimulés les objets de valeur. Profitant de la nuit, il s’est introduit dans la chambre du Saoudien, l’a frappé à mort pendant son sommeil, puis a rassemblé ses biens dans la fameuse valise avant de prendre la fuite.
Pensant avoir effacé toute trace, il avait pris soin de porter des gants pour ne laisser aucune empreinte. Mais c’est la vanité – ou l’imprudence – qui l’a trahi. Croyant avoir semé les enquêteurs, il s’est rendu à El Jadida, où le hasard et la vigilance d’un agent ont mis fin à sa cavale.
Justice en marche
Le suspect a été transféré à Bouskoura, où il a été confronté aux preuves accablantes. Il a reconnu les faits, livrant aux enquêteurs le récit glaçant d’un crime prémédité, motivé par l’avidité. Grâce à une simple valise, la justice a pu remonter la piste d’un meurtrier qui pensait avoir tout prévu.
Mohamed LOKHNATI