Sahara : Prémices d’un imminent dénouement [INTÉGRAL]

Les contours du règlement du conflit du Sahara se dessinent aux Nations Unies, où surgissent les premières pages de l’épilogue. Détails.

Le 22 décembre 2022, le Maroc, Israël et les Etats-Unis signent à Rabat une déclaration tripartite historique qui fait basculer le conflit du Sahara dans une trajectoire irréversible. Washington acte officiellement sa reconnaissance de la souveraineté marocaine après le fameux tweet du président Trump. Au fil du temps, le poids de l’Amérique pèse sur la communauté internationale au point d’arriver à 120 pays qui soutiennent le plan d’autonomie.
 
Puis, arrive l’Administration Biden qui se contente d’un soutien timide de la marocanité du Sahara pendant le bref intermède démocrate. Le retour triomphal de Donald Trump à la Maison Blanche change tout.

Le Républicain, qui n’aime pas les conflits gelés, veut aller jusqu’au bout. Il ne cesse de réaffirmer la marocanité du Sahara et charge son conseiller spécial pour l’Afrique et le Moyen Orient, Massad Boulos, de clore le conflit. Ce dernier s’efforce d’inscrire le plan d’autonomie comme unique solution envisageable dans l’agenda des Nations Unies et fait pression sur l’Algérie pour céder à la réalité.
 

Bientôt le consulat américain à Dakhla
 
En parallèle, l’Administration américaine est déterminée à honorer ses dernières promesses, dont le très attendu consulat à Dakhla qui fait partie des principaux engagements de la déclaration tripartite. Massad Boulos a mis fin au doute. Au micro d’Asharq News, il a annoncé que son pays « compte bientôt ouvrir sa représentation consulaire au Sahara marocain », selon son expression. 
 
Cette annonce fait suite à celle du Secrétaire d’État adjoint, Christopher Landau. Lequel a annoncé, quelques jours plus tôt, le feu vert aux investissements américains au Sahara. Les annonces se font dans l’ordre.
 
Pour les Américains, la question est tranchée, contrairement aux illusions dont se berçait l’Algérie qui croyait naïvement qu’elle pouvait soudoyer les Américains par l’accès à son sous-sol. La célèbre phrase de son ambassadeur à Washington, Sabri Boukadoum, “Sky is the limit”, n’aura servi à rien.
 

Washington prépare le terrain à la solution
 
Entre-temps, les choses avancent dans les couloirs de l’ONU où le Conseil de Sécurité s’apprête à voter, le 30 octobre, une Résolution décisive. Celle-ci devrait siffler la fin de la partie et trancher ce conflit vieux de 50 ans, dont tout le monde s’est lassé.
 
 
Le texte s’annonce radicalement différent des précédents, à en croire un avant-projet qui a fuité dans la presse et qui circule abondamment depuis vendredi. Le document est difficilement vérifiable, il prend l’allure d’un draft provisoire que la délégation américaine s’apprêterait à présenter aux membres du Conseil de Sécurité.
 
Avant même d’être officialisé, le texte est violemment critiqué par la presse proche du pouvoir algérien et les relais du Polisario, lui conférant une certaine authenticité. Les bruits courent que l’Algérie serait elle-même derrière cette fuite pour agiter le débat. Le régime algérien nous a habitués à ce genre de magouilles, comme il l’a fait la veille de la reconnaissance française de la marocanité du Sahara.
 
Avant que la décision d’Emmanuel Macron ne soit rendue publique, la diplomatie algérienne, qui était au courant, a publié un communiqué mettant en garde Paris contre les conséquences de son choix, avant de sombrer dans une folie anti-française d’une rare violence. 
 
Quoiqu’il en soit, le document confirme la volonté du Pen Holden de clore ce conflit qui n’a que trop duré. Si tel est le cas, ce serait un tournant historique et la fin d’un dossier qui a longtemps traîné dans les couloirs des Nations Unies. L’autonomie sous souveraineté marocaine y est présentée comme la solution “la plus viable” et l’unique base de négociation. Le texte appelle toutes les parties, dont l’Algérie et la Mauritanie, à participer aux discussions que les Etats-Unis proposent d’abriter. Le schéma rappelle celui des tables rondes organisées de 2018 à 2019 à Genève par l’ancien émissaire onusien, Horst Köhler, sans résultats concrets. Mais cette fois-ci, la situation est complètement différente. La marocanité du Sahara est non-négociable, les négociations, si elles devaient avoir lieu, ne porteraient que sur l’organisation de l’autonomie.
 
Après avoir inlassablement et sans succès tenté de relancer ce schéma, l’actuel envoyé personnel, Staffan de Mistura, pourrait y arriver. Ce dernier, profitant de la dynamique internationale irréversible pour la thèse marocaine et de l’appui américain, va dans ce sens.  Il reconnaît la prééminence de l’initiative marocaine et appelle à des négociations avant la fin de 2025 dans un briefing présenté, le 10 octobre, au Conseil de Sécurité, dont les détails ont été dévoilés par la presse italienne. L’Algérie est clairement pointée du doigt. Elle est sommée de ramener le Polisario à la raison et de le pousser à négocier selon les termes fixés par l’ONU. L’objectif est clair : forcer les parties opposées, notamment l’Algérie et son fils adoptif, à accepter la solution soutenue désormais par la majorité de la communauté internationale.  On sait ce que veut dire négocier sous le parrainage de Donald Trump qui sait bien tordre le bras aux récalcitrants lorsqu’ils se mettent au travers de son chemin vers un accord de paix.
 
 
En somme, l’avant-projet exige une solution dans le cadre de l’autonomie avant l’expiration du mandat de la MINURSO qui devrait être prolongé d’un an supplémentaire, à en croire le document fuité.
 
Les Casques Bleus n’ont déjà plus aucune incidence, leur rôle est plutôt décoratif car ils n’ont plus les moyens nécessaires pour accomplir leur mission depuis que les Etats-Unis ont réduit leurs financements. La situation est telle que la mission onusienne a dû cesser le recrutement de nouveaux agents et limiter son personnel. On parle d’une volonté de la convertir en Mission chargée d’accompagner la mise en place de l’autonomie, mais il s’agit d’une simple hypothèse non confirmée.
 

Un vote à portée de main
 
Jusqu’à présent, nous sommes dans une phase préparatoire, l’avant-projet est loin d’être définitif puisque le porte-plume pourrait l’étoffer ou le modifier légèrement lors des consultations avec les Etats-membres du Conseil de Sécurité du 28 au 29 octobre. Ces derniers vont évidemment livrer leurs appréciations et leurs propositions d’amendement qui, rappelons-le, ont besoin d’une majorité de neuf voix sans qu’il y ait de véto. La France et le Royaume-Uni soutiennent d’ores et déjà la ligne américaine, tandis que la Russie semble disposée à ne pas faire d’obstruction.
 
Le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, a pu obtenir la neutralité bienveillante de la partie russe lors de son dernier déplacement fructueux à Moscou où il est parvenu à un accord de principe avec son homologue Sergueï Lavrov à l’occasion de la 8ème commission mixte. La signature de l’accord de pêche, si cher aux Russes, corrobore ce compromis. Pour sa part, la Chine reste fidèle à son attitude traditionnelle, sachant que Pékin a voté en faveur des Résolutions précédentes. Parmi les membres non permanents, seule l’Algérie devrait s’opposer au texte, sachant qu’elle a déserté le vote l’année précédente. La diplomatie algérienne est d’ores et déjà impuissante. Quoiqu’elle fasse, ses tentatives d’obstruction seront rejetées par le pen holder. En gros, la majorité du Conseil de Sécurité est favorable au Maroc, le règlement définitif du conflit s’annonce acquis au regard des derniers développements.
 

Trois questions à ​Mohamed Badine El Yattioui : “La vocation des Casques Bleus doit impérativement tenir compte de la souveraineté marocaine”

 

 Le conseiller de Trump ne cesse de rappeler que l’autonomie reste la seule solution envisageable. Quelle conclusion en tirez-vous à la veille de la réunion du Conseil de Sécurité ?

 

–       On voit qu’il y a une forte confirmation de la position américaine telle qu’exprimée par toutes les composantes de l’Administration Trump.  Les Américains, comme les Français et les Britanniques, poussent vers le règlement du conflit sur la base de l’autonomie. Ce qui veut dire  que l’option référendaire est définitivement enterrée et rayée du jargon onusien. Reste maintenant à savoir l’attitude de la Chine et de la Russie lors du vote de la prochaine Résolution du Conseil de Sécurité. Pékin semble déterminé à entériner une solution favorable au Maroc.  

 

 Quelle sera la nature de la MINURSO au cas où son mandat serait prolongé  ?

 

–       Cela dépend de la teneur de la Résolution et les objectifs en termes d’autonomie qui seront assignés à la MINURSO. Si c’est juste pour changer de nom, je ne vois pas l’intérêt d’un ajustement sémantique. Pour qu’elle soit acceptable du point de vue marocain, la vocation des Casques Bleus doit impérativement prendre en considération la souveraineté marocaine sur le Sahara. Donc, il faudrait penser à ces objectifs et à un calendrier précis pour qu’il y ait assez de visibilité. Mais, je crois personnellement qu’on n’a pas besoin de maintenir une mission onusienne quelle qu’elle soit du moment que la majorité écrasante du Conseil de Sécurité est favorable à l’autonomie.

 

Quel sera, à votre avis, le sort de la zone tampon en cas de règlement du conflit ?

 

–       A partir du moment qu’on parvienne à une solution, la zone tampon devrait être restituée au Maroc. C’est un territoire marocain cédé en 1991 dans un contexte particulier pour rendre possible la surveillance du cessez-le-feu. Là, se posera peut-être l’épineuse question de la frontière avec l’Algérie et la présence du Polisario.  D’où la fatalité d’une négociation bilatérale maroco-algérienne pour éviter toute tension ou friction à la frontière et trancher le sort du front.

Russie : Le compromis Lavrov-Bourita
A la veille de la réunion du Conseil de Sécurité, il fallait trancher la question de la Russie qui a longtemps soufflé le chaud et le froid sur sa position concernant le Sahara, d’autant plus que les Russes président le Conseil pendant le mois d’octobre.

 

Le Chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, s’est déplacé, jeudi, à Moscou pour participer aux travaux de la 8ème commission mixte. Il en a profité pour parvenir à un compromis avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, qui a laissé entendre quelques jours plus tôt que son pays ne s’opposerait pas au plan d’autonomie s’il fasse l’objet d’une solution acceptée par toutes les parties. Un changement substantiel dans la position russe.

 

Maintenant, l’enjeu est d’éviter le véto russe. Ce qui semble acquis. La rencontre des deux ministres a été pleine d’annonces. Rabat et Moscou ont déclaré vouloir hisser leurs relations à un niveau supérieur et à des “perspectives plus larges”, ce qui exclut de facto toute initiative hostile de la part des Russes pendant le vote de la prochaine Résolution.

 

Nasser Bourita est parvenu même à arracher un accord de principe à  Sergueï Lavrov.  Ils se sont déclarés d’accord que les solutions “doivent être conformes au droit et aux principes internationaux, et que ces mêmes principes ne peuvent être exploités ou interprétés d’une manière qui entrave l’avancée vers les solutions ». Une façon de rejeter l’usage sournois du principe d’autodétermination à des fins séparatistes.

 

« La Russie est un acteur essentiel dans ce dossier, en tant que membre du Groupe des pays amis et membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU qui en assure actuellement la présidence tournante », a précisé M. Bourita. Les discussions se poursuivront à ce sujet dans les prochains jours.

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