Agriculture : Le Maroc, nouvel acteur incontournable du marché mondial des serres

Alors que le secteur des serres connaît une transformation rapide à l’échelle mondiale, le Maroc s’impose dans l’industrie grâce à une stratégie durable et innovante. Porté par des conditions climatiques favorables et des investissements dans des technologies avancées, le pays enregistre une croissance soutenue de ses exportations, notamment vers l’Europe.

L’industrie mondiale des serres traverse une période de mutation profonde, marquée par une adoption accrue des technologies, une consolidation des marchés et une attention croissante aux enjeux environnementaux. Selon le dernier rapport de Rabobank (banque coopérative internationale d’origine néerlandaise) sur l’état du secteur en 2025, le Maroc émerge comme un acteur clé dans cette transformation, grâce à une stratégie axée sur la durabilité et la diversification de sa production.

Le rapport de Rabobank met en évidence plusieurs tendances clés dans l’industrie des serres. Parmi elles, l’augmentation de la surface de production sous serre à l’échelle mondiale, qui atteint environ 3,72 millions d’hectares. La Chine domine largement ce marché avec une superficie comprise entre 1 et 3,5 millions d’hectares, tandis que l’Europe se distingue par son savoir-faire en matière de serres high-tech. L’Amérique du Nord affiche une progression continue avec une expansion notable des surfaces cultivées sous serre au Canada et aux États-Unis.

Par ailleurs, la consolidation du marché continue, notamment aux Pays-Bas et en Espagne, où les grands producteurs renforcent leur position par des fusions et des acquisitions. Les 10 plus grands producteurs de tomates sous serre aux Pays-Bas représentent désormais plus de la moitié des surfaces cultivées. L’automatisation devient une nécessité pour pallier le manque de main-d’œuvre, tandis que la réduction de l’empreinte carbone s’impose comme un enjeu majeur pour répondre aux nouvelles exigences réglementaires européennes.
 

Le Maroc : Un modèle de croissance durable
 
Dans ce contexte mondial en mutation, le Maroc se distingue par une stratégie offensive et durable. Selon le rapport de Rabobank, le pays a vu ses exportations de tomates croître de manière constante au cours de la dernière décennie, atteignant près de 800.000 tonnes en 2024. De plus, les exportations de concombres ont connu une augmentation spectaculaire ces cinq dernières années, principalement vers l’Espagne et le Royaume-Uni, où les coûts de production espagnols en forte hausse rendent les produits marocains plus compétitifs.

Le succès du Maroc repose sur plusieurs facteurs. D’une part, ses conditions climatiques favorables permettent une production sous serre avec des coûts énergétiques relativement bas. D’autre part, les investissements dans les serres de nouvelle génération, intégrant des systèmes d’irrigation plus efficaces et une meilleure gestion des intrants, ont contribué à améliorer la productivité et la qualité des produits exportés. De plus, les producteurs marocains intègrent progressivement des pratiques de culture plus durables, notamment en réduisant leur dépendance aux pesticides et en optimisant la gestion de l’eau.

Une compétition accrue avec l’Espagne
 
L’essor du Maroc dans le secteur des serres s’est fait au détriment de l’Espagne, qui reste le premier producteur de l’Union Européenne mais dont les parts de marché sont en recul. La compétitivité marocaine est illustrée par l’évolution des prix : en 2018, le coût d’importation des concombres marocains au Royaume-Uni était de 1,17 USD/kg contre 1,14 USD/kg pour les concombres espagnols. En 2023, ces prix sont passés respectivement à 1,45 et 1,79 USD/kg, rendant le Maroc plus attractif sur ce marché.

Toutefois, le succès marocain est confronté à plusieurs défis. L’accès à l’eau, en particulier dans les régions du Souss-Massa, reste une préoccupation majeure. De plus, les conditions climatiques extrêmes, comme la canicule de 2023 qui a atteint 50,4 °C, ont entraîné d’importantes pertes de récolte, notamment pour la tomate.

Par ailleurs, la forte demande de main-d’œuvre saisonnière soulève des questions sur les conditions de travail et la nécessité d’une automatisation accrue, suivant l’exemple des Pays-Bas et du Canada, où la robotisation des récoltes devient un enjeu central.
 

Vers une diversification de la production
 
Pour asseoir sa position sur le marché mondial, le Maroc cherche à diversifier sa production sous serre au-delà de la tomate. Le rapport de Rabobank souligne que le pays explore de nouvelles cultures telles que les poivrons, les courgettes et les fraises, répondant ainsi à une demande croissante en Europe et au Moyen-Orient. Les producteurs marocains cherchent également à se positionner sur le segment des produits premium, destinés à des marchés haut de gamme, comme le font les producteurs australiens avec leurs cultures sous serre high-tech.

En parallèle, l’accent est mis sur la durabilité. La pression croissante des consommateurs et des réglementations environnementales pousse les producteurs marocains à adopter des pratiques plus écologiques, telles que l’utilisation d’énergies renouvelables et le recyclage des eaux d’irrigation. Le modèle de production durable mis en place par le Maroc pourrait ainsi devenir une référence pour d’autres pays émergents dans le secteur des serres.

Le Maroc est en passe de devenir un leader incontournable de la production sous serre, capitalisant sur ses atouts naturels, sa stratégie d’investissement et sa compétitivité accrue sur les marchés internationaux. Toutefois, pour pérenniser cette dynamique, il lui faudra continuer à innover et répondre aux défis climatiques et environnementaux.

Le rapport de Rabobank rappelle que l’avenir de l’industrie des serres repose sur la capacité des producteurs à conjuguer productivité et durabilité. Le Maroc semble avoir pris la mesure de cet enjeu et pourrait bien devenir un modèle pour les autres pays en développement souhaitant s’imposer sur ce marché en pleine mutation.

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