Aït Baâmrane : Un soulèvement emblématique dans la quête de l’indépendance

Le soulèvement des Aït Baâmrane en 1957 incarne un tournant décisif dans la résistance contre le colon espagnol. Rétrospective d’une révolte héroïque qui marqua l’Histoire du Maroc.

Le 23 novembre 1957, les tribus d’Aït Baâmrane, enracinées dans le Sud du Maroc, se sont soulevées contre la domination coloniale espagnole. Située dans le Sud-Ouest du Royaume, cette région semi-désertique devint le théâtre d’une rébellion qui marquera un tournant décisif dans l’Histoire du Royaume. Soutenues par un esprit patriotique grandissant, les tribus décidèrent de résister à l’occupant, transformant ce soulèvement en un défi direct au colonialisme et un moment charnière dans la lutte pour l’indépendance.

Ce soulèvement, alimenté par des tensions croissantes entre les forces coloniales et les populations marocaines, est également un écho des revendications du Parti de l’Istiqlal, qui a toujours milité pour l’autodétermination du pays. Les combats, marqués par des stratégies astucieuses, témoignent d’une résistance farouche, prête à tout sacrifier pour l’Indépendance. A l’époque, les Espagnols, bien qu’ayant installé leur autorité dans le Sud du Maroc depuis plusieurs décennies, peinaient à sécuriser cette région stratégique, riche en ressources et en routes commerciales. Mais au-delà de l’aspect militaire, il y avait une colère profondément ancrée contre un système qui avait dépossédé les habitants de leurs terres et de leur culture.

Cette année-là, plus précisément ce mois de novembre, alors que l’Espagne semblait avoir réussi à contrôler plusieurs parties du territoire, les Aït Baâmrane, ces gardiens des traditions et des montagnes, ont décidé d’écrire la fin de l’ingérence dans leurs tribus. De leurs montagnes d’Argana et de leurs vallées perdues dans l’immensité du Sud, ils se sont soulevés en masse. Les soldats espagnols, qui n’avaient jamais imaginé un tel défi venant de ces tribus réputées pour leur résistance tacite, furent rapidement déconcertés par la vivacité et l’ingéniosité des attaques. Ce n’était pas simplement des coups de feu vers le ciel, mais une déferlante de symboles : un refus radical du joug colonial, un appel à la liberté qui allait mettre à mal la quiétude de l’empire espagnol.

Qu’on se le dise : les techniques de combat de ces hommes étaient rudimentaires mais redoutables. Ils se cachaient dans les montagnes escarpées, dans les grottes, dans les oueds asséchés, pour déstabiliser les troupes coloniales. L’odeur de la poussière, du sable et des herbes de la région se mêlait à celle du cuir des chameaux et du métal des armes, formant un cocktail sensoriel que l’occupant n’était pas prêt à décoder.
 

Une rébellion héroïque
Comme l’écrivait la presse nationaliste de l’époque, notamment Al-Alam, organe du Parti de l’Istiqlal, « Les peuples de la région, les Aït Baâmrane en tête, n’ont pas seulement pris les armes, ils ont repris leur dignité ». L’appel à la résistance ne se limitait pas à un simple refus de l’occupation, mais à un projet plus grand : celui d’un Maroc souverain, uni dans sa diversité ethnique et culturelle.

La lutte ne s’arrêta pas à ce seul acte. Elle s’intensifia lorsque, dans les semaines suivantes, la rébellion des Aït Baâmrane se répandit dans d’autres régions du Sud. Les forces espagnoles, dépassées par la rapidité et la ténacité de l’attaque, envoyèrent des renforts.

Au fil des mois, la résistance des Aït Baâmrane est devenue un symbole fort pour tout le Maroc. À Rabat et Casablanca, les journaux arabophones ont repris leur histoire en appelant à l’unité nationale contre l’occupant. Un autre titre important de la presse nationaliste, notre frère de plume Al Alam notait que « le courage des Aït Baâmrane représente l’esprit de la liberté, le symbole de la résistance marocaine ».

Derrière la ligne de front, les Aït Baâmrane ne se contentaient pas de combattre. Ils soutenaient également ceux qui étaient derrière eux. Les femmes, souvent réduites à des rôles secondaires dans l’Histoire de la résistance, jouèrent un rôle crucial : elles soignaient les blessés, ravitaillaient les combattants en nourriture et en eau, et préparaient les embuscades dans les vallées encaissées. Les enfants, quant à eux, grandissaient avec les récits des anciens, nourris dès leur plus jeune âge par l’esprit de résistance. Il ne s’agissait pas seulement de combattre pour la liberté, mais de la vivre, de la transmettre, de l’incarner.

Les affrontements durèrent plusieurs mois, mais les événements d’Aït Baâmrane marquèrent un tournant décisif. Bien que l’Espagne ait réussi à mater la rébellion par la force, le mouvement des tribus du Sud a laissé une empreinte indélébile dans la conscience collective marocaine. Ce fut un cri d’espoir dans une lutte sans merci pour l’indépendance, un exemple de résistance populaire contre un oppresseur qui ne pouvait plus ignorer la détermination du peuple marocain.

De ce fait, les Aït Baâmrane sont devenus des héros de l’Histoire nationale, leur bravoure inscrite dans la mémoire collective, tout comme leur sacrifice pour une cause plus grande qu’eux-mêmes : l’indépendance du Maroc.

Actualité : Commémoration d’une résistance acharnée contre l’envahisseur
Tout récemment, le Haut-commissariat aux anciens résistants et aux anciens membres de l’armée de libération a organisé à Sidi Ifni, une rencontre marquant le 67ème anniversaire du soulèvement des tribus Aït Baâmrane.

Cet événement s’inscrit également dans le cadre du 68ème anniversaire du début des premières opérations militaires de l’armée de libération dans le Sud du Royaume. Il constitue ainsi un moment clé de notre Histoire, symbolisant la lutte inlassable pour la liberté, l’indépendance et l’unité territoriale du pays.

Le Haut-commissaire aux anciens résistants et anciens membres de l’armée de libération, Mustafa El Ktiri, a indiqué, à cette occasion, que le 67ème anniversaire du soulèvement des tribus Aït Baâmrane constitue une étape historique marquante dans le processus de lutte nationale pour la réalisation de l’indépendance nationale et la défense des valeurs sacrées du Royaume.

M. El Ktiri a mis en exergue la bravoure des Aït Baâmrane, leur fidélité aux liens d’allégeance au glorieux Trône alaouite et leur attachement aux constantes religieuses et nationales, en dépit des campagnes d’oppression lancées par les autorités coloniales contre ces tribus, rappelant les étapes du soulèvement des tribus Aït Baâmrane, ainsi que les épopées héroïques que ces tribus ont menées au cours de la lutte nationale.

Il a rappelé dans ce contexte les positions courageuses des populations de cette région lorsque les autorités du protectorat ont exilé le héros de la libération et de l’indépendance, feu SM Mohammed V ainsi que Son illustre famille, mettant l’accent sur la forte participation des populations de Sidi Ifni au soulèvement du 23 novembre 1957, infligeant aux forces de l’occupation de lourdes pertes en vies humaines et en matériel, en particulier lors des batailles de Boursas, Bizri et Sidi Ifni.

Faits marquants : Une victoire forgée dans la poussière du désert
La victoire des Aït Baâmrane, qui semble surgir des confins du temps, résonne encore dans les mémoires collectives comme un cri sauvage de liberté et de fierté. Ce n’était pas simplement une victoire militaire, mais une défaite cuisante pour un empire colonial qui, bien que maître d’un territoire vaste et imposant, n’avait jamais imaginé que ces montagnes arides et ces vallées perdues pouvaient donner naissance à une rébellion aussi déterminée. La victoire était avant tout celle d’un peuple, un peuple qui, du fond de ses montagnes, portait la flamme d’un Maroc uni et libre.

Ce mois-là, lorsque les Aït Baâmrane remportent leur premier grand affrontement contre les troupes coloniales, c’est bien plus qu’un simple revers infligé à l’occupant. C’est un bouleversement profond, une remise en question totale de l’ordre colonial. Al-Alam, dans un élan de jubilation, décrivait ce soulèvement comme « un exemple éclatant de la résistance populaire », saluant l’esprit indomptable des tribus qui, en un geste audacieux et spectaculaire, parvenaient à faire vaciller l’une des puissances coloniales les plus redoutées de l’époque. Ces mots, gravés dans l’Histoire, étaient le reflet de l’admiration sans bornes pour ces combattants aux visages marqués par la poussière et l’angoisse, mais aussi par une détermination sans égale. La presse nationaliste arabe, dans ses pages ferventes, n’hésitait pas à rappeler que cette victoire ne se limitait pas à une victoire militaire car elle incarnait un acte symbolique, une victoire du peuple contre l’injustice, un coup porté au cœur du colonialisme qui, jusqu’alors, avait cru pouvoir écraser toute forme de résistance.

Et pourtant, derrière cette victoire, il y avait un prix à payer. Le sol des montagnes d’Aït Baâmrane, désormais couvert de sang et de cendres, restait le témoin d’une lutte acharnée où chaque victoire, chaque prise de terrain, portait en elle la promesse d’une nouvelle épreuve, d’un sacrifice encore plus grand.

Les mois qui suivirent furent une confirmation que ce soulèvement avait non seulement ébranlé l’occupant, mais qu’il avait aussi ravivé la flamme de la résistance dans tout le pays. C’était un cri d’espoir, un souffle de liberté qui s’élevait des montagnes pour embrasser tout le Royaume, unissant le Maroc autour d’un rêve commun, celui de l’indépendance. Et ainsi, Aït Baâmrane ne fut pas qu’un simple lieu géographique, mais un symbole d’une résistance collective, d’un peuple prêt à se battre jusqu’au dernier souffle pour la liberté et l’unité.

Nationalisme : Aït Youssi, Aït Baâmrane, des frères de lutte
À l’instar de l’histoire des Aït Baâmrane, écrite avec bravoure et marquée par un courage inébranlable, celle des Aït Youssi, tribu du Sud marocain, s’inscrit aussi dans les annales de la résistance contre le colonialisme espagnol et français. Située dans les montagnes du Moyen Atlas, cette tribu a dû faire face à l’occupant qui cherchait à étendre son emprise sur les terres marocaines. Mais les Aït Youssi ont fait de chaque mètre carré de leur territoire une forteresse, un terrain d’affrontement et de résistance.

Leur résistance a pris forme dès les premières incursions françaises. Armés de détermination et de connaissances profondes du terrain, les Aït Youssi ont combattu à la fois en utilisant la guerre de harcèlement et en s’appuyant sur une organisation tribale forte. Les montagnards, qui maîtrisaient les chemins escarpés, les grottes et les recoins inaccessibles de la région, ont su transformer ces lieux en des points stratégiques pour mener des attaques éclairs contre les colonisateurs, et ce, sur plusieurs années.

Le soutien à la cause de l’indépendance se renforça au sein de la tribu, et les Aït Youssi, comme d’autres tribus voisines, s’impliquèrent de manière croissante dans les révoltes plus larges du Sud du Maroc. 

Les batailles menées par les Aït Youssi dans les années 1940 et 1950 témoignent d’une résilience à toute épreuve. À chaque offensive coloniale, les résistants de la tribu revenaient avec des tactiques de guérilla plus sophistiquées, transformant leur terre en un terrain d’usure pour l’occupant. La tribu des Aït Youssi a, donc, su démontrer à travers ces épreuves qu’elle était prête à sacrifier son existence même pour préserver son autonomie et son identité face à l’injustice coloniale.

Libération : Les Oulad Dlim flambeau d’une rébellion victorieuse
Comme les Aït Baâmrane, les Oulad Dlim se sont farouchement dressés contre l’occupant colonial, et ce, dès les incursions françaises datant de 1912. Ces tribus se situant dans la région de Dakhla-Oued Ed-Dahab ont, dès lors, senti la menace grandissante de la domination étrangère.

Leurs affrontements étaient des manières de montrer leur résistance, et dans les rues raides de leur village, ces hommes se dissimulaient dans les montagnes, se camouflant avec l’environnement, prêts à attaquer de façon inattendue les troupes coloniales. Chaque attaque, chaque raid était une danse dans le sable et la roche, un enchevêtrement de vies humaines et de l’environnement rude qui les entourait. Ils utilisaient le terrain montagneux à leur avantage, lançant des attaques rapides puis se repliant dans les grottes et vallées inaccessibles.

Les Oulad Dlim ne luttaient pas seulement avec des armes. Leur résistance reposait sur la solidarité tribale, une force intangible qui faisait l’unité du peuple marocain face à un colon qui se pensait invincible. Lors des grands combats de 1933 et 1934, la tribu infligea des pertes considérables aux forces françaises. Ces dernières, incapables de briser la détermination des Oulad Dlim, finirent par adopter une stratégie de répression féroce : brûler les récoltes, détruire les maisons, mais cela n’éteignit pas la flamme de la révolte.

Ainsi, la résistance des Oulad Dlim est restée un symbole d’héroïsme national, une lutte incessante qui participa à l’usure de l’armée coloniale, et qui, bien que n’ayant pas débouché sur une victoire immédiate, contribua à affaiblir l’emprise coloniale, ouvrant ainsi la voie à d’autres tribus pour prendre part à la guerre de libération.

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