Le démantèlement de la cellule de Had Soualem montre à quel point le déplacement de Daech à Sahel constitue une sérieuse menace au Maroc où les groupes terroristes recourent plus à l’embrigadement familial après avoir longtemps parié sur les loups solitaires. Attentat déjoué, opération d’intervention, nouvelles tendances terroristes, le Directeur général du BCIJ et le patron de la DGSN ont livré des détails inédits. Détails.
Selon les deux responsables, la cellule était sur le point de passer à l’acte après avoir atteint une phase très avancée dans la préparation de l’attentat. Les personnes arrêtées ont photographié les endroits ciblés et tracé les itinéraires de fuite une fois l’attentat exécuté. La cellule est composée de quatre individus, dont trois frères. Ils partagent tous un faible niveau d’instruction. Pendant la planification de leur attentat, ils prenaient soin, par précaution, que leurs proches soient absents afin d’éviter tout témoin ou éventuel soupçon.
Avec cette cellule démantelée, 600 personnes impliquées dans des activités terroristes sont arrêtées depuis 2016.
Concernant le choix de Had Soualem comme base de planification de l’attentat, Boubker Sabik a expliqué que les cellules terroristes opèrent de plus en plus souvent dans les zones périphériques loin des pôles urbains pour rester à l’abri du regard des services sécuritaires.
L’ampleur des moyens engagés est justifiée par les craintes d’une riposte des membres de la cellule qui auraient été décidés à affronter le commando en cas d’assaut, selon les renseignements recueillis par la DGST. Par conséquent, il fallait scrupuleusement respecter le protocole de sécurité des forces spéciales en déployant tous les moyens envisageables afin de protéger la vie des agents et officiers engagés. Le protocole d’intervention, a rappelé M. Sabik, dépend du degré de menace de la cellule.
Concernant le scepticisme qui accompagné cette opération, dont la véracité a été remise en cause par quelques internautes sur les réseaux sociaux. “Qu’auraient dit les sceptiques s’il y avait eu attentat?, s’est demandé le patron du BCIJ Cherkaoui Habboub, qui a mis en garde contre les théories complotistes. Il s’agit d’une propagande destinée à intimider les services sécuritaires, a ajouté sur ce point Boubker Sabik.
L’embrigadement familial : la nouvelle tendance !
La cellule de Had Soualem est le reflet d’une nouvelle tendance terroriste en plein épanouissement : l’embrigadement familial. Selon le patron du BCIJ, l’extrémisme intégriste se propage aujourd’hui au sein des familles. Cela dit, le recrutement familial devient l’un des facteurs de radicalisation et un mode d’emploi de prédilection pour les groupes terroristes qui, par le passé, privilégiaient traditionnellement les loups solitaires. C’est un phénomène structurel.
À présent, les organisations terroristes s’adaptent en permanence et encourageant les personnes radicalisées à passer individuellement et rapidement à l’acte sans avoir recours à leur supervision opérationnelle. Les mineurs et les adolescents demeurent une proie facile et plus ciblée que jamais.
Les membres de la cellule de Had Soualem ont publiquement prêté allégeance à Daech au Sahel dont ils compteraient rejoindre les camps s’il avaient réussi à perpétrer leur attentat. Cherkaoui Habboub a mis en garde contre la menace du Sahel qui est devenu un nouvel épicentre de l’organisation terroriste après son déclin au Moyen orient notamment en Syrie et en Irak. La menace est telle que de nombreux combattants rejoignent les groups installés dans cette région où la faiblesse des Etats favorise l’enracinement du terrorisme. Preuve en est que 130 djihadistes marocains combattants ont rejoint des groupes terroristes au Sahel depuis 2022, selon les chiffres dévoilés par Boubker Sabik, qui a rappelé que 40 cellules en relation avec des groupes actifs au Sahel ont été démantelées.
Aujourd’hui, les services marocains ont désormais la conviction que Daech est durablement installé au Sahel. “Daech a disparu seulement dans les foyers traditionnels mais s’est déplacé maintenant dans d’autres zones moins contrôlées, a souligné M. Habboub, ajoutant que la propagande terroriste reste aussi forte que par le passé.