À Ahlaf, les agriculteurs reprennent espoir grâce aux pluies de mars qui ont transformé une saison morose en récolte prometteuse. Détails.
Nous sommes dans la commune rurale d’Ahlaf, à une trentaine de kilomètres au sud de Benslimane. Sous un soleil de juillet encore tempéré, les champs prennent une teinte dorée, annonçant des récoltes plus généreuses que les années précédentes. Ici, comme dans d’autres douars environnants, les pluies abondantes de mars dernier ont bouleversé le cours de la saison agricole. Après plusieurs campagnes marquées par la sécheresse et des rendements décevants, ce sursaut météorologique a été accueilli comme une bénédiction.
Abdelkader, la soixantaine, agriculteur depuis l’adolescence, scrute ses parcelles d’orge avec un mélange de satisfaction et de lucidité. « C’est la première fois depuis 2020 que je vois mes champs reverdir ainsi. En mars, on a reçu plus de 200 mm en quelques jours. Ça a sauvé les semis tardifs, surtout les céréales et les fèves. On n’y croyait plus », confie-t-il en jetant un regard vers son fils, resté au tracteur. Abdelkader explique que ces pluies ont non seulement permis une croissance correcte des cultures, mais ont aussi ravivé les pâturages : « Avant, je dépensais jusqu’à 800 dirhams par mois pour acheter de la paille. Cette année, mes brebis trouvent de quoi brouter dans les collines voisines», affirme-t-il.
Un peu plus loin, dans une petite ferme partagée avec ses deux frères, Ismail, 27 ans, encore novice dans le métier, confirme : « Pour nous, jeunes agriculteurs, cette saison nous a redonné confiance. On pensait abandonner le terrain à cause des charges et de la sécheresse, mais là, on va pouvoir au moins récupérer notre mise».
Ce jeune homme a récemment intégré un programme de formation financé par l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) et le ministère de l’Agriculture, orienté vers l’agriculture durable et la gestion des ressources en eau. « On nous a expliqué comment optimiser l’irrigation, diversifier les cultures, et surtout comment surveiller la santé des sols. C’est motivant, on se sent moins seuls», détaille-t-il.
Sur le plan structurel, les autorités provinciales ne sont pas restées inactives. Le ministère de l’Équipement et de l’Eau a accéléré les travaux de curage des seguias (petits canaux d’irrigation traditionnels), et plusieurs projets de retenues collinaires ont été relancés pour mieux capter les eaux de pluie. Le barrage d’El Gara, en aval de la zone, a vu son niveau remonter légèrement, de 22 % à 29 %, selon les derniers chiffres. C’est une évolution modeste mais bienvenue. En parallèle, les directions régionales de l’agriculture ont distribué des semences adaptées à la sécheresse et déployé un programme de semis direct sur plus de 5 000 hectares dans la région, notamment dans les communes d’Oulad Yahya Louta et de Charrat.
Malgré tout, la prudence reste de mise. Les anciens, comme Abdelkader, rappellent que la situation reste fragile : « Une saison ne fait pas le printemps. Si l’automne est sec, on retournera à zéro. » Mais pour l’heure, les terres respirent, les silos se remplissent, et l’espoir, lui aussi, a germé.
Houda BELABD
La saison actuelle pourrait si bien marquer le début d’un renouveau agricole et humain plus profond pour la région. Portée par les dernières pluies salvatrices, Ahlaf, en l’occurrence, et la région Casablanca-Settat, en général, ont l’opportunité de repenser et de bâtir un modèle rural résilient. L’élan observé dans ces champs reverdis, les visages rassérénés et l’engagement des jeunes agriculteurs, témoigne d’un potentiel bien réel que seule une vision concertée et structurée peut consolider. L’avenir, qui sait, pourrait si bien s’écrire autour d’une agriculture régénérative, connectée aux réalités climatiques et économiques, mais aussi d’un monde rural mieux équipé, mieux formé et mieux valorisé.