Casablanca – Bouchentouf : Le cauchemar des effondrements a la peau dure

À Bouchentouf, la peur d’un nouvel effondrement persiste, malgré des mesures encore trop timides des autorités.


En ce mois si ensoleillé, les habitants du quartier Bouchentouf savent qu’ils vivent au bord d’un précipice. La raison : un effondrement est toujours possible dans ce « quartier-vitrine » de la Métropole. Le dernier incident remonte à octobre 2024, lorsqu’une bâtisse abandonnée de la rue Tadla s’était partiellement écroulée, abîmant une voiture stationnée à proximité. Ce jour-là, grâce à une évacuation anticipée, aucune victime n’a été recensée. Mais dans les ruelles de ce quartier ancien de Casablanca, le calme apparent cache une tension sourde : rien n’a réellement changé.

Entre les murs décrépis, les toitures fragilisées par les années et l’humidité permanente issue du marché voisin, la menace est partout : « Nous vivons dans le doute et l’incertitude et nous n’avons pas où aller», confie Amina, 42 ans, locataire d’un appartement mitoyen à un bâtiment muré depuis 2019.

La municipalité, de son côté, met en avant de nouveaux projets. En juin 2025, des procédures d’expropriation ont été lancées dans plusieurs secteurs de l’arrondissement Sidi Belyout, notamment aux abords des boulevards Zerktouni et Anfa. Officiellement, il s’agit d’ouvrir de nouvelles voies et d’aérer les quartiers enclavés. Le marché local pourrait lui aussi bénéficier du programme de restructuration des marchés communaux, annoncé par la mairie de Casablanca pour un budget de 200 millions de dirhams à l’horizon 2027.

En attendant, Youssef, 52 ans, montre chaque jour les fissures sur sa devanture et un pan de façade partiellement recouvert d’un tissu plastique, vestige d’un colmatage improvisé après un éboulement mineur l’an dernier.

L’insalubrité, amplificateur du risque

Ce marché est devenu, lui-même, un facteur de dégradation pour les habitations limitrophes. Les eaux stagnantes, les déchets organiques laissés à ciel ouvert, sans oublier l’humidité constante : tout cela met à mal les fondations déjà fragiles des bâtiments voisins. « Il y a des infiltrations jusque dans les cages d’escaliers », témoigne un habitant d’un immeuble de trois étages, dont les colonnes portent encore les traces noirâtres d’un dégât des eaux ancien. « Chaque hiver, on se demande si le bâtiment va tenir. L’été, c’est l’odeur et les rats».

Face à ces constats, les services municipaux ont montré une certaine réactivité ces derniers mois. Lors de l’effondrement partiel d’octobre dernier, l’intervention des autorités a permis l’évacuation rapide du périmètre, évitant ainsi tout drame humain. Des barrières de sécurité sont également régulièrement posées autour des bâtiments identifiés comme fragiles, et des inspections ponctuelles sont menées sur signalement.

Mais ces initiatives, bien que prometteuses, ne se traduisent pas encore par des transformations visibles dans les ruelles de Bouchentouf. La question du relogement des habitants occupant des immeubles très dégradés reste également en suspens, en attente de mécanismes plus structurés.

Houda BELABD

Les habitants redoutent un nouvel effondrement

Les habitants du quartier vivent dans une forme d’abandon. Une attente résignée, marquée par la crainte du prochain effondrement et la certitude que leur quartier, vieux de plusieurs générations, est en train de s’effriter dans l’indifférence.

Casablanca se verticalise et s’ouvre à la modernité, mais dans le cœur de quartiers comme Bouchentouf, l’urgence est là : silencieuse, fissurée et trop souvent ignorée. En ce bout d’an, alors que les chaleurs font craquer les toitures fragiles et que l’ombre du dernier effondrement plane encore dans les mémoires, une question reste suspendue dans l’air : qui sera là pour prévenir le prochain drame ?

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