Le directeur du Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ), Cherkaoui Habboub, a livré des détails inédits sur le démantèlement de la cellule des lions d’Al-Khilafa au Maghreb Al Aqsa. Démantelée peu de temps après celle des trois frères à Had Soualem, celle-ci montre une nouvelle l’étendue de la menace de Daech au Sahel qui essaye de mettre pied au Maroc de façon durable. Désormais, le péril émane d’un certain Abderrahman Sahraoui qui commande à distance les cellules dormantes. Il demeure sous les projecteurs des services sécuritaires. Détails.
Composée de douze membres âgés de 18 à 40 ans, éparpillés sur plusieurs villes, cette cellule baptisée “Les lions de la Khilafa au Maghreb Al Aqsa” a été neutralisée à l’issue de plus d’une année d’investigations. Ses membres projetaient de perpétrer des attentats à distance à l’aide d’explosifs télécommandés et des attaques contre le personnel sécuritaire. Cela montre à quel point le modus operandi évolue. Les attentats suicide ne sont plus l’unique mode opératoire.
Cette cellule était si dangereuse qu’elle était dotée d’un stock d’armes et de munitions caché au pied d’un relief rocheux dans la région de Boudnib (Province d’Errachidia) près de la frontière orientale. Ce cache d’armes a été découvert grâce aux coordonnés GPS retrouvés chez certains membres de la cellule. Revolvers, Kalachnikov, canons, cartouches et munitions emballés dans des journaux maliens… Les armes saisies étaient dépourvus de numéros de série, intentionnellement effacés. Elles ont été fournies et expédiées par un haut commandant de Daech au Sahel. Ceci rappelle le souvenir de la cellule d’Amgala, démantelée en 2011, et qui avait caché un dépôt d’armes lourdes à 200 kilomètres de Laâyoune.
Ceci prouve à quel point le Royaume est devenu une cible de l’organisation terroriste qui a élu durablement domicile dans la bande sahélo-saharienne après son déclin au Moyen Orient. Les services de renseignement estiment désormais que le Maroc est devenu une cible principale du groupe Etat islamique au Sahel.
Le Directeur du Bureau central d’investigations judiciaires, Habboub Cherkaoui a mis en garde contre la volonté des branches sahélienne des organisations terroristes de s’installer durablement au Royaume. “Les organisations terroristes ne cachent pas, à travers leurs plateformes de propagande, leur volonté de cibler le Maroc sous divers prétexte pour pousser leurs sympathisants à s’engager dans des opérations de représailles sur le territoire national”, a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse, tenue ce lundi au siège du BCIJ.
Abderrahmane Sahraoui, le nouveau péril
Désormais, le péril émane d’un nouvel émir qui a pris les rênes de la branche sahélienne de Daech après la liquidation d’Adnan Abou Walid Al-Sahraoui en 2021 par l’Armée française. Il s’agit d’Abderrahmane Sahraoui, un ressortissant libyen, responsable du comité des opérations extérieures, qui dirigeait à distance la cellule démantelée. Ce dernier est sous les radars des services de renseignement, a expliqué le porte-parole du pôle DGSN-DGST, Boubker Sabik. Selon les données préliminaires, il est aussi dangereux que son prédécesseur.
Cherkaoui Habboub a rappelé que les organisations terroristes au Sahel tentent de s’installer au Royaume depuis longtemps sans y parvenir grâce à la veille anti-terroriste. Le directeur du BCIJ fait état “d’acharnement” du péril terroriste contre le Maroc qui demeure ciblé à la fois par des émirs étrangers ou par des loups cachés ayant échoué à rejoindre les camps de Daech dans la bande sahélo-saharienne.
Cela ne date pas d’hier, cela fait longtemps que les organisations terroristes notamment Al Qaïda qui se concentrent sur le Maroc depuis 2007. En témoignent les injonctions de l’ancien émir de l’AQMI, Abdelmalek Droukdel, et les récents communiqués du nouveau commandant général de cette organisation qui évoquent souvent le Royaume dans ses plans.
Sahel, l’épicentre de la menace
Mouvementé par une activité terroriste implacable, le Sahel devient une source de menace permanente vu l’instabilité qui règne dans les États de la région. Les radars sécuritaires se braquent sur cette région qui s’est transformée à la fois en centre de planification des attentats contre le Maroc et en foyer de recrutement de combattants marocains. Selon les statistiques du BCIJ, parmi les cellules démantelées au Royaume, 40 cellules sont en lien avec Daech au Sahel, dont certaines envoyaient de combattants bénéficier de formations militaires afin de perpétrer des attentats au Royaume après leur retour. En parallèle, 130 combattants marocains fanatisés ont rejoint des groupes terroristes dans la bande sahélo-saharienne depuis 2022. Ceux qui ont échoué se tournent vers les attentats locaux. Le Maroc est devenu en même temps la cible des extrémistes ayant échoué à rejoindre les camps de Daech au Sahel, comme ce fut le cas des auteurs du meurtre d’un policier à Casablanca en mars 2023.