​Chimérisme : un être, deux ADN

L’acide désoxyribonucléique est une macromolécule biologique présente dans presque toutes les cellules ainsi que chez de nombreux virus. L’ADN contient toute l’information génétique, appelée génome, permettant le développement, le fonctionnement et la reproduction des êtres vivants.

L’ADN est une molécule biologique en double hélice unique transmise par les parents à leur descendance lors de la reproduction.

Un profil ADN est déterminé par l’analyse de plusieurs marqueurs appelés STR, déterminés à partir de la séquence d’ADN.

Dans un test de paternité, l’analyse cherche les correspondances entre les allèles (marqueurs génétiques) du père présumé et ceux de l’enfant. De même, un test de maternité est concluant lorsque les allèles maternels sont présents dans le génome de l’enfant. Celui-ci doit en effet recevoir un allèle STR de sa mère et de son père à chacun des emplacements analysés dans son génome. En d’autres termes, on ne peut conclure à une relation de filiation que lorsque l’analyse STR de l’enfant correspond à celle du père et de la mère à quasiment tous les emplacements analysés.
Dans notre vie courante, on peut être confronté à cette vérité scientifique dans des situations telles que les affaires judiciaires et familiales.

Nous faisons confiance à la certitude de l’ADN pour nous guider en période d’incertitude.

Mais avez-vous déjà pensé que l’ADN pouvait nous induire en
 

erreur… Ou nous tromper ?
 
Le chimérisme :
 
Le chimérisme est une situation biologique résultant d’anomalies dans la fécondation des ovules et des spermatozoïdes pendant la reproduction. Cela peut amener les enfants affectés à avoir une combinaison d’ADN de deux embryons distincts (donc deux génomes différents).

Le chimérisme, en biologie, désigne la présence de deux populations de cellules génétiquement distinctes au sein d’un même organisme. Ces populations peuvent provenir de fusions d’embryons distincts, de greffes de cellules ou d’organes, ou de transferts de cellules entre jumeaux pendant la grossesse. 

Voici quelques points clés sur le chimérisme :

• Le chimérisme peut être naturel, lors de la fusion d’embryons jumeaux dizygotes (chimérisme congénital, présent dès la naissance).

• Le chimérisme induit ou acquis par des interventions médicales comme les greffes de moelle osseuse ou d’organes. 
 
Exemples les plus médiatisés :
 
1. L’exemple est Lydia Fairchild, qui ne s’attendait certainement pas à perdre ses enfants à la suite d’un test de maternité. Afin d’obtenir des fonds de garde d’enfants du gouvernement, elle a essayé de prouver qu’elle était la mère biologique des enfants, mais les résultats des tests ADN
 
indiquaient le contraire.

Une enquête a été instruite à son encontre sur ses intentions  en raison de preuves génétiques suspectes.

Après de nombreux tests ADN, et même en observant Fairchild donner naissance à son troisième enfant – qui a également été testé négatif  -, le tribunal a tout de même conclu que Fairchild avait commis une fraude.

Bien que cette affaire semblait impossible à résoudre, son avocat s’est intéressé à un article sur une femme nommée Karen Keegan qui souffrait de chimérisme. Compte tenu de ces nouvelles preuves émergentes, les tests ADN ont été répétés avec des échantillons provenant de différentes parties du corps de Fairchild, et ont continué à montrer des résultats négatifs, jusqu’à ce qu’un échantillon soit prélevé sur son tissu reproducteur, ce qui indiquait qu’elle était la mère biologique de ses enfants. L’affaire a été résolue après cette nouvelle découverte, mais cela a suscité un débat sur la question de savoir si nous pouvions compter sur l’ADN comme preuve.
 
2. L’exemple le plus médiatisé remonte à 2002 à Boston. Une femme de 52 ans, Karen Keegan, est atteinte d’une insuffisance rénale. En prévision d’une greffe rénale, des tests ADN (typage HLA) sont réalisés sur les membres de sa famille immédiate, notamment ses trois fils, pour déterminer si l’un d’eux a un groupe tissulaire compatible et pourrait servir de donneur vivant.

Or voilà que les tests concluent que cette femme ne peut pas être la mère biologique de deux de ses trois enfants. Ils possèdent un allèle HLA provenant de leur père mais l’autre
 
ne peut pas venir de leur mère. Les trois hommes sont bien des frères, mais le test génétique affirme que deux d’entre eux ne sont pas les fils de leur mère.

Les médecins décident donc de procéder à des tests génétiques sur d’autres prélèvements cellulaires (écouvillons buccaux, follicules pileux, peau) ainsi que sur plusieurs échantillons tissulaires (thyroïde, vessie).

C’est alors que les généticiens découvrent la présence d’un groupe tissulaire HLA dans le sang de cette femme (haplotype HLA 1 et 3) et d’un autre groupe HLA (haplotype HLA 2 et 4) dans certains autres tissus. Dans certains prélèvements, cette patiente n’a pas seulement deux haplotypes HLA différents, mais quatre.

Les chercheurs émettent alors l’hypothèse que deux œufs ont été fécondés par deux spermatozoïdes différents, puis ont fusionné. Cette patiente est donc le produit d’un chimérisme tétragamétique.
 
3. Le cas d’un homme et sa femme qui peinent à concevoir un autre enfant. Ils n’ont jamais reçu de greffe d’organe ni été transfusés. Ce couple conçoit alors un enfant par insémination artificielle.

À la naissance, le groupe sanguin du bébé est AB+, ce qui apparaît incompatible avec le fait que le mari est A+ et que sa femme est A-.

Cherchant des réponses, le couple se procure un test de paternité réalisable à domicile. Ce test PCR sur écouvillon buccal repose sur l’analyse de 15 marqueurs génétiques (STR). Il s’avère que seulement 12 des 15 marqueurs correspondent à ceux des parents. Le test conclut que la
 
probabilité que le mari soit le père de l’enfant est de 0 %.

C’est alors que le couple contacte le généticien à Stanford. D’autres analyses génétiques sont réalisées sur le père et l’enfant. Elles vont montrer que l’ADN de cet homme ne partage qu’environ 25 % d’homologie avec l’ADN de son bébé. Un résultat qui va mettre le généticien californien sur la piste d’un chimérisme.

Les laborantins collectent l’ADN de plusieurs échantillons provenant du mari : sang, sperme, cheveux, peau et muqueuse buccale.

Les analyses effectuées détectent la présence de deux génomes chez le mari : un génome majoritaire et un génome minoritaire, le génome majoritaire étant celui qui prédomine dans cette chimère alors que le génome minoritaire provient de son frère jumeau absorbé in utero.
 
Heureusement, le chimérisme est une altération génétique très rare, mais qui peut, comme on l’a décrit précédemment, fausser les résultats des tests ADN lors d’identifications.

À ce sujet, lors d’enquêtes criminelles, l’officier de la police judiciaire ou le juge chargé de l’enquête, ainsi que le généticien, doivent en permanence avoir à l’esprit certaines exceptions biologiques.

La formation continue et le suivi du développement de la recherche scientifique sont une obligation nécessaire à la réussite professionnelle des personnes responsables de l’application de la loi.

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