Face aux critiques concernant le taux de chômage enregistré en 2024, Aziz Akhannouch affirme être particulièrement préoccupé par la nécessité de créer des emplois formels et permanents. Détails
Des chiffres qui ont, d’ailleurs, suscité un long débat, mardi, à la Chambre des Conseillers, où le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a été appelé à expliquer cette tendance inquiétante et à dévoiler son plan d’action pour améliorer la capacité du marché du travail à absorber les personnes en situation de chômage.
Aziz Akhannouch prône, selon ses termes, une lecture objective du taux de chômage, arguant qu’une part importante des emplois perdus dans l’agriculture en raison de la sécheresse concerne des emplois informels, non rémunérés, non permanents et souvent liés à l’entraide familiale en milieu rural. Ils ne reflètent donc pas, par conséquent, l’évolution de l’emploi structuré, objet de bataille de l’Exécutif, selon Akhannouch.
Il a, ainsi, mis en avant la progression significative des emplois rémunérés et l’augmentation du nombre de travailleurs déclarés. L’intégration progressive des diplômés a permis, selon lui, de porter le taux d’emplois qualifiés à 50% en 2023. De plus, entre 2018 et 2023, les emplois stables et rémunérés ont progressé de 5%, tandis que les contrats à durée indéterminée (CDI) et déterminée (CDD) ont enregistré une hausse de 11% entre 2017 et 2023, s’est félicité Akhannouch.
« Cette évolution du secteur de l’employabilité de qualité dans notre pays nous rassure quant à la dynamique positive observée dans les secteurs de l’industrie, des services et des travaux publics, et confirme la hausse de plus en plus marquée des emplois qualifiés », a-t-il ajouté.
Emplois formels et décents en vue, mais à quel prix ?
Cela dit, le gouvernement semble davantage préoccupé par la création d’emplois formels et rémunérés que par la simple génération d’opportunités. Dans cette perspective, le Chef du gouvernement a rappelé que 14 milliards de dirhams ont été alloués au titre de la Loi des Finances (LF-2025) à la mise en œuvre de la nouvelle feuille de route pour l’emploi.
Dans le détail, cette feuille de route repose sur trois axes stratégiques majeurs : l’encouragement des investissements à forte valeur ajoutée, l’amélioration de l’efficacité des programmes d’emploi existants et la préservation des opportunités d’emploi en milieu rural, tout en soutenant le secteur agricole dont une bonne partie d’acteurs a chômé cette année. Des objectifs jugés très ambitieux par Omar Kettani, économiste et professeur à l’Université Mohammed V-Agdal de Rabat, du moment que le taux de croissance prévu de 3,8% reste insuffisant pour lutter efficacement contre le chômage.
« Pour absorber efficacement le chômage, il serait nécessaire d’atteindre un taux de croissance annuel de 6 à 7%, et ce, de façon régulière. Cependant, vu la nature capitalistique de la plupart des investissements au Maroc, il semble improbable d’absorber 200.000 emplois par an », a-t-il souligné, appelant à l’adoption d’une approche sociale dans la mise en œuvre de la feuille de route de façon à toucher aussi bien le monde rural qu’urbain, les jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formation (NEET), ainsi que les jeunes diplômés.
Économiste et professeur à l’Université Mohammed V-Agdal de Rabat, Omar Kettani a répondu à nos questions sur l’évolution du marché de l’emploi à la lumière des actions gouvernementales visant à le dynamiser.
– Quelle lecture faites-vous du taux de chômage enregistré au Maroc et quelles en sont les principales raisons ?
– Je dirais que cela est dû, d’abord, au déficit permanent de la balance commerciale depuis l’indépendance, et ensuite au double effet négatif de l’analphabétisme, avec près de 10 millions d’analphabètes presque non productifs. Sans oublier la rente, qui pourrait représenter environ 20% du coût des marchés publics, impactant ainsi la productivité économique. À cela s’ajoute un système d’enseignement et de formation qui n’est pas toujours adapté aux besoins réels du marché.
– A quel point la sécheresse a-t-elle impacté la dynamique de l’emploi dans le monde rural ?
– La problématique de l’emploi en milieu rural n’est pas récente, mais elle a été exacerbée par les années successives de sécheresse. Aujourd’hui, la population rurale représente moins de 40% de la population nationale, en raison de l’exode rural vers les villes, un phénomène lié au modèle de développement adopté par notre pays. En raison d’un manque d’éducation, de formation et d’une politique de développement qui a longtemps parié uniquement sur l’agriculture, sans intégrer d’autres activités innovantes génératrices de revenus, cette population est restée dépendante du secteur agricole. Cela a conduit à une aggravation de la situation de milliers de travailleurs qui dépendent de la générosité du ciel pour travailler.
– Quelles seraient, selon vous, les solutions pour lutter contre le chômage et rétablir la dynamique de l’emploi, notamment dans le monde rural ?
– La solution au chômage doit commencer par l’adoption d’une approche de développement social centrée sur l’humain. Il est essentiel d’accélérer le développement des coopératives, qui connaissent un essor remarquable ces dernières années, afin de faciliter l’insertion professionnelle de la jeunesse locale. Un accompagnement et une formation professionnelle ciblée doivent être offerts à la population rurale, y compris aux petits agriculteurs, pour encourager le développement de nouvelles activités adaptées aux spécificités de chaque région.