Au moment où la tension est à son paroxysme entre Paris et Alger, le gouvernement français menace de réviser les accords bilatéraux face au refus de l’Algérie de reprendre ses migrants refoulés. Détails.
« Nous allons, avec une détermination très ferme, œuvrer sur ce dossier pour défendre les intérêts des Français qui sont notre seule boussole », a assuré Barrot à l’Assemblée, tout en soulignant la nécessité de résoudre les « tensions » entre la France et l’Algérie « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
De son côté, le Premier ministre François Bayrou a rejeté l’idée d’interrompre l’octroi des visas pour tout ressortissant algérien, arguant que ce serait faire porter « à un peuple et à des citoyens » le poids d’une « punition qu’ils ne méritent pas ».
Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, partisan d’une ligne dure avec Alger, se retrouve sous la pression du RN et de Laurent Wauquiez, son rival à la présidence des Républicains.
En mettant sa démission dans la balance si la France cédait sur ce dossier, il a cherché à établir un rapport de force avec l’Algérie, mais aussi au sein du gouvernement.
La fin de non-recevoir opposée par Alger à cette liste lui a aussitôt valu une volée de bois vert de la part du Rassemblement national (RN), qui met en doute la capacité à obtenir des résultats de ce possible rival pour la présidentielle de 2027.
« L’heure n’est plus aux déclarations d’intention », a affirmé Marine Le Pen sur X. « Bruno Retailleau est au pied du mur », a renchéri le président du RN Jordan Bardella.
A l’Assemblée, son ancien collègue de parti Eric Ciotti, qui a appelé le ministre à agir ou à démissionner, a dénoncé l’Algérie comme un « Etat voyou » qui a refusé la « toute petite liste » présentée par la France, qui comprend une soixantaine de noms de personnes expulsables.
Le Premier ministre, dans sa réponse, a assuré qu’au terme d’un « délai assez court », qu’il n’a pas explicité, le gouvernement français était « déterminé à réviser les accords (…) s’il n’y avait pas acceptation de la reprise nécessaire de ressortissants algériens ».
Fin février, François Bayrou avait menacé de « dénoncer » les accords de 1968 si, dans un délai de six semaines, l’Algérie ne reprenait pas ses ressortissants en situation irrégulière.
A gauche, le ton monte aussi contre le ministre de l’Intérieur: « les solutions, elles sont souvent diplomatiques », ce qui « exige une forme de respect mutuel », a déploré le PS Olivier Faure.
« Nous ne sommes pas d’accord pour qu’un incendiaire dans le gouvernement fasse monter la pression à tout-va », a prévenu la cheffe des députés LFI Mathilde Panot.
La droite, pour sa part, serre les rangs derrière l’une de ses personnalités les plus populaires dans les sondages, à l’image du président LR du Sénat Gérard Larcher et d’Edouard Philippe qui ont tous deux salué la « réponse graduée » à l’Algérie promise par Bruno Retailleau.
David Lisnard (LR) a toutefois émis des doutes sur la cohésion au sein de l’exécutif: « J’espère que c’est bien la position de la France », a-t-il affirmé, rappelant la « contradiction » sur ce sujet entre le ministre et Emmanuel Macron.
Le chef de l’État avait signifié qu’il n’était pas question de dénoncer les accords de 1968 qui confèrent aux Algériens un statut particulier en matière de circulation, de séjour et d’emploi en France, ancienne puissance coloniale.
Or, la dénonciation de ces accords est devenue un enjeu pour le RN, mais aussi au sein de LR où le rival du ministre pour la présidence du parti Laurent Wauquiez l’exige également.
« Macron va être obligé de lui lâcher quelque chose », confie à l’AFP un cadre LR qui s’attend à un geste du président pour que le ministre ne démissionne pas.
« Il ne fait que rappeler les conditions qu’il avait fixées à François Bayrou pour faire partie de son exécutif », assure l’entourage de Retailleau.
Ce débat sur l’Algérie et sur l’éventuelle démission de Bruno Retailleau, intervient à deux mois du congrès de LR qui doit désigner à mi-mai son nouveau président. Et à un moment où le ministre, retenu à Paris par loi sur le narcotrafic débattue à l’Assemblée, est empêché cette semaine d’aller à la rencontre des militants.