Les dynamiques démographiques actuelles appellent à une anticipation renforcée des politiques publiques, a souligné, mercredi à Rabat, le Haut-Commissaire au Plan, Chakib Benmoussa.
Cet événement, qui intervient en célébration de la Journée Mondiale de la Population (11 juillet de chaque année), a été également l’occasion pour le Haut-Commissaire au Plan d’expliquer que la dynamique démographique résulte de facteurs complexes tels que la qualité de vie, l’espérance de vie, la santé reproductive ou encore les normes sociales et économiques.
S’appuyant sur les premiers résultats du Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH), M. Benmoussa a relevé l’émergence de tendances structurelles contrastées entre milieux sociaux et territoires. Il a aussi mis en avant les avancées en matière d’éducation, notamment celle des jeunes filles, et la réduction de la pauvreté, notant que des disparités territoriales importantes persistent.
Par ailleurs, le Haut-Commissaire au Plan a indiqué que le recul attendu du nombre d’enfants dans les tranches d’âge les plus jeunes aura des implications majeures pour la planification des politiques publiques, citant à ce titre, l’exemple des écoles à faible effectif en milieu rural, où l’enjeu est de garantir le droit à une éducation de qualité malgré la baisse démographique.
M. Benmoussa a aussi fait remarquer que l’urbanisation croissante pose de nouveaux défis, particulièrement en matière de services publics, de logement, de transport et de conditions de vie, estimant qu’un défaut d’anticipation pourrait compromettre l’équilibre des politiques futures.
Évoquant la baisse de la fécondité nationale, qui est passée de 5,5 en 1982 à 2,2 en 2025, il a affirmé qu’il est impossible de parler de familles épanouies si les conditions économiques et sociales ne sont pas prises en charge par des politiques publiques.
Dans ce sens, M. Benmoussa s’est dit pour des politiques agissant à la fois sur les normes sociales, les conditions professionnelles et la répartition des rôles familiaux. Sur le plan statistique, le Haut-Commissaire a insisté sur la nécessité de disposer de données précises et actualisées pour guider l’action publique, rappelant que le HCP mène actuellement une enquête sur la famille et prévoit de lancer une autre étude sur le budget-temps d’ici la fin de cette année, afin de mieux cerner les mutations sociales en cours.
Enfin, M. Benmoussa a plaidé pour l’expérimentation préalable des politiques publiques, jugeant nécessaire de tester, à petite échelle, les « politiques de demain » pour en évaluer la pertinence, l’efficacité et l’impact dans les contextes réels. Pour lui, cette approche s’inscrit pleinement dans la logique du nouveau modèle de développement qui appelle à inscrire les transformations structurelles dans la durée. De son côté, la représentante de l’UNFPA au Maroc, Marielle Sander, a affirmé que le tournant démographique que connait actuellement le Royaume appelle à une action « audacieuse et immédiate ».
Elle a mis en avant le besoin d’investir davantage dans l’éducation et de combler le fossé entre les genres dans l’emploi, où la participation féminine est toujours inférieure à 17%. Mme Sander a ainsi argumenté pour l’intégration d’une culture favorable à la famille au modèle économique, afin que les femmes et les hommes aient plus de choix dans la création et la vie de famille.
Et de soutenir qu’il est temps de remettre en question l’idée que les femmes sont les seules responsables de l’éducation des enfants, de la prise en charge des aînés et du bon fonctionnement des foyers.
« Il faut valoriser le rôle des hommes et des pères, et promouvoir la parentalité partagée. Lorsque ce sont uniquement les femmes qui portent la charge du soin, c’est toute la société qui en paie le prix », a recommandé Mme Sander. Elle a, en outre, mis en exergue le rôle que peut jouer le secteur privé dans cette dynamique, en créant un environnement favorable aux parents actifs, citant comme exemples le congé parental payé, la flexibilité des horaires, le soutien à la garde des enfants ou encore la couverture santé inclusive, décrivant ces avantages comme « des investissements dans le bien-être de la population et la durabilité de la société ».
Intitulé « La véritable crise de la fécondité : La quête du libre arbitre en matière de procréation dans un monde en mutation », le rapport de l’UNFPA s’appuie sur des travaux de recherche universitaire et sur de nouvelles données issues d’une enquête UNFPA/YouGov réalisée dans 14 pays, dont le Maroc. Il met en lumière une réalité préoccupante : des millions de personnes à travers le monde ne sont pas en mesure d’avoir le nombre d’enfants qu’elles souhaitent, non par rejet de la parentalité, mais en raison d’obstacles économiques et sociaux.
Cette rencontre a réuni des experts de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), de l’Organisation du monde islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (ICESCO), de l’Institut Royal des Études Stratégiques (IRES), de l’Université Mohammed V de Rabat ainsi que du Policy Center for the New South. Leurs analyses croisées ont permis d’enrichir les débats et d’identifier des pistes d’action porteuses en matière de politiques de population.
Aussi, cette journée a été marquée par la célébration du 50ème anniversaire de la présence de l’UNFPA au Maroc, à travers le lancement d’un visuel de l’UNFPA qui se veut être un hommage au dialogue intergénérationnel, aux liens familiaux solides et à la richesse culturelle du Maroc, un pays qui a enregistré une profonde transformation et des avancées importantes durant ces dernières décennies.