Dans l’intimité d’un collectionneur : Yves Saint Laurent vu par Hamish Bowles

Du 31 janvier 2025 au 4 janvier 2026, le Musée Yves Saint Laurent Marrakech accueille l’exposition inédite « Yves Saint Laurent : The Hamish Bowles Collection », mettant en avant 55 pièces vintage exceptionnelles issues de la collection personnelle de l’historien et journaliste de mode. Reportage.

Dans les salles feutrées du musée Yves Saint Laurent Marrakech, une exposition pas comme les autres s’installe. « Yves Saint Laurent : The Hamish Bowles Collection » ne suit pas la trajectoire classique des rétrospectives muséales, où l’histoire de la mode s’écrit dans la distance d’archives soigneusement conservées. Ici, le point de vue est subjectif, intime, presque obsessionnel : celui d’un collectionneur.

Hamish Bowles, figure incontournable du journalisme de mode, éditeur international chez Vogue, et historien passionné, a passé des décennies à traquer les pièces les plus emblématiques du créateur. 55 silhouettes, accumulées au fil du temps, constituent aujourd’hui cette collection singulière, exposée pour la première fois hors du cercle privé. Il ne s’agit pas d’une rétrospective académique, mais d’une exploration personnelle, un choix instinctif et émotionnel des pièces qui, aux yeux de Bowles, incarnent l’essence de Saint Laurent.

Ici, point de vitrines distanciant l’objet du spectateur. Les vêtements, suspendus dans l’espace, dialoguent directement avec le visiteur. On y découvre des pièces de jeunesse créées pour Dior, des silhouettes issues de la maison Yves Saint Laurent dans les années 1960 et 1970, mais aussi des tenues Rive Gauche qui ont redéfini l’allure féminine. Chaque modèle raconte une histoire, non pas celle d’un musée, mais celle d’un homme dont le regard aigu a su capter l’empreinte indélébile du couturier sur la mode contemporaine.

Hamish Bowles : Un regard personnel sur l’héritage d’Yves Saint Laurent
Derrière chaque pièce exposée, il y a une histoire, un choix, un regard. Celui de Hamish Bowles, journaliste de la mode, mais avant tout collectionneur. Un collectionneur qui, durant des décennies, a traqué les créations du maître, animé par une fascination née dès l’enfance.

« C’est un privilège de présenter ces pièces qui m’ont accompagné tout au long de ma carrière et qui incarnent l’essence même du génie d’Yves Saint Laurent », confie-t-il lors de l’ouverture de l’exposition. Mais au-delà d’un simple hommage, l’enjeu est plus profond : « Cette exposition n’est pas seulement une célébration de son talent, mais une invitation à comprendre la place unique qu’il occupe dans l’histoire de la mode. »

Dans son regard de collectionneur, Saint Laurent n’est pas simplement un créateur, mais une figure quasi mystique, un passeur entre l’élégance intemporelle et les bouleversements sociétaux qu’il a su incarner dans ses vêtements. « Enfant obsédé par le glamour brumeux du monde lointain de la mode parisienne, Yves Saint Laurent était mon guide spirituel : le gourou du goût, le grand embellisseur de toutes les choses et de toutes les personnes séduites par sa magie alchimique. »

Si Bowles a, un temps, négligé SAINT LAURENT rive gauche, privilégiant la haute couture comme ultime expression du luxe, il admet aujourd’hui avoir réévalué son regard. « Lorsque j’ai commencé à collectionner Yves Saint Laurent, je ne m’intéressais pas à SAINT LAURENT rive gauche. Dans ma jeunesse, alors que j’aspirais à entrer dans les maisons des grands couturiers, la haute couture était sacro-sainte et le prêt-à-porter jouait les seconds rôles. Rétrospectivement, je me suis trompé. La plupart des sauts visionnaires d’Yves se sont produits avec SAINT LAURENT rive gauche. »

Les pièces rassemblées ici ne sont pas de simples vestiges d’un passé glorieux, mais des témoins vivants de l’histoire de la mode. Des robes, des ensembles qui ont appartenu à des figures légendaires de l’élégance, celles qui ont incarné l’esprit même de la maison : « En tant que collectionneur de haute couture, j’ai été attiré par les vêtements portés par les femmes exceptionnellement élégantes qui avaient commandé à Saint Laurent ce que l’on appelle le Shiny Set : des femmes comme Nan Kempner, Lynn Wyatt, Lily Safra, Gabriele Henkel, et d’autres comme la doyenne de l’édition Eunice Johnson, l’élégante Françoise Picoli qui a travaillé pour Saint Laurent en créant des chaussures, et des stars comme Carol Channing. »

Saint Laurent ne créait pas pour effacer ces femmes, mais pour les sublimer. « En général, ces femmes, qui ont elles-mêmes un physique remarquable, voulaient des vêtements qui accentuent leur beauté plutôt que de l’éclipser. »

Une scénographie immersive
 
L’exposition « Yves Saint Laurent : The Hamish Bowles Collection » ne se limite pas à une simple présentation de vêtements d’exception. Elle plonge le visiteur dans un récit visuel et émotionnel, orchestré par Patrick Kinmonth, metteur en scène d’opéra anglo-irlandais.

Loin d’un accrochage traditionnel, Kinmonth a conçu une expérience immersive, une déambulation entre trois époques clés du créateur : les débuts chez Christian Dior (1958-1960), l’âge d’or de la Maison Yves Saint Laurent (1961-2002) et l’évolution du prêt-à-porter avec SAINT LAURENT Rive Gauche. Chaque espace évoque une facette du génie de Saint Laurent, illustrant son rapport au corps, à la féminité et aux mutations de la mode.

« J’ai souhaité recréer une atmosphère à la fois intime et spectaculaire, qui mette en valeur l’extraordinaire vision de Saint Laurent à travers la sensibilité unique de Hamish Bowles », explique Kinmonth.

Dans cette mise en scène, les vêtements ne sont pas de simples objets figés, mais des témoins vivants d’un dialogue entre passé et présent. Leur agencement crée une narration fluide, où chaque tenue révèle un fragment de l’histoire de la mode, de l’influence des muses aux révolutions stylistiques.

Pour Madison Cox, président de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, cette exposition réaffirme l’empreinte intemporelle du couturier : « Yves Saint Laurent a toujours puisé son inspiration dans le monde qui l’entourait. Cette présentation, fruit d’une collaboration exceptionnelle, illustre la manière dont son travail continue de résonner aujourd’hui et de captiver de nouvelles générations. »

L’exposition « Yves Saint Laurent : The Hamish Bowles Collection » ne se limite pas à un simple carambolage de pièces iconiques. Elle s’accompagne d’un catalogue richement documenté, disponible en français et en anglais, ainsi que d’un documentaire réalisé par David Boatman, offrant une perspective approfondie sur la démarche du collectionneur et l’impact du créateur sur l’histoire de la mode.

Entre haute couture et prêt-à-porter, chaque tenue sélectionnée incarne un moment clé de l’évolution stylistique de Saint Laurent, témoignant d’un savoir-faire d’exception et d’une conception visionnaire de l’élégance.

À propos

Check Also

​Le Maroc et la Bulgarie renforcent leur coopération dans l’enseignement supérieur

La Bulgarie et le Maroc renforceront leur coopération dans l’enseignement supérieur, en élargissant notamment les …

Laisser un commentaire