Droit de suite : Le Maroc réaffirme son engagement à la protection économique des artistes

À l’heure où les œuvres d’art changent de nature et de support, passant du tableau au fichier numérique, la question du « droit de suite » prend une dimension nouvelle. À Rabat, la conférence africaine organisée par l’OMPI et le BMDAV, ce mardi, remet au cœur du débat le lien entre création, équité et technologie. Détails.

L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), en partenariat avec le Bureau marocain du droit d’auteur et des droits voisins (BMDAV) et avec le soutien du ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication (MJCC), organise du 14 au 16 octobre 2025 à Rabat la Conférence régionale africaine sur le droit de suite.

Cette rencontre a pour objectif de stimuler le dialogue en Afrique autour des enjeux liés à la mise en œuvre du droit de suite, un mécanisme juridique qui garantit aux artistes visuels et plasticiens un pourcentage sur les reventes successives de leurs œuvres.

Dans son allocution, Mohamed Mehdi Bensaid, ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, a souligné que le droit de suite constitue une reconnaissance concrète de la contribution des artistes à la vie culturelle et un moyen de leur assurer une part équitable de la valeur générée par leurs créations.

Le ministre a également appelé à renforcer la coopération entre les pays africains pour protéger les droits économiques des créateurs.

De son côté, Sylvie Forbin, vice-directrice générale du Secteur du droit d’auteur et des industries de création à l’OMPI, a relevé que seul un tiers des pays ayant reconnu le droit de suite l’appliquent effectivement. Elle a insisté, à cet effet, sur la nécessité d’adapter ce droit aux nouvelles réalités du marché de l’art numérique, alors que celui-ci se dématérialise et que les artistes doivent pouvoir maintenir le lien avec leurs œuvres.

Mme Forbin a également salué les initiatives novatrices menées par le Maroc, notamment grâce à l’action de la BMDAV, dans le renforcement de la protection des droits d’auteur depuis la pandémie de Covid-19.
 
NFT et nouveaux défis juridiques

Parmi les défis contemporains du monde de l’art, l’essor des NFT (jetons non fongibles) se démarque comme une véritable révolution, ayant profondément bouleversé les pratiques et les repères de la scène artistique internationale. Depuis la vente record de l’œuvre entièrement numérique « Everydays: The First 5 000 days » de l’artiste américain Beeple à 69 millions de dollars en 2020, ces actifs numériques ont suscité un engouement sans précédent, mais aussi de nombreuses incertitudes juridiques.

Malgré une baisse d’activité, le marché mondial des NFT pesait encore près de 200 millions de dollars en 2024, englobant l’art, les objets de luxe et d’autres biens uniques.

L’essor du marché numérique de l’art, alimenté par la blockchain, soulève de nouveaux défis concernant la traçabilité et la redistribution des revenus générés par les reventes d’œuvres en ligne.

L’intégration des NFT (ces certificats d’authenticité numériques basés sur la blockchain) dans le champ du droit de suite représente un enjeu majeur, à la fois juridique et technologique. Ce sujet a d’ailleurs été l’un des points clés abordés par les intervenants durant cette rencontre.

Le Maroc, pionnier du droit de suite en Afrique

Le Royaume figure parmi les premiers pays à avoir intégré le droit de suite dans sa législation nationale. Ce mécanisme, initialement établi par un dahir en 1970 puis supprimé en 2000, a été rétabli et modernisé par la loi n° 66.19 relative aux droits d’auteur et droits voisins du 20 juin 2022.

Le nouveau texte définit désormais le droit de suite comme le droit inaliénable de bénéficier d’un pourcentage du produit de toute revente d’une œuvre d’art graphique ou plastique après la première cession par l’artiste ou ses ayants droit, à condition que la transaction soit effectuée par un professionnel du marché de l’art (vendeur, acheteur ou intermédiaire).

Concrètement, l’entrée en vigueur du décret n° 2.23.75 du 13 juillet 2023 a instauré un barème progressif et transparent du droit de suite, fixé à 8 % pour les ventes inférieures à 150 000 dirhams, 7 % entre 150 000 et 250 000 dirhams, 6 % entre 250 001 et 350 000 dirhams, et 5 % pour toute somme supérieure à 350 000 dirhams.

Depuis 2019, le Bureau marocain du droit d’auteur et des droits voisins (BMDAV) a conduit plusieurs concertations avec les artistes et acteurs du marché de l’art pour assurer une application harmonieuse du droit de suite. Cette démarche a permis d’aligner la législation marocaine sur les normes internationales et de garantir un mécanisme équitable de rémunération au profit des créateurs.

Inventé en France en 1920, le droit de suite visait à assurer une justice économique pour les artistes dont les œuvres prenaient de la valeur après leur première vente.

Lors d’une rencontre à Yaoundé en 2008, il avait été constaté que, malgré la vitalité artistique du continent africain, le marché de l’art restait concentré en Europe et aux États-Unis. Seuls 95 pays sur 176 membres de l’Union de Berne reconnaissent aujourd’hui ce droit, facultatif et soumis à la réciprocité, d’où l’idée née à Yaoundé d’un traité international sous l’égide de l’OMPI.

L’organisation de cette conférence à Rabat s’inscrit dans la dynamique de modernisation du système africain de propriété intellectuelle et dans la valorisation des arts visuels comme moteur de développement culturel et économique. Elle marque une nouvelle étape vers une reconnaissance renforcée des droits des artistes africains sur la scène mondiale.

À l’issue des tables rondes et ateliers, une feuille de route sera élaborée afin de définir les étapes concrètes de mise en œuvre de ce droit.

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