Economie : Commerce local, semi-conducteurs et exportations, l’Exécutif réajuste sa stratégie

Alors que les « Moul Hanout », véritables piliers économiques et sociaux des quartiers, sont mis en péril par les grandes enseignes, le ministre de tutelle, Ryad Mezzour, a rassuré mardi à la Chambre des Conseillers, sur leur résilience et sur les efforts fournis par l’Exécutif pour soutenir ce secteur vital. Interrogé également sur la souveraineté industrielle du Royaume, le ministre a mis l’accent sur l’innovation avec des projets de semi-conducteurs et de nouveaux investissements en perspective en collaboration avec les Centres Régionaux d’Investissement (CRI). Du côté du commerce extérieur, Omar Hejira, fraîchement nommé secrétaire d’État, a annoncé une stratégie exportatrice ambitieuse, visant à renforcer le positionnement international du Royaume. Round up.

La croissance rapide des grandes surfaces commerciales au Maroc soulève des inquiétudes concernant l’avenir des «Moul Hanout», ces petits commerces de proximité qui occupent une place fondamentale dans la vie des quartiers. L’implantation de centres commerciaux, de plus en plus visibles dans les zones résidentielles populaires, menace de transformer radicalement le paysage commercial en poussant les petites épiceries vers la fermeture. Lors de la session des questions orales à la Chambre des Conseillers, le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a mis en lumière les défis posés par cette transformation rapide, tout en insistant sur la résilience des petits commerces et sur les actions en cours pour les soutenir.
 
Un pilier économique en souffrance !
 
Plusieurs Conseillers de l’opposition ont rappelé le rôle crucial des petits commerces dans l’économie locale. Non seulement ces commerces sont des points de vente de proximité, mais ils offrent également un soutien financier informel aux résidents en accordant des crédits sans intérêt en cas de besoin. Cette relation de confiance avec les habitants et la contribution à l’économie de quartier sont mises en péril par la concurrence accrue des grandes enseignes. Selon l’opposition, l’absence de régulation stricte concernant l’expansion des chaînes de grande distribution, combinée aux défis administratifs et fiscaux, pousse ces petits commerçants à fermer boutique, privant ainsi les communautés de services essentiels.

Face aux critiques et aux préoccupations exprimées par les Conseillers, Mezzour a précisé que son ministère s’engage activement aux côtés des petits commerçants. Malgré une projection initiale visant 50% de points de vente pour les grandes surfaces, celles-ci ne représentent aujourd’hui que 20% du marché, signe que les petits commerces demeurent résilients face à cette montée en puissance avec un taux de couverture de presque 80%. Le ministère travaille à réduire les obstacles à l’accès aux financements et collabore avec les associations de commerçants pour répondre à leurs besoins. Cependant, de nombreux acteurs estiment que les mesures actuelles, qui couvrent seulement 70% des recommandations, sont insuffisantes pour faire face aux défis structurels posés par la modernisation du secteur.

Mezzour a également profité de cette session parlementaire pour souligner les efforts de son ministère en matière de développement industriel et de renforcement de la souveraineté économique. Grâce à une coordination accrue avec les Centres Régionaux d’Investissement (CRI), plus de 1.800 projets industriels ont été lancés dans l’ensemble du territoire, dont une majorité est soutenue par des investissements nationaux. Cette stratégie vise à diversifier l’économie et à créer des emplois, tout en assurant la viabilité des industries locales face à la concurrence internationale. Il a précisé que les investissements marocains en industrie représentent aujourd’hui 50% de la valeur totale, un chiffre qui témoigne de la volonté de renforcer l’autonomie économique du pays.

Stratégie d’exportation : Les ambitions de Hejira pour le commerce extérieur
Lors de sa première intervention à la Chambre des Conseillers, Omar Hejira, récemment nommé secrétaire d’État auprès du ministre de l’Industrie et du Commerce, chargé du Commerce extérieur, a souligné l’importance d’une nouvelle stratégie exportatrice pour renforcer le positionnement international du Maroc dans les secteurs économiques moteurs, notamment l’industrie et le commerce. Dans un contexte où les exportations du Royaume affichent une croissance notable, cette initiative vient formaliser un cadre d’actions concertées visant à faire du commerce extérieur un véritable levier de développement national.

Les chiffres confirment la dynamique en cours : entre 2021 et 2023, les exportations de véhicules ont bondi de 30,47%, tandis que les secteurs du textile et du cuir, ainsi que de l’aéronautique ont respectivement progressé de 12,78 % et de 8,97%. Ces résultats démontrent, selon Hejira, l’attractivité et la compétitivité croissante du Maroc sur les marchés internationaux, une tendance que le gouvernement souhaite amplifier par une gestion rigoureuse et une planification ciblée.

Le secrétaire d’État a également annoncé qu’une feuille de route pour 2025 sera élaborée en partenariat avec les principaux acteurs économiques et institutionnels. Ce plan stratégique associera parlementaires, conseillers ainsi que représentants de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), de l’Association Marocaine des Exportateurs (ASMEX) et des différentes fédérations professionnelles. L’objectif ? Consolider une vision partagée et des objectifs mesurables pour un impact à court et moyen terme sur le commerce extérieur marocain.

Hejira met ainsi l’accent sur l’importance d’une collaboration renforcée entre les instances publiques et privées pour identifier et répondre efficacement aux besoins spécifiques des exportateurs marocains, créant un environnement où les secteurs prioritaires puissent bénéficier d’un accompagnement cohérent et adapté à leur réalité économique.

Un plan d’action annuel pour garantir réactivité et résultats
Afin d’éviter les écueils d’une vision à trop long terme, le secrétaire d’État opte pour un plan d’action annuel, destiné à favoriser la réactivité et l’adaptabilité des politiques mises en place. Plutôt que de s’engager sur des plans de six ou sept ans, qui risquent de manquer de flexibilité face aux évolutions rapides des marchés internationaux, Hejira défend l’idée d’une stratégie d’ajustement en continu, permettant une évaluation fréquente et une amélioration rapide des actions.

Ce choix de la régularité dans la mise en œuvre est motivé par la volonté de prouver la valeur ajoutée du secrétariat d’État dédié au commerce extérieur, récemment institué, et d’en faire un instrument indispensable au développement des exportations marocaines. Par une exécution efficace et une transparence accrue, cette approche devrait également renforcer la confiance des investisseurs et des partenaires commerciaux internationaux, consolidant la place du Maroc dans le commerce mondial.
 

Une expertise dans la chaîne d’assemblage et de programmation
 
En réponse à une question de Lahcen Haddad, vice-président de la Chambre, Ryad Mezzour a exposé les ambitions et les capacités du Maroc dans l’industrie des semi-conducteurs, un domaine où les avancées technologiques et les contraintes géopolitiques redessinent les priorités mondiales. Le ministre a détaillé les deux étapes majeures de cette industrie : le front end (conception et fabrication) et le back end (assemblage, finition, programmation). Si le front end demeure l’apanage de quelques pays aux capacités financières colossales, le Maroc se distingue dans la phase du back end, où il excelle dans l’assemblage et la programmation des semi-conducteurs pour des marchés internationaux, dont le très compétitif marché américain.

Grâce à ses infrastructures et à une main-d’œuvre qualifiée, le Royaume s’est taillé une place dans ce segment, où les produits marocains répondent aux standards de qualité exigés à l’international. Le ministre Mezzour voit dans cette spécialisation une opportunité de croissance pour le secteur technologique marocain et pour l’ensemble de l’économie, qui pourrait bénéficier de retombées en termes d’emplois et de transferts de compétences.

Contexte mondial en mutation et offre surabondante de puces électroniques
L’industrie des semi-conducteurs a été profondément impactée par la crise sanitaire mondiale, occasionnant des ruptures d’approvisionnement qui ont révélé la fragilité des chaînes de production mondiales. Pour répondre aux besoins grandissants en semi-conducteurs, plusieurs initiatives d’investissement ont vu le jour au cours de la pandémie, entraînant une production surabondante de puces électroniques (CHIPS), ce qui freine aujourd’hui les nouvelles perspectives d’investissement dans ce secteur. Selon Mezzour, cette situation de surproduction, conjuguée à une forte concentration de la fabrication des puces dans un petit nombre de pays, limite l’attractivité pour de nouveaux projets de production dans cette branche en constante fluctuation.

En soulignant la complexité et le coût exorbitant du front end, Mezzour admet que la stratégie marocaine ne vise pas à concurrencer les grands fabricants de puces électroniques, mais à solidifier son positionnement dans la chaîne d’approvisionnement globale en se spécialisant dans les étapes de finalisation et de programmation.

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